Pas de deux théâtral écrit par le Britannique Duncan Macmillan et interprété par Sophie Cadieux et Maxime Denommée, Des arbres suit la relation d’un couple de jeune adultes se questionnant quant aux impacts, non seulement sur leur vie respective et sur leur relation, mais aussi sur le plan environnemental, qu’aurait le fait de donner naissance à un enfant.
Pour contrer l’empreinte écologique de ce nouvel habitant de la Terre et avoir la conscience en paix, suffirait-il de planter des arbres? Et le bouleversement de leur propre existence pourrait-il être aussi aisément amorti? Un tourbillon de sentiments se bouscule dans l’esprit, le cœur et la bouche des amoureux. Or, le flot de leur conversation coule, ininterrompu, malgré des ellipses manifestes dans le temps et les ruptures de ton qui en découlent, et malgré les changements de lieux, simplement suggérés par des détails de leur entretien ou, parfois, par la position et les mouvements des acteurs. Le débat s’amorce dans un magasin à grande surface, se poursuit immédiatement dans la voiture (alors que la demoiselle s’est explicitement absentée pendant deux heures pour éclaircir ses idées), puis dans différents lieux au fil des semaines, puis des mois et des années.
Il peut s’avérer quelque peu irritant que les rôles masculin et féminin se révèlent, mis à part peut-être le fait que ce soit l’homme qui émette d’abord l’idée de fonder une famille, aussi stéréotypés. Autour d’une jeune femme dont la logorrhée n’a d’égal que la névrose, gravite plus ou moins maladroitement un homme qui tente de négocier avec les innombrables émotions de sa douce moitié, sans vraiment en exprimer qui lui soient propres, sauf à quelques rares moments. Par exemple, lorsque sa conjointe se terre dans une prostration muette, à la suite d’une fausse couche, et cesse ainsi de mener la discussion. Comment le jeune homme sublimera-t-il le vertige que lui procure le fait d’être soudainement seul exégète de ses sentiments? À travers l’adultère. Un peu simpliste comme vision du couple moyen, non?
Il convient néanmoins d’être bon joueur et d’admettre que le duo, si convenu soit-il, s’avère tout à fait crédible. Grâce au texte, mais aussi largement au jeu des comédiens. Maxime Denommée campe, comme il en a si bien le secret, un mâle à la fois affable, terre-à-terre et légèrement ahuri. Sophie Cadieux, pour sa part, multiplie avec une agilité indéniable nuances et changements de registres émotifs, rappelant un peu ceux déployés dans le solo Cette fille-là, en 2004, où la jeune actrice personnifiait une adolescente témoin de gestes d’intimidation ayant mené au décès d’une camarade. Douze ans plus tard, si l’âge des personnages et leurs préoccupations ont changé, on retrouve chez leur interprète la même précision et la même sensibilité qui avaient alors ébahi la galerie.
Notons aussi que la mise en scène épurée de Benoît Vermeulen n’est certainement pas étrangère au réalisme et à la charge émotive de cet échange. Celle-ci, plutôt que d’user d’un quelconque stratagème (projections, modules scéniques mobiles et transformables, etc.) afin de situer l’action dans les divers lieux où elle se déroule, laisse toute la place au jeu des acteurs et à leurs interactions.
Les déplacements sont généralement naturels et la scénographie, presque inexistante, ne compte que deux bouteilles d’eau pour seuls accessoires, ainsi qu’un disque lumineux d’une cinquantaine de centimètres de diamètre, accroché au mur, pour tout décor. Il est d’ailleurs permis de douter de sa nécessité, voire de son utilité, alors que le spectateur s’est tout à fait acclimaté à l’ambiance spartiate. Quoi qu’il en soit, le parti pris de la simplicité, qui touche non seulement le jeu et l’environnement scénique, mais aussi la traduction réalisée par Benjamin Pradet, apporte beaucoup de véracité aux échanges incessants des protagonistes.
Ce dialogue offre, par ailleurs, un écho fort convainquant aux réflexions que l’on peut réalistement prêter à ceux qui ont le luxe du libre-arbitre, soit des jeunes gens éduqués (l’une termine un doctorat, l’autre dissèque des ouvrages scientifiques en guise de loisirs) et vivant dans un pays où chaque instant n’est pas consacré à lutter contre la faim, où l’on ne marie pas les jeunes filles à peine pubères contre leur gré et où la contraception est monnaie courante. Or, comme notre société correspond très bien à ces critères de confort, nous avons tout le loisir de nous reconnaître dans les tribulations des héros… et de les apprécier.
Texte: Duncan Macmillan. Traduction: Benjamin Pradet. Mise en scène: Benoît Vermeulen. Éclairages: André Rioux. Musique: Guido Del Fabbro. Avec Maxime Denommée et Sophie Cadieux (ou Éveline Gélinas). Une production de la Manufacture. À la Licorne jusqu’au 30 avril 2016, puis du 25 septembre au 20 octobre 2017. En tournée à travers le Québec du 31 octobre 2017 au 12 mai 2018.
Pas de deux théâtral écrit par le Britannique Duncan Macmillan et interprété par Sophie Cadieux et Maxime Denommée, Des arbres suit la relation d’un couple de jeune adultes se questionnant quant aux impacts, non seulement sur leur vie respective et sur leur relation, mais aussi sur le plan environnemental, qu’aurait le fait de donner naissance à un enfant.
Pour contrer l’empreinte écologique de ce nouvel habitant de la Terre et avoir la conscience en paix, suffirait-il de planter des arbres? Et le bouleversement de leur propre existence pourrait-il être aussi aisément amorti? Un tourbillon de sentiments se bouscule dans l’esprit, le cœur et la bouche des amoureux. Or, le flot de leur conversation coule, ininterrompu, malgré des ellipses manifestes dans le temps et les ruptures de ton qui en découlent, et malgré les changements de lieux, simplement suggérés par des détails de leur entretien ou, parfois, par la position et les mouvements des acteurs. Le débat s’amorce dans un magasin à grande surface, se poursuit immédiatement dans la voiture (alors que la demoiselle s’est explicitement absentée pendant deux heures pour éclaircir ses idées), puis dans différents lieux au fil des semaines, puis des mois et des années.
Il peut s’avérer quelque peu irritant que les rôles masculin et féminin se révèlent, mis à part peut-être le fait que ce soit l’homme qui émette d’abord l’idée de fonder une famille, aussi stéréotypés. Autour d’une jeune femme dont la logorrhée n’a d’égal que la névrose, gravite plus ou moins maladroitement un homme qui tente de négocier avec les innombrables émotions de sa douce moitié, sans vraiment en exprimer qui lui soient propres, sauf à quelques rares moments. Par exemple, lorsque sa conjointe se terre dans une prostration muette, à la suite d’une fausse couche, et cesse ainsi de mener la discussion. Comment le jeune homme sublimera-t-il le vertige que lui procure le fait d’être soudainement seul exégète de ses sentiments? À travers l’adultère. Un peu simpliste comme vision du couple moyen, non?
Il convient néanmoins d’être bon joueur et d’admettre que le duo, si convenu soit-il, s’avère tout à fait crédible. Grâce au texte, mais aussi largement au jeu des comédiens. Maxime Denommée campe, comme il en a si bien le secret, un mâle à la fois affable, terre-à-terre et légèrement ahuri. Sophie Cadieux, pour sa part, multiplie avec une agilité indéniable nuances et changements de registres émotifs, rappelant un peu ceux déployés dans le solo Cette fille-là, en 2004, où la jeune actrice personnifiait une adolescente témoin de gestes d’intimidation ayant mené au décès d’une camarade. Douze ans plus tard, si l’âge des personnages et leurs préoccupations ont changé, on retrouve chez leur interprète la même précision et la même sensibilité qui avaient alors ébahi la galerie.
Notons aussi que la mise en scène épurée de Benoît Vermeulen n’est certainement pas étrangère au réalisme et à la charge émotive de cet échange. Celle-ci, plutôt que d’user d’un quelconque stratagème (projections, modules scéniques mobiles et transformables, etc.) afin de situer l’action dans les divers lieux où elle se déroule, laisse toute la place au jeu des acteurs et à leurs interactions.
Les déplacements sont généralement naturels et la scénographie, presque inexistante, ne compte que deux bouteilles d’eau pour seuls accessoires, ainsi qu’un disque lumineux d’une cinquantaine de centimètres de diamètre, accroché au mur, pour tout décor. Il est d’ailleurs permis de douter de sa nécessité, voire de son utilité, alors que le spectateur s’est tout à fait acclimaté à l’ambiance spartiate. Quoi qu’il en soit, le parti pris de la simplicité, qui touche non seulement le jeu et l’environnement scénique, mais aussi la traduction réalisée par Benjamin Pradet, apporte beaucoup de véracité aux échanges incessants des protagonistes.
Ce dialogue offre, par ailleurs, un écho fort convainquant aux réflexions que l’on peut réalistement prêter à ceux qui ont le luxe du libre-arbitre, soit des jeunes gens éduqués (l’une termine un doctorat, l’autre dissèque des ouvrages scientifiques en guise de loisirs) et vivant dans un pays où chaque instant n’est pas consacré à lutter contre la faim, où l’on ne marie pas les jeunes filles à peine pubères contre leur gré et où la contraception est monnaie courante. Or, comme notre société correspond très bien à ces critères de confort, nous avons tout le loisir de nous reconnaître dans les tribulations des héros… et de les apprécier.
Des arbres
Texte: Duncan Macmillan. Traduction: Benjamin Pradet. Mise en scène: Benoît Vermeulen. Éclairages: André Rioux. Musique: Guido Del Fabbro. Avec Maxime Denommée et Sophie Cadieux (ou Éveline Gélinas). Une production de la Manufacture. À la Licorne jusqu’au 30 avril 2016, puis du 25 septembre au 20 octobre 2017. En tournée à travers le Québec du 31 octobre 2017 au 12 mai 2018.