Critiques

La LNI s’attaque aux classiques : Un bel outil pédagogique

Brice Garcin

La formule des matchs d’impro de la Ligue nationale d’improvisation (LNI), véritable institution au sein du théâtre québécois et répandue à travers le monde, est pratiquée dans différentes langues et dans pratiquement toutes les écoles du Québec. Créée il y a près de 40 ans par Robert Gravel et Yvon Leduc, elle a senti le besoin en 2015 de renouveler le genre pour conquérir de nouveaux publics et vraisemblablement pour assurer sa viabilité auprès des bailleurs de fonds.

En effet, rarement un spectacle de théâtre n’a connu autant l’adhésion du public, avec une participation et une complicité d’une telle intensité. Les spectacles de la LNI demandent un immense talent pour réussir une bonne improvisation et exigent de la part des acteurs, des qualités d’auteurs et de metteurs en scène. La formule revisitée de La LNI s’attaque aux classiques réussira-t-elle à garder l’adhésion de ses fidèles? Ce n’est pas certain, cependant elle possède un très bon outil pour partir à la conquête des écoles secondaires.

Brice Garcin

Le concept est simple. D’abord, oublions ce qu’on connait de la LNI, la patinoire, les catégories et les règles entourant les matchs d’impro. Les spectateurs sont assis face à face (toujours ce souci d’inclure le public), l’aire de jeu est libre avec seulement quelques éléments de costumes rouges à la disposition des trois comédiens. La représentation se divise en trois parties chronométrées: pendant la première heure, les deux animateurs/conseillers dramaturgiques rappellent au public (et aux acteurs!) les grandes lignes de l’auteur de la soirée, ils donnent des consignes aux interprètes qui s’exécutent sur le champ dans de courtes improvisations pour illustrer les concepts de manière ludique plutôt que de rester uniquement dans la théorie; un entracte de dix minutes permet aux trois interprètes (Réal Bossé, Salomé Corbo et Florence Longpré) accompagnés de leurs coachs, de se concerter en vue de la troisième partie, une improvisation d’une demi-heure.

Brice Garcin

Le plus grand défi est de s’attaquer chaque soir à un auteur différent, de Marivaux à Tennessee Williams, en passant par Suzanne Lebeau et Robert Lepage. Le jeudi 8 décembre, on a eu droit à Goldoni. Alexandre Cadieux, présenté par François-Étienne Paré comme un éminent critique et doctorant en théâtre (ce qui a eu l’air d’impressionner l’auditoire), nous livre avec humour et intelligence un condensé des principales caractéristiques de l’auteur qui a réformé la commedia dell’arte au 18e siècle. Ainsi, il nous indique que la principale contribution de Goldoni dans son écriture a été de raffiner les types de la commedia (Arlequin, Pantalon, le Docteur le Capitaine, etc.) afin de les dépouiller de la grossièreté habituelle des personnages en partie improvisés des théâtres de tréteaux.

Brice Garcin

Le théâtre classique en 30 secondes

Les Éditions Hurtubise ont une collection de bouquins dont le but est de vulgariser et synthétiser certains domaines de la connaissance. Ainsi, ils ont publié La Grèce antique en 30 secondes, La philosophie en 30 secondes, etc. Il y a également la série «Pour les nuls». Avec La LNI s’attaque aux classiques, c’est un peu l’effet recherché. Cadieux est excellent dans son rôle de vulgarisateur, Paré est très pertinent en expert de l’improvisation pour formuler les consignes aux acteurs et les trois improvisateurs sont des virtuoses de leur art. Cependant, on peut souligner quelques bémols: les explications pourraient être encore plus courtes, pour laisser plus de place au jeu et les masques utilisés n’étaient pas fait pour jouer: un Arlequin trop gros et en plastique, un Pantalon au nez trop long (il a cassé en représentation), un Docteur qui masquait la voix des comédiens (on l’a rapidement laissé de côté), dommage!

La LNI s’attaque aux classiques

Idéation: François-Étienne Paré et Étienne St-Laurent. Animation et dramaturgie: Alexandre Cadieux et François-Étienne Paré. Avec Réal Bossé, Salomé Corbo et Florence Longpré. Éclairages improvisés: Maxime Clermont-M. Une production de la Ligue nationale d’improvisation. À Espace Libre jusqu’au 19 décembre 2016, puis du 28 novembre au 9 décembre 2017.

Jean-Claude Côté

À propos de

Collaborateur de JEU depuis 2016, il a enseigné le théâtre au Cégep de Saint-Hyacinthe et au Collège Shawinigan. Il a également occupé pendant six ans les fonctions de chroniqueur, critique et animateur à Radio Centre-Ville.