On peut toujours compter sur le plasticien-comédien lillois-bruxellois Antoine Defoort pour secouer la pensée humaine. Il débarque à Québec avec Un faible degré d’originalité, sa conférence ludique qui raconte l’histoire de la propriété intellectuelle en passant autant par des chemins chronologiques que par de fabuleuses digressions.
La conférence ludique. C’est l’une des nouvelles formes explorées ces dernières années par l’Amicale de production, notamment par le comédien Antoine Defoort, mais aussi par son éternel comparse Julien Fournet. On connaît, notamment à cause de leur spectacle à succès Germinal, leur goût pour un théâtre intello et décalé qui fait autant rigoler qu’il déplace les perspectives. Mais cette fois, à la différence de Germinal ou de On traversera le pont une fois rendus à la rivière, pas de technologie. Dans Un faible degré d’originalité, seul en scène et s’accompagnant de croquis et de boîtes de carton, Antoine Defoort pose un regard hors-norme sur un sujet un peu aride : le droit d’auteur et son infinie complexité juridique.
Croire au droit d’auteur et continuer à défendre la propriété intellectuelle en 2017, est-ce une utopie? À une époque de recyclage et de remixage, nombreux sont les partisans d’un système plus souple qui encouragerait les rééchantillonages décomplexés. La défense de la propriété intellectuelle est-elle encore utile à la circulation des idées, du savoir et des œuvres? Et le droit d’auteur, qui s’appuie sur le versement de redevances à des auteurs ou leurs ayant-droits, est-il encore efficace quand, souvent, les créateurs n’en sont pas les premiers bénéficiaires? Voilà quelques-unes des questions qui émergent au fil de la conférence de Defoort. Et les réponses ne sont pas simples.
Circulation des idées
«J’essaie de ne répondre à aucune de ces questions dans le spectacle, déclare Defoort. Elles sont toutes posées en filigrane, mais je ne me sens pas légitime d’y répondre. Toutefois mon intérêt pour cette question vient effectivement du fait que ça me parait contre-nature de donner une propriété intellectuelle à quelque chose qui est de l’ordre de la circulation des idées. Artificiellement limiter la capacité des idées à circuler me paraît dommage. Il faut bien sûr trouver des manière de rémunérer le travail des gens qui se consacrent à ces idées, et c’est peut-être le plus gros sujet de réflexion de ce spectacle. C’est passionnant. Or, j’essaie surtout dans cette conférence de définir les termes. Qu’est-ce que le droit d’auteur, par exemple. Il faut faire de nombreux détours historiques pour bien répondre à cette très vaste question.»
Premier détour : Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, dont les droits ont été implacablement inaccessibles au pauvre Antoine Defoort. Deuxième détour : le Boléro de Ravel, dont les droits ont fait l’objet en France d’une épique bataille juridique et politique. Troisième détour : l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, là où commence véritablement l’histoire du droit d’auteur. «On a l’impression que les débats sur le droit d’auteur sont très actuels, mais en fait, ils agitent l’humanité depuis la Grèce antique, explique le comédien. On recense aussi ce genre de questionnement à de nombreuses époques pendant lesquelles l’art était essentiellement religieux. Les auteurs, quand ils osaient se déclarer auteurs, se faisaient gentiment rappeler qu’ils étaient avant tout des émissaires de Dieu. Je ne sais pas si les idées appartiennent à Dieu, mais en tout cas, on peut se demander si elles appartiennent vraiment aux auteurs.»
Réinventer le principe de la conférence, «en faire un spectacle, s’amuser avec ses codes» : voilà qui s’est imposé à l’artiste désireux «d’aborder le sujet d’une façon rigoureuse, en s’appuyant sur une longue recherche». «Je voulais aussi, conclut-il, qu’il y ait de l’écriture scénique et de l’humour, que des images émergent pour faciliter la compréhension et la digestion de ce matériel intellectuel dense et un peu austère. Il fallait de la magie.»
De et avec Antoine Defoort. Une production de l’Amicale de production. Au Périscope, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, du 7 au 9 juin 2017.
On peut toujours compter sur le plasticien-comédien lillois-bruxellois Antoine Defoort pour secouer la pensée humaine. Il débarque à Québec avec Un faible degré d’originalité, sa conférence ludique qui raconte l’histoire de la propriété intellectuelle en passant autant par des chemins chronologiques que par de fabuleuses digressions.
La conférence ludique. C’est l’une des nouvelles formes explorées ces dernières années par l’Amicale de production, notamment par le comédien Antoine Defoort, mais aussi par son éternel comparse Julien Fournet. On connaît, notamment à cause de leur spectacle à succès Germinal, leur goût pour un théâtre intello et décalé qui fait autant rigoler qu’il déplace les perspectives. Mais cette fois, à la différence de Germinal ou de On traversera le pont une fois rendus à la rivière, pas de technologie. Dans Un faible degré d’originalité, seul en scène et s’accompagnant de croquis et de boîtes de carton, Antoine Defoort pose un regard hors-norme sur un sujet un peu aride : le droit d’auteur et son infinie complexité juridique.
Croire au droit d’auteur et continuer à défendre la propriété intellectuelle en 2017, est-ce une utopie? À une époque de recyclage et de remixage, nombreux sont les partisans d’un système plus souple qui encouragerait les rééchantillonages décomplexés. La défense de la propriété intellectuelle est-elle encore utile à la circulation des idées, du savoir et des œuvres? Et le droit d’auteur, qui s’appuie sur le versement de redevances à des auteurs ou leurs ayant-droits, est-il encore efficace quand, souvent, les créateurs n’en sont pas les premiers bénéficiaires? Voilà quelques-unes des questions qui émergent au fil de la conférence de Defoort. Et les réponses ne sont pas simples.
Circulation des idées
«J’essaie de ne répondre à aucune de ces questions dans le spectacle, déclare Defoort. Elles sont toutes posées en filigrane, mais je ne me sens pas légitime d’y répondre. Toutefois mon intérêt pour cette question vient effectivement du fait que ça me parait contre-nature de donner une propriété intellectuelle à quelque chose qui est de l’ordre de la circulation des idées. Artificiellement limiter la capacité des idées à circuler me paraît dommage. Il faut bien sûr trouver des manière de rémunérer le travail des gens qui se consacrent à ces idées, et c’est peut-être le plus gros sujet de réflexion de ce spectacle. C’est passionnant. Or, j’essaie surtout dans cette conférence de définir les termes. Qu’est-ce que le droit d’auteur, par exemple. Il faut faire de nombreux détours historiques pour bien répondre à cette très vaste question.»
Premier détour : Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, dont les droits ont été implacablement inaccessibles au pauvre Antoine Defoort. Deuxième détour : le Boléro de Ravel, dont les droits ont fait l’objet en France d’une épique bataille juridique et politique. Troisième détour : l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, là où commence véritablement l’histoire du droit d’auteur. «On a l’impression que les débats sur le droit d’auteur sont très actuels, mais en fait, ils agitent l’humanité depuis la Grèce antique, explique le comédien. On recense aussi ce genre de questionnement à de nombreuses époques pendant lesquelles l’art était essentiellement religieux. Les auteurs, quand ils osaient se déclarer auteurs, se faisaient gentiment rappeler qu’ils étaient avant tout des émissaires de Dieu. Je ne sais pas si les idées appartiennent à Dieu, mais en tout cas, on peut se demander si elles appartiennent vraiment aux auteurs.»
Réinventer le principe de la conférence, «en faire un spectacle, s’amuser avec ses codes» : voilà qui s’est imposé à l’artiste désireux «d’aborder le sujet d’une façon rigoureuse, en s’appuyant sur une longue recherche». «Je voulais aussi, conclut-il, qu’il y ait de l’écriture scénique et de l’humour, que des images émergent pour faciliter la compréhension et la digestion de ce matériel intellectuel dense et un peu austère. Il fallait de la magie.»
Un faible degré d’originalité
De et avec Antoine Defoort. Une production de l’Amicale de production. Au Périscope, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, du 7 au 9 juin 2017.