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Helen Simard et Nic Green : liberté de mouvement

Issu d’un jumelage entre le OFFTA et le festival Buzzcut de Glasgow, l’évènement Body Politic fera cohabiter des artistes montréalais, la compagnie projets hybris et Helen Simard, avec des créatrices écossaises, Nic Green et Mele Broomes. Dans un esprit de fête, quatre différentes performances s’articuleront autour de la notion de corps politique, un concept central dans les démarches interdisciplinaires d’Helen Simard et de Nic Green, que nous avons rencontrées.

La soirée permettra aux spectateurs de circuler à leur guise dans l’espace du Monument-National. Une configuration idéale pour Helen Simard, intéressée à déconstruire la relation traditionnelle entre le performeur et le spectateur. La chorégraphe réadaptera des séquences de sa pièce Idiot, présentée en mars dernier à la Chapelle, tandis que l’artiste touche-à-tout Nic Green proposera une performance participative à base de danses traditionnelles écossaises.

Repenser le rôle du spectateur

S’inspirant des danses urbaines, Helen Simard pose la culture populaire au cœur de sa démarche. À son avis, mettre des corps en mouvement est un geste éminemment politique qui présente un enjeu éthique : «Je réfléchis continuellement aux représentations des corps et des comportements qu’on autorise, dépendamment qu’on soit un homme ou une femme dans le contexte de la danse. Je cherche à défier les préconceptions, et, plus généralement, à questionner l’omniprésence de l’hétéronormativité et de la violence contre les femmes dans notre culture.»

Dans Idiot, elle s’intéresse au corps très médiatisé, hypersexualisé et parfois torturé d’Iggy Pop, dont elle récupère les mouvements pour composer des séquences chorégraphiques. Elle laisse une liberté d’improvisation à ses danseurs et à ses musiciens, travaillant en étroite collaboration. La chorégraphe s’avoue ravie de pouvoir expérimenter dans un lieu intimiste, où le spectateur peut être engagé plus activement : «Le fait de présenter notre travail dans un espace non conventionnel, où le public peut choisir le temps qu’il souhaite rester et faire des choix, nous pousse à repenser ce qu’est la performance.»

«Je travaille beaucoup avec les surcharges sensorielles, précise Simard. En poussant volontairement le volume de la musique très fort, je cherche à désorienter et à déstabiliser le public. Mais, plutôt que de le rejeter et d’être dans la confrontation, je prend soin de lui, pour qu’il se sente à l’aise de questionner son rôle. J’essaie de l’emmener dans un espace viscéral, humain et émotionnel.»

Espaces de liberté et d’échanges

Les recherches de Nic Green se concentrent sur la relation de l’humain à son environnement. Pour la créatrice, notre rapport à la danse est intimement lié au territoire où on s’ancre et à la culture dans laquelle on baigne. Alors qu’au Royaume-Uni les libertés de mouvement dans l’espace public sont de plus en plus contraintes par les politiques sécuritaires et l’urbanisme des villes, la fête représente un espace-temps où s’affranchir des règles pour mieux s’exprimer avec son corps : «Ce qui m’intéresse est de voir comment le politique peut se manifester dans le cadre d’une fête, que ce soit à travers la danse, le chant ou bien même les conversations. J’estime que l’idée de corps politique est liée à la liberté de mouvement; dans mon travail il s’agit de défendre cette liberté.»

Dans cet esprit, elle invitera les spectateurs à prendre part à des danses de groupe traditionnelles, pour les amener à s’activer, à s’étourdir en tournant sur eux-mêmes et à transpirer pour, ensemble, transformer l’atmosphère de la salle : «L’objectif est de trouver un espace où on n’a pas à se soucier de notre façon de nous présenter.»

Résistant à toutes catégorisations strictes, les pièces d’Helen Simard et de Nic Green relèvent de l’«indisciplinaire». Dans leur travail, l’imperfection des interactions fait partie du jeu. À l’heure où le repli sur soi et le contrôle de l’image de soi sont des contre-effets courants des réseaux sociaux, il est important pour elles de répondre avec leurs créations à des besoins de cohésion sociale et de lâcher prise.

Body Politic

Soirée de performances de Nic Green, projets hybris, Helen Simard et Mele Broomes. Imaginée en collaboration avec Nick Anderson, Karl Taylor et Daisy Douglas. Au Monument-National, à l’occasion du OFFTA et en collaboration avec le festival Buzzcut, le 3 juin 2017.

Mélanie Carpentier

À propos de

Journaliste spécialisée en danse pour Le Devoir et enseignante de français langue seconde, elle a été membre de la rédaction de JEU de 2017 à 2018.