Est-ce que le monde, au cours de votre vie, s’est amélioré ou dégradé? «Le monde s’est dégradé, je le sais en regardant mes rides dans le miroir.» Ce commentaire personnel en réponse à une question philosophico-historique, donne le ton à un spectacle à mi-chemin entre chronique du quotidien et poème sur la vacuité des choses.
Cinq locataires d’une résidence pour aînés, le Saint-Patrick, se sont prêtés au jeu de la mémoire proposé par Anne-Marie Ouellet et son acolyte Thomas Sinou. Deuxième spectacle de la série des «Portraits», Nous voilà rendus donne la parole aux aînés autonomes, qui osent monter sur scène devant le public «professionnel» du Carrefour. «Ça m’a pris beaucoup de courage pour être ici ce soir», déclare Pauline Ouellet du haut de ses 90 ans.
Anne-Marie Ouellet, à la fois documentariste et conceptrice, fait partie de la distribution. Présente sur scène, à sa table de travail, elle rassure ses témoins du passé en les aiguillonnant subtilement par des questions, des commentaires, leur permettant de développer une trame construite à partir de leurs souvenirs et de leurs oublis.
Histoire ou anecdote?
La théâtralité de ce spectacle tient dans son enveloppe visuelle et surtout sonore. Cette dernière emprunte aux grincements, chuintements et autres hoquets des radios ondes-courtes qui donnent à entendre le monde par bribes et messages saccadés.
De la même manière, nous entrevoyons à travers les anecdotes une certaine image d’un Québec pas si lointain où les maires ne travaillaient pas tant et venaient à la remise des prix de fin d’année, où on devenait libraire à la mythique Librairie Garneau dans le Quartier latin qu’habitaient artistes, poète et beatniks.
Les personnes sur scène sont attachantes de sincérité et d’authenticité. Ici, l’âge ne se cache pas, au contraire il s’affirme dans ses faiblesses, sa mémoire défaillante, ses mots fuyants, son corps obstrué. Quelques papotages entre amis, quelques tendresses réciproques, quelques attentions après un effort démesuré pour s’étendre au sol placent au cœur du spectacle l’image déclinante de l’humanité. Les ravages du temps.
Nous voilà rendus donne la parole aux aînés, dans un écrin de lumière et de fumée, sur une scène entièrement dépouillée, mettant ainsi l’accent sur la présence des intervenants dans l’introspection de leur vie. Sans complaisance, mais aussi sans orientation réelle après avoir abandonné les intentions de départ, ce spectacle, au-delà d’une certaine poésie du banal, nous laisse sur notre faim.
Portrait d’une génération
Ce sont de courts récits qui nous disent peu sur nous-mêmes, sur la construction historique et sociale, sur le portrait d’une génération, sur la charge émotive de notre passé. Ces récits, tous interchangeables et aussi sympathiques soient-ils, ne parviennent pas à émouvoir au-delà de la prestation elle-même.
Il faut situer ce théâtre dans l’effort combiné de nombreux artistes du théâtre, du cinéma, de la performance de ramener dans l’espace public tous les acteurs de la société. Mais on sort de ce spectacle avec une certaine tristesse. C’est qu’à travers les effets secondaires du vieillissement, la rétention de notre vie semble remplie d’espaces vides, d’où ne survivent que des anecdotes vers une micro-histoire dépourvue de sens.
Ce qu’il reste de nos vies? Une chaîne d’oublis et de réminiscences qui font ressortir la futilité du monde que même la grandeur de nos misères ne parvient pas à combler. Alors, il reste la tendresse et la lenteur, enveloppées dans un cocon nébuleux.
Mise en scène : Anne-Marie Ouellet. Son : Thomas Sinou. Éclairages : Nancy Bussières. Vidéo : Hugo Dalphond. Une coproduction de la compagnie L’eau du bain et de l’Usine C. Avec Georges Audet, Justyne Boutin, Claudette Cantin, Claire Nolet et Pauline Ouellet. À la Caserne Dalhousie, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, jusqu’au 5 juin 2017.
Est-ce que le monde, au cours de votre vie, s’est amélioré ou dégradé? «Le monde s’est dégradé, je le sais en regardant mes rides dans le miroir.» Ce commentaire personnel en réponse à une question philosophico-historique, donne le ton à un spectacle à mi-chemin entre chronique du quotidien et poème sur la vacuité des choses.
Cinq locataires d’une résidence pour aînés, le Saint-Patrick, se sont prêtés au jeu de la mémoire proposé par Anne-Marie Ouellet et son acolyte Thomas Sinou. Deuxième spectacle de la série des «Portraits», Nous voilà rendus donne la parole aux aînés autonomes, qui osent monter sur scène devant le public «professionnel» du Carrefour. «Ça m’a pris beaucoup de courage pour être ici ce soir», déclare Pauline Ouellet du haut de ses 90 ans.
Anne-Marie Ouellet, à la fois documentariste et conceptrice, fait partie de la distribution. Présente sur scène, à sa table de travail, elle rassure ses témoins du passé en les aiguillonnant subtilement par des questions, des commentaires, leur permettant de développer une trame construite à partir de leurs souvenirs et de leurs oublis.
Histoire ou anecdote?
La théâtralité de ce spectacle tient dans son enveloppe visuelle et surtout sonore. Cette dernière emprunte aux grincements, chuintements et autres hoquets des radios ondes-courtes qui donnent à entendre le monde par bribes et messages saccadés.
De la même manière, nous entrevoyons à travers les anecdotes une certaine image d’un Québec pas si lointain où les maires ne travaillaient pas tant et venaient à la remise des prix de fin d’année, où on devenait libraire à la mythique Librairie Garneau dans le Quartier latin qu’habitaient artistes, poète et beatniks.
Les personnes sur scène sont attachantes de sincérité et d’authenticité. Ici, l’âge ne se cache pas, au contraire il s’affirme dans ses faiblesses, sa mémoire défaillante, ses mots fuyants, son corps obstrué. Quelques papotages entre amis, quelques tendresses réciproques, quelques attentions après un effort démesuré pour s’étendre au sol placent au cœur du spectacle l’image déclinante de l’humanité. Les ravages du temps.
Nous voilà rendus donne la parole aux aînés, dans un écrin de lumière et de fumée, sur une scène entièrement dépouillée, mettant ainsi l’accent sur la présence des intervenants dans l’introspection de leur vie. Sans complaisance, mais aussi sans orientation réelle après avoir abandonné les intentions de départ, ce spectacle, au-delà d’une certaine poésie du banal, nous laisse sur notre faim.
Portrait d’une génération
Ce sont de courts récits qui nous disent peu sur nous-mêmes, sur la construction historique et sociale, sur le portrait d’une génération, sur la charge émotive de notre passé. Ces récits, tous interchangeables et aussi sympathiques soient-ils, ne parviennent pas à émouvoir au-delà de la prestation elle-même.
Il faut situer ce théâtre dans l’effort combiné de nombreux artistes du théâtre, du cinéma, de la performance de ramener dans l’espace public tous les acteurs de la société. Mais on sort de ce spectacle avec une certaine tristesse. C’est qu’à travers les effets secondaires du vieillissement, la rétention de notre vie semble remplie d’espaces vides, d’où ne survivent que des anecdotes vers une micro-histoire dépourvue de sens.
Ce qu’il reste de nos vies? Une chaîne d’oublis et de réminiscences qui font ressortir la futilité du monde que même la grandeur de nos misères ne parvient pas à combler. Alors, il reste la tendresse et la lenteur, enveloppées dans un cocon nébuleux.
Nous voilà rendus
Mise en scène : Anne-Marie Ouellet. Son : Thomas Sinou. Éclairages : Nancy Bussières. Vidéo : Hugo Dalphond. Une coproduction de la compagnie L’eau du bain et de l’Usine C. Avec Georges Audet, Justyne Boutin, Claudette Cantin, Claire Nolet et Pauline Ouellet. À la Caserne Dalhousie, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, jusqu’au 5 juin 2017.