C’est une production à la fois instructive, ludique et pertinente que nous propose Dominique Leclerc. Alliant théâtre documentaire, autofiction et performance, Post Humains est le fruit de plusieurs années de recherches, dont le point de départ est une condition médicale affectant l’auteure: le diabète de type 1.
Lassée de mesurer son taux de glucose une dizaine de fois par jour au moyen d’une piqûre au bout du doigt et d’une bandelette dont chaque unité coûte 1$, elle souhaite trouver une alternative. Il y a bien Google qui travaille sur une lentille oculaire mesurant la glycémie par les larmes, mais son utilisation va de pair avec le partage de ses données médicales avec la multinationale. Peut-être la solution se trouve-t-elle du côté de petits laboratoires indépendants?
De fil en aiguille, la comédienne-détective découvre un monde insoupçonné: celui des transhumanistes, ces individus qui refusent la maladie, le vieillissement et même la mort, et travaillent à améliorer les capacités humaines en couplant le corps à la machine par les nanotechnologies, les biotechnologies et l’intelligence artificielle.
Sommes-nous déjà des cyborgs?
Dans ce domaine, la réalité a déjà rejoint la fiction. Leclerc elle-même, après plusieurs années passées à côtoyer des communautés de biohackers, où il est monnaie courante de s’implanter dans le corps des dispositifs technologiques visant à développer certaines capacités, s’est fait installer une micropuce RFID dans la main… Cependant que plusieurs personnes se font cryogéniser et que le site Internet Eterni.me nous offre l’immortalité en créant un avatar à notre image. Certains exemples peuvent nous paraître moins «farfelus», que l’on pense par exemple aux prothèses reliées aux nerfs ou au cerveau, qui permettent actuellement à certaines personnes de recouvrer le toucher ou l’ouïe.
Le sujet est vertigineux, et offre une matière d’une extrême richesse, posant des questions absolument essentielles: y a-t-il des limites à respecter dans l’utilisation biologique des technologies? Quels sont les dangers de la conception ou de l’appropriation de ces nouvelles technologies par les grandes entreprises capitalistes? Qu’est-ce qui fait notre humanité et celle-ci est-elle appelée à disparaître?
Avant la pièce, une petite exposition plonge le spectateur au cœur du sujet: l’utilisation par l’homme de différentes techniques puis technologies pour améliorer sa condition. On en profite au passage pour nous poser quelques questions, dont les réponses seront incluses dans le spectacle: quel sens souhaiteriez-vous améliorer? Quel est votre plus grand deuil?…
Tous les personnages s’adressent directement aux spectateurs, et leur ton à la fois enjoué et bienveillant, ainsi que leurs anecdotes ponctuées d’humour, installent rapidement un sentiment de proximité et de complicité, encore renforcé par les informations d’ordre intime dévoilées par l’auteure. Toujours en relation avec le sujet traité, celles-ci renforcent la prise de conscience que nos vies personnelles sont de plus en plus liées à la technologie. Son conjoint journaliste (Dennis Kastrup) incarne celui qui doute, puis se laisse convaincre par un processus de prise de conscience de l’inéluctabilité du progrès.
Au micro, la vidéaste (Cadie Desbiens) nous propose ponctuellement des apartés didactiques définissant les termes techniques comme cryogénie ou open source. Une volonté de vulgarisation qui s’intègre harmonieusement à l’ensemble grâce à la légèreté du ton employé et à la connivence qu’il installe. Quant aux entrevues filmées de personnes réelles rencontrées au cours de l’enquête, leur caractère «fait maison» nous donne le sentiment de pénétrer secrètement dans un univers auquel seuls quelques initiés ont accès.
Cette production est une véritable invitation à réfléchir sur la condition humaine, son évolution possible et même notre avenir en tant qu’espèce. Même la conception visuelle du spectacle, qui repose sur le design génératif, illustre le propos: la révolution est déjà en marche. Préfère-t-on en être acteur ou spectateur? Préfère-t-on faire ce choix volontairement ou lorsqu’il nous sera imposé?
Texte: Dominique Leclerc. Mise en scène: Dominique Leclerc et Édith Patenaude, assistées de Patrice Charbonneau-Brunelle. Conceptions: Push 1 Stop, Patrice Charbonneau-Brunelle, Cédric Delorme-Bouchard, Gaël Lane-Lépine et Maude St-Pierre Léonard. Avec Cadie Desbiens, Dominique Leclerc, Didier Lucien et Dennis Kastrup. Une production de TRS-80, présentée à Espace Libre jusqu’au 14 octobre 2017.
C’est une production à la fois instructive, ludique et pertinente que nous propose Dominique Leclerc. Alliant théâtre documentaire, autofiction et performance, Post Humains est le fruit de plusieurs années de recherches, dont le point de départ est une condition médicale affectant l’auteure: le diabète de type 1.
Lassée de mesurer son taux de glucose une dizaine de fois par jour au moyen d’une piqûre au bout du doigt et d’une bandelette dont chaque unité coûte 1$, elle souhaite trouver une alternative. Il y a bien Google qui travaille sur une lentille oculaire mesurant la glycémie par les larmes, mais son utilisation va de pair avec le partage de ses données médicales avec la multinationale. Peut-être la solution se trouve-t-elle du côté de petits laboratoires indépendants?
De fil en aiguille, la comédienne-détective découvre un monde insoupçonné: celui des transhumanistes, ces individus qui refusent la maladie, le vieillissement et même la mort, et travaillent à améliorer les capacités humaines en couplant le corps à la machine par les nanotechnologies, les biotechnologies et l’intelligence artificielle.
Sommes-nous déjà des cyborgs?
Dans ce domaine, la réalité a déjà rejoint la fiction. Leclerc elle-même, après plusieurs années passées à côtoyer des communautés de biohackers, où il est monnaie courante de s’implanter dans le corps des dispositifs technologiques visant à développer certaines capacités, s’est fait installer une micropuce RFID dans la main… Cependant que plusieurs personnes se font cryogéniser et que le site Internet Eterni.me nous offre l’immortalité en créant un avatar à notre image. Certains exemples peuvent nous paraître moins «farfelus», que l’on pense par exemple aux prothèses reliées aux nerfs ou au cerveau, qui permettent actuellement à certaines personnes de recouvrer le toucher ou l’ouïe.
Le sujet est vertigineux, et offre une matière d’une extrême richesse, posant des questions absolument essentielles: y a-t-il des limites à respecter dans l’utilisation biologique des technologies? Quels sont les dangers de la conception ou de l’appropriation de ces nouvelles technologies par les grandes entreprises capitalistes? Qu’est-ce qui fait notre humanité et celle-ci est-elle appelée à disparaître?
Avant la pièce, une petite exposition plonge le spectateur au cœur du sujet: l’utilisation par l’homme de différentes techniques puis technologies pour améliorer sa condition. On en profite au passage pour nous poser quelques questions, dont les réponses seront incluses dans le spectacle: quel sens souhaiteriez-vous améliorer? Quel est votre plus grand deuil?…
Tous les personnages s’adressent directement aux spectateurs, et leur ton à la fois enjoué et bienveillant, ainsi que leurs anecdotes ponctuées d’humour, installent rapidement un sentiment de proximité et de complicité, encore renforcé par les informations d’ordre intime dévoilées par l’auteure. Toujours en relation avec le sujet traité, celles-ci renforcent la prise de conscience que nos vies personnelles sont de plus en plus liées à la technologie. Son conjoint journaliste (Dennis Kastrup) incarne celui qui doute, puis se laisse convaincre par un processus de prise de conscience de l’inéluctabilité du progrès.
Au micro, la vidéaste (Cadie Desbiens) nous propose ponctuellement des apartés didactiques définissant les termes techniques comme cryogénie ou open source. Une volonté de vulgarisation qui s’intègre harmonieusement à l’ensemble grâce à la légèreté du ton employé et à la connivence qu’il installe. Quant aux entrevues filmées de personnes réelles rencontrées au cours de l’enquête, leur caractère «fait maison» nous donne le sentiment de pénétrer secrètement dans un univers auquel seuls quelques initiés ont accès.
Cette production est une véritable invitation à réfléchir sur la condition humaine, son évolution possible et même notre avenir en tant qu’espèce. Même la conception visuelle du spectacle, qui repose sur le design génératif, illustre le propos: la révolution est déjà en marche. Préfère-t-on en être acteur ou spectateur? Préfère-t-on faire ce choix volontairement ou lorsqu’il nous sera imposé?
Post Humains
Texte: Dominique Leclerc. Mise en scène: Dominique Leclerc et Édith Patenaude, assistées de Patrice Charbonneau-Brunelle. Conceptions: Push 1 Stop, Patrice Charbonneau-Brunelle, Cédric Delorme-Bouchard, Gaël Lane-Lépine et Maude St-Pierre Léonard. Avec Cadie Desbiens, Dominique Leclerc, Didier Lucien et Dennis Kastrup. Une production de TRS-80, présentée à Espace Libre jusqu’au 14 octobre 2017.