Critiques

Le Dire de Di : Les mots de la mémoire

Le Dire de Di : Les mots de la mémoireMarc Lemyre

Elle, c’est Di. Elle a 16 ans, presque 17, et vit depuis toujours dans la grande maison familiale, entourée de son père, de sa mère et du nouveau mari de sa mère. Ses frères et sœurs sont partis loin pour étudier, mais elle, elle se trouve bien où elle est.

Dans un long monologue aux allures de confession, mi-conte, mi-poème, elle nous raconte « le grand malheur » qui est survenu lorsque Peggy Bellatus est entrée dans sa vie et que le monde tel qu’elle le connaissait s’est écroulé.

La dire de Di : La mémoire des motsMarc Lemyre

C’est un théâtre à mille lieues du réalisme que nous proposent ici l’auteur Michel Ouellette et le metteur en scène Joël Beddows, deux Franco-ontariens qui en sont à leur 4e collaboration. Il faut dire que leurs deux univers sont fondamentalement compatibles : la langue de Ouellette, faite d’images et de jeux sur les sonorités, et dont les virages sinueux illustrent la non-linéarité de la pensée, prend toute son ampleur dans l’univers onirique composé par Beddows.

Le propos de Ouellette, qui est reconnu comme l’un des dramaturges les plus importants du Canada et a reçu de multiples prix littéraires, possède une saveur à la fois sociale et écologiste. À travers les mots de Di, il dépeint la précarité de ces familles jetées en dehors de leurs terres par les compagnies minières assoiffées de matières premières, qui détruisent le tissu social en même temps que la nature.

Le dire de Di : La mémoire des motsMarc Lemyre

Par un travail précis sur les jeux d’ombres et de lumières, un environnement sonore immersif fait de bruissements, de grondements, de sifflements, un décor évoquant les différentes perspectives que l’on peut donner au texte comme à la vie, et une corporalité assumée, la mise en scène fait naître un monde à part, à l’image de cette adolescente insolite, brutalement jetée hors de l’enfance et de son rapport joyeux à la nature, quand elle découvre d’un même coup l’amour, la déception, le mensonge, la perte et ces autres qui nous dévorent. Beddows offre ainsi un écrin unique au talent de Marie-Ève Fontaine, qui nous subjugue par sa prestation totalement incarnée; la comédienne, qui est également marionnettiste, a d’ailleurs été finaliste aux prix Rideau Awards 2018 pour cette interprétation magistrale.

Le dire de Di

Texte : Michel Ouellette. Mise en scène : Joël Beddows. Interprétation : Marie-Ève Fontaine. Assistance à la mise en scène : Jean-Nicolas Masson. Scénographie : Michael Spence. Éclairages : Guillaume Houët. Environnement sonore : Thomas Sinou. Conception gestuelle : Marie-Josée Chartier. Régie : Natalie Gisèle. Au Théâtre Prospero jusqu’au 3 novembre 2018