Critiques

Conte du soleil : de rêve et de colère

Conte du soleilLOUISE LEBLANC

Récit d’un père et d’un fils à la dérive, Conte du soleil est une ode à la mémoire, à la filiation, à la poésie, mais aussi à l’insurrection nécessaire, à cette colère qui permet parfois de se tenir debout et d’avancer malgré tout.

Conte du soleilLOUISE LEBLANC

C’est aussi une belle initiation aux langages théâtraux, puisque Octavio (Hugues Frenette) est auteur et acteur et emmène son fils (Vincent Legault), le principal narrateur du conte, en répétition. Facile dès lors de présenter au jeune public les costumes, la lumière, le décor, les mouvements… Mais aussi de nous préparer à une métaphore finale efficace, à savoir que l’enfant se sent comme un spectateur astreint au silence, alors que les adultes bousculent sa vie et lui dictent les réactions émotives qu’il devrait avoir.

Pour clore sa trilogie sur l’émigration, après Conte de la lune et Conte de la neige, Philippe Soldevila réussit à aborder la résilience, la détresse et l’impuissance dans un texte pourtant comique et dynamique, qui maintient notre intérêt. Le jeu des comédiens Hugues Frenette et Vincent Legault y est pour beaucoup. Ils ont su trouver les intonations et les mimiques qui font rire, tout en sonnant vraiment comme des interactions entre un parent et son préado. Lorsqu’Étienne fige le temps ou met son père au ralenti, l’effet est des plus réussis. 

Conte du soleilLOUISE LEBLANC

Agnès Zacharie interprète Neus, la grand-mère d’Octavio, qui a vécu en Catalogne et a connu la guerre civile espagnole. Chaque fois qu’Étienne va se réfugier dans la trappe du théâtre (et que le décor, bosselé et fissuré, rougeoie comme un volcan en éruption), elle apparaît, comme un fantôme des temps passés, parmi les flocons et les pages blanches qui tombent du ciel. Ces scènes baignent dans un réalisme magique qui aurait pu être exacerbé. C’était souvent dans ces moments que les enfants commençaient à s’agiter sur les sièges, ce qui nous donne à penser que les récits proposés auraient gagné en intérêt s’ils avaient été plus resserrés.

LOUISE LEBLANC

Pour sortir son père de sa tristesse et de son positivisme de façade, Étienne puisera son courage dans la colère de sa grand-mère, fervente dénonciatrice des injustices sociales. Alors qu’il semble s’évader dans les jeux en ligne et les écrans, l’enfant aussi, à sa manière tente de construire un monde meilleur. En donnant la parole à un petit Québécois de dix ans — qui donne souvent l’impression d’avoir quelques années de plus tant ses propos sont lucides — Philippe Soldevila aura réussi à ancrer son récit identitaire aujourd’hui, tout en montrant bien qu’une période difficile n’est qu’un petit bout de vie dans une ligne du temps bien plus vaste.

Conte du soleil

Texte et mise en scène de Philippe Sodevila. Avec Hugues Frenette, Vincent Legault et Agnès Zacharie. Conception originale de la scénographie : Luc Rondeau et Erica Schmitz. Conception des costumes, décors, accessoires et adaptation des décors : Erica Schmitz. Musique originale et environnement sonore : Jean-François Mallet. Éclairages : Christian Fontaine. Direction artistique : Hélène Blanchard et Judith Savard. Une production du Théâtre des Confettis en collaboration avec le Théâtre Sortie de secours présentée au théâtre jeunesse les Gros Becs de Québec du 21 novembre au 2 décembre 2018.