La fête a déjà eu lieu. Quand on entre dans la salle du Wilder, on découvre des cotillons, des confettis éparpillés sur un grand tapis miroir doré. Lendemain de fête ! On comprendra plus tard que c’est sans doute le « good bye Party » qu’aurait aimé avoir l’une des personnes interrogées, afin de marquer ses adieux à la danse.
Pour sa nouvelle création, la chorégraphe Karine Ledoyen est allée rencontrer une vingtaine de danseuses et de danseurs professionnel•les et les a interrogés sur la manière dont a été vécu l’arrêt de la danse. De cette matière sonore, surgit pêle-mêle des souvenirs de répétition, de représentation, de fatigue, d’adrénaline, de joie à créer, de synergie, une célébration du corps et de la danse.
Dans une décontraction parfaite, on voit l’équipe des danseurs et la vidéaste ranger le plateau, nous inviter à regarder des images de ladite fête, puis ça commence. Tout va se construire à vue, tranquillement, dans une belle évidence et une manière juste de créer, réagir, nous interpeller, se parler entre eux, venir sur le plateau filmer l’action, regarder les autres. Une sorte d’équivalent de la démarche des Flamands tg STAN, qui commencent toujours un spectacle en accueillant le public, avant de plonger à vue dans le jeu théâtral. Là aussi, la cage de scène est à nue, les projecteurs de lumière sont visibles et créent des ambiances chaudes latérales ou zénithales (très beau travail de lumière Martin Sirois), la régie vidéo est sur le plateau. Les images enregistrées sont celles de la fête ou un seul extrait d’entrevue (prétexte à une matière pixelisée plus qu’à un portrait). Téléphone en main, Andrée-Anne Giguère réalise aussi des images en direct, en tournant au plus près des danseurs, voire parmi eux — très beau moment où elle s’assoit avec les danseuses emboîtées pour les filmer, alors qu’une narratrice évoque l’amitié qui est là quand on danse ensemble. Souvent les corps dessinent des grandes silhouettes d’ombres dans les projections.
Les quatre interprètes entament des duos (de gars, de filles), des solis avant de se retrouver tous. Pendant que des phrases s’écrivent sur l’écran (les questions des entrevues, des titres comme des thématiques) ou que des témoignages résonnent, et sans que cela ne soit illustratif, les danseurs multiplient portées, équilibres, chutes surprenantes, assumées, pleines, lâcher-prises seul ou à plusieurs, pour se rattraper in extremis, pour se raccrocher toujours à l’autre, pour mieux respirer un instant ensemble et repartir. Avec une constante douceur et avec force.
Il y a quelque chose qui fonctionne parfaitement entre les propos enregistrés évoquant le deuil de la danse et la partition solide, inventive, joyeuse que déploient les interprètes jeunes sur le plateau. Les costumes de Jennifer Pocobene (pantalon gris et hauts de couleurs pastels) tout en souplesse et proximité des corps soulignent d’autant mieux la beauté de ces corps en mouvement et le détail de chaque frémissement. La sensualité de Simon Renaud et Jason Martin qui roulent au sol, les jambes emmêlées, alors qu’on entend « le corps humain est fantastique ». Tous déploient de magnifiques emmêlements, tensions et abandons. Et sont capables aussi de ruptures joyeuses, de jeux d’enfants, notamment sur la musique Popcorn. Tout en chuchotant au micro, Elinor Fueter et Ariane Voineau — qui assurent par ailleurs de très beaux jeux d’équilibre/déséquilibre — commencent une diagonale de gestes et de postures loufoques, avant de tendre un micro vers des parties du corps des deux garçons en mouvement, et l’on entend alors des extraits d’entrevues qui se mélangent progressivement comme si chaque partie du corps prenait la parole. Auparavant, on aura entendu les battements du cœur de Simon Renaud, micro braqué vers lui après un duo assez vif.
Le tapis de danse dorée est redéployé dessinant un reflet gigantesque sur l’écran. Les interprètes avancent vers nous souriants, quittent le faisceau de lumière et s’estompent dans l’obscurité. Ne reste en nous que leur dernier sourire et un reflet doré.
Chorégraphe : Karine Ledoyen. Conception vidéo : Andrée-Anne Giguère. Conseillère artistique et répétitrice : Ginelle Chagnon. Costumes : Jennifer Pocobene. Éclairairages : Martin Sirois. Conception sonore : Mathieu Doyon. Distribution : Elinor Fueter, Jason Martin, Simon Renaud, Ariane Voineau. Présentée à l’Agora de la danse, du 28 novembre au 1er décembre 2018.
La fête a déjà eu lieu. Quand on entre dans la salle du Wilder, on découvre des cotillons, des confettis éparpillés sur un grand tapis miroir doré. Lendemain de fête ! On comprendra plus tard que c’est sans doute le « good bye Party » qu’aurait aimé avoir l’une des personnes interrogées, afin de marquer ses adieux à la danse.
Pour sa nouvelle création, la chorégraphe Karine Ledoyen est allée rencontrer une vingtaine de danseuses et de danseurs professionnel•les et les a interrogés sur la manière dont a été vécu l’arrêt de la danse. De cette matière sonore, surgit pêle-mêle des souvenirs de répétition, de représentation, de fatigue, d’adrénaline, de joie à créer, de synergie, une célébration du corps et de la danse.
Dans une décontraction parfaite, on voit l’équipe des danseurs et la vidéaste ranger le plateau, nous inviter à regarder des images de ladite fête, puis ça commence. Tout va se construire à vue, tranquillement, dans une belle évidence et une manière juste de créer, réagir, nous interpeller, se parler entre eux, venir sur le plateau filmer l’action, regarder les autres. Une sorte d’équivalent de la démarche des Flamands tg STAN, qui commencent toujours un spectacle en accueillant le public, avant de plonger à vue dans le jeu théâtral. Là aussi, la cage de scène est à nue, les projecteurs de lumière sont visibles et créent des ambiances chaudes latérales ou zénithales (très beau travail de lumière Martin Sirois), la régie vidéo est sur le plateau. Les images enregistrées sont celles de la fête ou un seul extrait d’entrevue (prétexte à une matière pixelisée plus qu’à un portrait). Téléphone en main, Andrée-Anne Giguère réalise aussi des images en direct, en tournant au plus près des danseurs, voire parmi eux — très beau moment où elle s’assoit avec les danseuses emboîtées pour les filmer, alors qu’une narratrice évoque l’amitié qui est là quand on danse ensemble. Souvent les corps dessinent des grandes silhouettes d’ombres dans les projections.
Les quatre interprètes entament des duos (de gars, de filles), des solis avant de se retrouver tous. Pendant que des phrases s’écrivent sur l’écran (les questions des entrevues, des titres comme des thématiques) ou que des témoignages résonnent, et sans que cela ne soit illustratif, les danseurs multiplient portées, équilibres, chutes surprenantes, assumées, pleines, lâcher-prises seul ou à plusieurs, pour se rattraper in extremis, pour se raccrocher toujours à l’autre, pour mieux respirer un instant ensemble et repartir. Avec une constante douceur et avec force.
Il y a quelque chose qui fonctionne parfaitement entre les propos enregistrés évoquant le deuil de la danse et la partition solide, inventive, joyeuse que déploient les interprètes jeunes sur le plateau. Les costumes de Jennifer Pocobene (pantalon gris et hauts de couleurs pastels) tout en souplesse et proximité des corps soulignent d’autant mieux la beauté de ces corps en mouvement et le détail de chaque frémissement. La sensualité de Simon Renaud et Jason Martin qui roulent au sol, les jambes emmêlées, alors qu’on entend « le corps humain est fantastique ». Tous déploient de magnifiques emmêlements, tensions et abandons. Et sont capables aussi de ruptures joyeuses, de jeux d’enfants, notamment sur la musique Popcorn. Tout en chuchotant au micro, Elinor Fueter et Ariane Voineau — qui assurent par ailleurs de très beaux jeux d’équilibre/déséquilibre — commencent une diagonale de gestes et de postures loufoques, avant de tendre un micro vers des parties du corps des deux garçons en mouvement, et l’on entend alors des extraits d’entrevues qui se mélangent progressivement comme si chaque partie du corps prenait la parole. Auparavant, on aura entendu les battements du cœur de Simon Renaud, micro braqué vers lui après un duo assez vif.
Le tapis de danse dorée est redéployé dessinant un reflet gigantesque sur l’écran. Les interprètes avancent vers nous souriants, quittent le faisceau de lumière et s’estompent dans l’obscurité. Ne reste en nous que leur dernier sourire et un reflet doré.
De la glorieuse fragilité
Chorégraphe : Karine Ledoyen. Conception vidéo : Andrée-Anne Giguère. Conseillère artistique et répétitrice : Ginelle Chagnon. Costumes : Jennifer Pocobene. Éclairairages : Martin Sirois. Conception sonore : Mathieu Doyon. Distribution : Elinor Fueter, Jason Martin, Simon Renaud, Ariane Voineau. Présentée à l’Agora de la danse, du 28 novembre au 1er décembre 2018.