Pour son premier texte mis en scène, Lauren Hartley, diplômée du conservatoire en 2016, propose un huis clos fort convaincant. Un gars, une fille, dans un salon, affrontent les démons de la jalousie et de l’amour entremêlés, alors que la trahison vient intoxiquer le couple. Les gradins, de part et d’autre de la scène, placent les spectateurs tout près de cette arène où se déroulera un combat épique, à l’issue duquel il n’y aura pas de vainqueurs.
Il a commis l’irréparable avec une belle fille et « heureusement qu’elle était belle, avec un laideron, la douleur aurait été encore pire ». Le duel se déroule en deux moments. Au premier choc, elle oppose un silence buté à ses suppliques : anecdote avec son père et digression sur le poids de la génétique, pourquoi est-il venu ce soir ? Pour l’anniversaire de sa sœur ou pour elle ? Il patine, essaie l’humour, s’excuse, prend tout le blâme. Rien n’y fait, il ne parvient pas à l’attendrir. Deuxième tableau, un mois plus tard, la réconciliation paraît possible. Ici, les chemins tortueux de l’autopsie d’une mort annoncée nous entraînent avec une habileté diabolique dans les rets de la déraison.
S’engouffrer dans le bourbier de l’amour-haine
Le duo Nicolas Dionne-Simard (lui) et Lauren Hartley (elle) soutient avec brio un texte infernal dans une complicité de tous les instants. Hartley, auteure et interprète, manie avec aisance ce jeu d’attraction-répulsion, qui va de l’appétit au dégoût et du dégoût à l’appétit. Dionne-Simard lui répond avec une touchante véracité. La transparence de leurs émotions en montagnes russes s’expose dans un appartement délimité par des murs fait uniquement de solives. La scénographie ajourée, où on peut voir à travers les cloisons, illustre cette mise à nu des sentiments les plus violents, où s’affrontent tendresse et cruauté.
La force du texte réside en ce qu’il ouvre les portes du non-dit et nous laisse en même temps sur des suspensions. Il est impossible de distinguer le vrai du faux. Les répliques brutales nomment ce qui se tapit au plus profond de nous, orgueil blessé, jalousie pathologique. Ici se tapissent les monstres de la vengeance et de l’expiation. Les coupables de l’adultère doivent souffrir et en porter l’odieux. La victime se donnant tous les droits.
Le couple est coincé dans un cercle vicieux, il y a embargo sur leur amour. Cet anathème permet de juguler l’énergie amoureuse, de bloquer la libre circulation des émotions, d’entraver la fluidité de la vie qui passe. Le gars dira qu’elle a mis le film de leur relation sur pause et qu’il tente par tous les moyens de remettre le film en marche. De fait, c’est le couple qui décrète un embargo sur lui-même. Et on ne voit plus comment sortir de cet enfermement… (in)volontaire.
Et coup de théâtre… cynique, l’auteure demande aux critiques de ne pas dévoiler certains éléments qui pourraient altérer notre surprise. On jouera bien sûr ce jeu d’un embargo transporté dans le champ de la critique. Ce qui permet de transpercer un autre mur et de contaminer les communications jusque dans les médias. Nous ne sommes bien sûr pas dupes de cette supercherie, mais elle est si amusante qu’on veut s’en faire complice. Et pas question de gâcher votre plaisir. Il faut aller voir comment les sinuosités de l’esprit s’entredévorent et confirment qu’on ne peut s’extraire d’un nœud gordien.
Texte : Lauren Hartley. Mise en scène : Olivier Lépine. Direction de production : Marie-Claude Taschereau. Conceptrice : Ariane Brière, Julie Godin et David Mendoza Hélaine. Distribution : Nicolas Dionne-Simard et Lauren Hartley. Production : Collectif Cognac. Présenté à Premier Acte jusqu’au 13 avril.
Pour son premier texte mis en scène, Lauren Hartley, diplômée du conservatoire en 2016, propose un huis clos fort convaincant. Un gars, une fille, dans un salon, affrontent les démons de la jalousie et de l’amour entremêlés, alors que la trahison vient intoxiquer le couple. Les gradins, de part et d’autre de la scène, placent les spectateurs tout près de cette arène où se déroulera un combat épique, à l’issue duquel il n’y aura pas de vainqueurs.
Il a commis l’irréparable avec une belle fille et « heureusement qu’elle était belle, avec un laideron, la douleur aurait été encore pire ». Le duel se déroule en deux moments. Au premier choc, elle oppose un silence buté à ses suppliques : anecdote avec son père et digression sur le poids de la génétique, pourquoi est-il venu ce soir ? Pour l’anniversaire de sa sœur ou pour elle ? Il patine, essaie l’humour, s’excuse, prend tout le blâme. Rien n’y fait, il ne parvient pas à l’attendrir. Deuxième tableau, un mois plus tard, la réconciliation paraît possible. Ici, les chemins tortueux de l’autopsie d’une mort annoncée nous entraînent avec une habileté diabolique dans les rets de la déraison.
S’engouffrer dans le bourbier de l’amour-haine
Le duo Nicolas Dionne-Simard (lui) et Lauren Hartley (elle) soutient avec brio un texte infernal dans une complicité de tous les instants. Hartley, auteure et interprète, manie avec aisance ce jeu d’attraction-répulsion, qui va de l’appétit au dégoût et du dégoût à l’appétit. Dionne-Simard lui répond avec une touchante véracité. La transparence de leurs émotions en montagnes russes s’expose dans un appartement délimité par des murs fait uniquement de solives. La scénographie ajourée, où on peut voir à travers les cloisons, illustre cette mise à nu des sentiments les plus violents, où s’affrontent tendresse et cruauté.
La force du texte réside en ce qu’il ouvre les portes du non-dit et nous laisse en même temps sur des suspensions. Il est impossible de distinguer le vrai du faux. Les répliques brutales nomment ce qui se tapit au plus profond de nous, orgueil blessé, jalousie pathologique. Ici se tapissent les monstres de la vengeance et de l’expiation. Les coupables de l’adultère doivent souffrir et en porter l’odieux. La victime se donnant tous les droits.
Le couple est coincé dans un cercle vicieux, il y a embargo sur leur amour. Cet anathème permet de juguler l’énergie amoureuse, de bloquer la libre circulation des émotions, d’entraver la fluidité de la vie qui passe. Le gars dira qu’elle a mis le film de leur relation sur pause et qu’il tente par tous les moyens de remettre le film en marche. De fait, c’est le couple qui décrète un embargo sur lui-même. Et on ne voit plus comment sortir de cet enfermement… (in)volontaire.
Et coup de théâtre… cynique, l’auteure demande aux critiques de ne pas dévoiler certains éléments qui pourraient altérer notre surprise. On jouera bien sûr ce jeu d’un embargo transporté dans le champ de la critique. Ce qui permet de transpercer un autre mur et de contaminer les communications jusque dans les médias. Nous ne sommes bien sûr pas dupes de cette supercherie, mais elle est si amusante qu’on veut s’en faire complice. Et pas question de gâcher votre plaisir. Il faut aller voir comment les sinuosités de l’esprit s’entredévorent et confirment qu’on ne peut s’extraire d’un nœud gordien.
Embargo
Texte : Lauren Hartley. Mise en scène : Olivier Lépine. Direction de production : Marie-Claude Taschereau. Conceptrice : Ariane Brière, Julie Godin et David Mendoza Hélaine. Distribution : Nicolas Dionne-Simard et Lauren Hartley. Production : Collectif Cognac. Présenté à Premier Acte jusqu’au 13 avril.