Difficile d’être indifférent·e à la revendication autochtone et à ses discours de révolte, en cette édition du FTA qui donne une belle visibilité aux minorités et aux peuples colonisés. Cette parole porte sur la culture, l’identité, les langues, le territoire et l’État ; par sa tonalité insurrectionnelle, elle place le spectateur et la spectatrice devant des injustices constantes et flagrantes.
Lara Kramer et Émilie Monnet ne pouvaient créer leur performance à moment plus déterminant : en ces jours de publication du rapport d’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (NFFADA), qui consacre le terme de « génocide ». Leur pièce cible justement la nature des documents officiels, entendant les invalider.
Incluant une petite fille, une jeune fille, un adolescent, tout·es autochtones, et l’artiste Glenna Matoush, grand-mère mohawk, la performance consiste en un cérémonial très simple, transgénérationnel. Dans une relation de proximité physique avec le public, les interprètes lancent l’accusation génocidaire et offrent le sacrifice rituel du présent et du passé.
Dénonciation
Le public est accueilli sur la passerelle supérieure du Studio Hydro-Québec, comme dans une ancienne assemblée. De son autorité imperturbable, l’officiante mohawk adresse un pamphlet de révolte au public, d’abord dans sa langue, ensuite en anglais. Il s’agit à tout le moins d’exprimer une identité douloureuse et une colère froide.
Les trois générations occupent l’espace, en silence, sous de grosses bibles ficelées et trois cloches d’église. Gestes de mémoire et de refus, cet art engagé, simple et clair, impressionne par l’acte en présence, la destruction affichée.
Sous la forme de cette installation en tableau, sans progression dramatique, la fillette déchire, page à page, le gros rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, issu de la question de l’acculturation et des sévices subis par les Autochtones dans les pensionnats canadiens, rapport d’une enquête auprès de 6500 témoins dont la version finale, avec ses recommandations, est parue en 2015. Les jeunes gens barbouillent de peinture rouge ces feuillets collés au sol, sur une grande bâche métallisée. La fillette piétinera joyeusement l’installation fraîche.
Dénonciation et revendication sont à l’œuvre. Difficile de ne pas être impressionné·e, de ne pas ressentir de malaise, d’impuissance à répondre à ce qui est nommé une extermination. Tout est symbole.
Vérité et schématisme
Lorsque Pierrot Ross-Tremblay, sociologue innu et professeur à l’Université Laurentienne, explique au quartier Général du Festival que les valeurs ancestrales des Amérindiens permettraient, si elles étaient entendues, de régler les problèmes actuels de surconsommation, de destruction de la nature et de course à l’argent notamment, on peut être fasciné·e par ce discours alternatif, qui s’appuie sur une sagesse ancienne.
Dans la performance de Lara Kramer et d’Émilie Monnet, issue d’une culture double, mais engagée dans sa tradition maternelle, sort-on convaincu que seule la souveraineté ancestrale permettra aux peuples discriminés par l’Histoire d’en finir avec le racisme systémique? La force de la tradition orale, la résistance à l’impérialisme et au racisme peuvent-elles surmonter les persécutions d’aujourd’hui?
Tout est donné en bloc. Il y a d’une part ce que la narratrice énonce en préambule : le génocide. Tous les « immigrants » colonisateurs devraient-ils « rentrer chez eux »? C’est une des réponses données aux traités, commissions, rapports, subventions, qui affiche la parole divisée des uns, des unes et des autres.
This Time will Be Different offre deux pistes. Celle d’une sommation d’urgence et celle d’une rencontre inhabituelle, par cette place donnée à l’expression d’un art performatif engagé. Une richesse artistique, elle aussi menacée, tant par sa vérité que par son schématisme. Mais une nouvelle ère, peut-être.
Un spectacle de Lara Kramer Danse et Productions Onishka. Direction et conception : Lara Kramer et Émilie Monnet. Interprétation Jayden Blacksmith, Joy Blacksmith, Ruby Caldwell Kramer, Lara Kramer, Glenna Matoush, Émilie Monnet, Simon Riverain avec la participation de Ivanie Aubin Malo, Nahka Bertrand, Anik Sioui. Lumières : Hugo Dalphond. Chant Cree honour song par Women of Wabano. Une création présentée au Monument-National, à l’occasion du Festival TransAmérique, du 1 au 4 juin.
Difficile d’être indifférent·e à la revendication autochtone et à ses discours de révolte, en cette édition du FTA qui donne une belle visibilité aux minorités et aux peuples colonisés. Cette parole porte sur la culture, l’identité, les langues, le territoire et l’État ; par sa tonalité insurrectionnelle, elle place le spectateur et la spectatrice devant des injustices constantes et flagrantes.
Lara Kramer et Émilie Monnet ne pouvaient créer leur performance à moment plus déterminant : en ces jours de publication du rapport d’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (NFFADA), qui consacre le terme de « génocide ». Leur pièce cible justement la nature des documents officiels, entendant les invalider.
Incluant une petite fille, une jeune fille, un adolescent, tout·es autochtones, et l’artiste Glenna Matoush, grand-mère mohawk, la performance consiste en un cérémonial très simple, transgénérationnel. Dans une relation de proximité physique avec le public, les interprètes lancent l’accusation génocidaire et offrent le sacrifice rituel du présent et du passé.
Dénonciation
Le public est accueilli sur la passerelle supérieure du Studio Hydro-Québec, comme dans une ancienne assemblée. De son autorité imperturbable, l’officiante mohawk adresse un pamphlet de révolte au public, d’abord dans sa langue, ensuite en anglais. Il s’agit à tout le moins d’exprimer une identité douloureuse et une colère froide.
Les trois générations occupent l’espace, en silence, sous de grosses bibles ficelées et trois cloches d’église. Gestes de mémoire et de refus, cet art engagé, simple et clair, impressionne par l’acte en présence, la destruction affichée.
Sous la forme de cette installation en tableau, sans progression dramatique, la fillette déchire, page à page, le gros rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, issu de la question de l’acculturation et des sévices subis par les Autochtones dans les pensionnats canadiens, rapport d’une enquête auprès de 6500 témoins dont la version finale, avec ses recommandations, est parue en 2015. Les jeunes gens barbouillent de peinture rouge ces feuillets collés au sol, sur une grande bâche métallisée. La fillette piétinera joyeusement l’installation fraîche.
Dénonciation et revendication sont à l’œuvre. Difficile de ne pas être impressionné·e, de ne pas ressentir de malaise, d’impuissance à répondre à ce qui est nommé une extermination. Tout est symbole.
Vérité et schématisme
Lorsque Pierrot Ross-Tremblay, sociologue innu et professeur à l’Université Laurentienne, explique au quartier Général du Festival que les valeurs ancestrales des Amérindiens permettraient, si elles étaient entendues, de régler les problèmes actuels de surconsommation, de destruction de la nature et de course à l’argent notamment, on peut être fasciné·e par ce discours alternatif, qui s’appuie sur une sagesse ancienne.
Dans la performance de Lara Kramer et d’Émilie Monnet, issue d’une culture double, mais engagée dans sa tradition maternelle, sort-on convaincu que seule la souveraineté ancestrale permettra aux peuples discriminés par l’Histoire d’en finir avec le racisme systémique? La force de la tradition orale, la résistance à l’impérialisme et au racisme peuvent-elles surmonter les persécutions d’aujourd’hui?
Tout est donné en bloc. Il y a d’une part ce que la narratrice énonce en préambule : le génocide. Tous les « immigrants » colonisateurs devraient-ils « rentrer chez eux »? C’est une des réponses données aux traités, commissions, rapports, subventions, qui affiche la parole divisée des uns, des unes et des autres.
This Time will Be Different offre deux pistes. Celle d’une sommation d’urgence et celle d’une rencontre inhabituelle, par cette place donnée à l’expression d’un art performatif engagé. Une richesse artistique, elle aussi menacée, tant par sa vérité que par son schématisme. Mais une nouvelle ère, peut-être.
This Time Will Be Different
Un spectacle de Lara Kramer Danse et Productions Onishka. Direction et conception : Lara Kramer et Émilie Monnet. Interprétation Jayden Blacksmith, Joy Blacksmith, Ruby Caldwell Kramer, Lara Kramer, Glenna Matoush, Émilie Monnet, Simon Riverain avec la participation de Ivanie Aubin Malo, Nahka Bertrand, Anik Sioui. Lumières : Hugo Dalphond. Chant Cree honour song par Women of Wabano. Une création présentée au Monument-National, à l’occasion du Festival TransAmérique, du 1 au 4 juin.