Qu’elle est admirable, la soprano France Bellemare, dans cette interprétation vibrante, séduisante, émotionnellement intense de La Voix humaine de Jean Cocteau ! Vêtue et coiffée de manière très juste, évocatrice des années 1940 et du milieu bourgeois où se passe l’histoire, cette femme abandonnée livre sa noble douleur au bout du fil, en s’adressant à l’amant infidèle qu’elle aime encore passionnément.
Le texte de cet opéra de 40 minutes, signé Cocteau, est tout simplement délicieux. On y retrouve l’époque où il fallait une opératrice et des fils, pour parler à quelqu’un dans un cornet téléphonique. Et aucune garantie de ne pas être trois sur la ligne ! On ne verra pas l’homme, mais on le devine, et l’amante, selon que la communication est possible ou coupée, fait tous ses efforts pour ne pas défaillir ni trahir son attachement indéfectible à l’être volage et sa douleur mortifère de ne plus être aimée. Quel drame universel !
Dans cette version de l’Opéra de Montréal, offerte en webdiffusion, la partition orchestrale de Francis Poulenc est réduite à un seul piano, mais l’intimité de notre lien avec l’interprète en bénéficie. Tout y est corde sensible, les notes et le registre, d’une élégance sans faille. Et qui a déjà entendu Simone Signoret, lisant ce texte poignant, sait à quel point il peut être bouleversant.
Ici, Solène Paré met en valeur ce bijou dramaturgique avec brio. La metteure en scène sait rendre attachantes les femmes émues, troublées, déchirées ou bafouées, qui cherchent une issue à leur situation détestable. Que ce soit au théâtre ou à l’opéra, elle a le tour de les rendre dignes, crédibles et vivantes et de faire entendre le texte qui les inspire si bien.
Sur les routes de neige
Dans la pièce suivante, contemporaine, Paré dirige Vanessa Croome et Laurence Bourget, dans un monde froid et déprimant qui nous est familier. Là, on entend deux femmes d’aujourd’hui, qui se rencontrent par hasard sur le chemin de la « Maison brûlante », un lieu d’accueil pour femmes violentées, y apportant l’une sa grossesse cachée, l’autre le souvenir cuisant d’une enfant perdue. Elles se lient d’amitié, dans une solidarité de la mémoire blessée qui découvre en soi-même « la force des tempêtes » et la transforme en chaleur humaine.
Création musicale de Laurence Jobidon, L’Hiver attend beaucoup de moi, surprend par son sujet, un drame ordinaire qui a priori semble peu se prêter à l’écriture opératique. La compositrice fait la preuve que tout est recevable dans l’invention sonore, lorsqu’elle est traitée avec une justesse interprétative, une mise en scène sobre et des voix à la musicalité sans défaut. La poésie de ces voix superposées, des murmures et des envolées fait pendant à la chaleur manquante de leur environnement. Laurence Jobidon, sur le livret de Pascale St-Onge, a su faire résonner cet « autre lieu » où commence, pour ces femmes qui le désirent courageusement, « une histoire nouvelle ».
Cette première mondiale est une belle découverte, et l’association de ces deux pièces, un soliloque français classique et un road-opéra québécois, donne à entendre chanter les défis des femmes mal-aimées qui doivent surmonter cette douleur. Ce spectacle de l’Atelier lyrique était initialement programmé dans le cadre de la saison du printemps 2020 à l’Espace Go. Pour donner vie à sa version filmée, tournée au Théâtre Maisonneuve en octobre, Florence Bourget et Vanessa Croome se sont astreintes à un isolement en commun afin que les règles de distanciation ne soient pas enfreintes, puisqu’elles n’étaient pas de rigueur encore lors de l’élaboration de la mise en scène de Solène Paré, qui les voyait physiquement plus près l’une de l’autre dans leur chant et leur solidarité.
Livret : Jean Cocteau. Musique : Francis Poulenc. Mise en scène : Solène Paré. Piano et direction musicale : Esther Gonthier. Décors : Étienne René-Contant. Costumes : Geneviève Lizotte. Éclairages : Martin Sirois. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Interprétation : France Bellemare.
Livret : Pascale St-Onge. Musique : Laurence Jobidon. Mise en scène : Solène Paré. Piano et direction musicale : Jennifer Szeto. Décors : Étienne René-Contant. Costumes : Geneviève Lizotte. Éclairages : Martin Sirois. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Interprétation : Vanessa Croome et Florence Bourget. Une production de l’Opéra de Montréal disponible en ligne jusqu’au 19 novembre 2020.
Qu’elle est admirable, la soprano France Bellemare, dans cette interprétation vibrante, séduisante, émotionnellement intense de La Voix humaine de Jean Cocteau ! Vêtue et coiffée de manière très juste, évocatrice des années 1940 et du milieu bourgeois où se passe l’histoire, cette femme abandonnée livre sa noble douleur au bout du fil, en s’adressant à l’amant infidèle qu’elle aime encore passionnément.
Le texte de cet opéra de 40 minutes, signé Cocteau, est tout simplement délicieux. On y retrouve l’époque où il fallait une opératrice et des fils, pour parler à quelqu’un dans un cornet téléphonique. Et aucune garantie de ne pas être trois sur la ligne ! On ne verra pas l’homme, mais on le devine, et l’amante, selon que la communication est possible ou coupée, fait tous ses efforts pour ne pas défaillir ni trahir son attachement indéfectible à l’être volage et sa douleur mortifère de ne plus être aimée. Quel drame universel !
Dans cette version de l’Opéra de Montréal, offerte en webdiffusion, la partition orchestrale de Francis Poulenc est réduite à un seul piano, mais l’intimité de notre lien avec l’interprète en bénéficie. Tout y est corde sensible, les notes et le registre, d’une élégance sans faille. Et qui a déjà entendu Simone Signoret, lisant ce texte poignant, sait à quel point il peut être bouleversant.
Ici, Solène Paré met en valeur ce bijou dramaturgique avec brio. La metteure en scène sait rendre attachantes les femmes émues, troublées, déchirées ou bafouées, qui cherchent une issue à leur situation détestable. Que ce soit au théâtre ou à l’opéra, elle a le tour de les rendre dignes, crédibles et vivantes et de faire entendre le texte qui les inspire si bien.
Sur les routes de neige
Dans la pièce suivante, contemporaine, Paré dirige Vanessa Croome et Laurence Bourget, dans un monde froid et déprimant qui nous est familier. Là, on entend deux femmes d’aujourd’hui, qui se rencontrent par hasard sur le chemin de la « Maison brûlante », un lieu d’accueil pour femmes violentées, y apportant l’une sa grossesse cachée, l’autre le souvenir cuisant d’une enfant perdue. Elles se lient d’amitié, dans une solidarité de la mémoire blessée qui découvre en soi-même « la force des tempêtes » et la transforme en chaleur humaine.
Création musicale de Laurence Jobidon, L’Hiver attend beaucoup de moi, surprend par son sujet, un drame ordinaire qui a priori semble peu se prêter à l’écriture opératique. La compositrice fait la preuve que tout est recevable dans l’invention sonore, lorsqu’elle est traitée avec une justesse interprétative, une mise en scène sobre et des voix à la musicalité sans défaut. La poésie de ces voix superposées, des murmures et des envolées fait pendant à la chaleur manquante de leur environnement. Laurence Jobidon, sur le livret de Pascale St-Onge, a su faire résonner cet « autre lieu » où commence, pour ces femmes qui le désirent courageusement, « une histoire nouvelle ».
Cette première mondiale est une belle découverte, et l’association de ces deux pièces, un soliloque français classique et un road-opéra québécois, donne à entendre chanter les défis des femmes mal-aimées qui doivent surmonter cette douleur. Ce spectacle de l’Atelier lyrique était initialement programmé dans le cadre de la saison du printemps 2020 à l’Espace Go. Pour donner vie à sa version filmée, tournée au Théâtre Maisonneuve en octobre, Florence Bourget et Vanessa Croome se sont astreintes à un isolement en commun afin que les règles de distanciation ne soient pas enfreintes, puisqu’elles n’étaient pas de rigueur encore lors de l’élaboration de la mise en scène de Solène Paré, qui les voyait physiquement plus près l’une de l’autre dans leur chant et leur solidarité.
La voix humaine
Livret : Jean Cocteau. Musique : Francis Poulenc. Mise en scène : Solène Paré. Piano et direction musicale : Esther Gonthier. Décors : Étienne René-Contant. Costumes : Geneviève Lizotte. Éclairages : Martin Sirois. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Interprétation : France Bellemare.
L’hiver attend beaucoup de moi
Livret : Pascale St-Onge. Musique : Laurence Jobidon. Mise en scène : Solène Paré. Piano et direction musicale : Jennifer Szeto. Décors : Étienne René-Contant. Costumes : Geneviève Lizotte. Éclairages : Martin Sirois. Maquillages et coiffures : Suzanne Trépanier. Interprétation : Vanessa Croome et Florence Bourget. Une production de l’Opéra de Montréal disponible en ligne jusqu’au 19 novembre 2020.