Tangente amorce l’année 2021 avec l’apposition de deux univers chorégraphiques liés au pays d’origine, à la transmission et aux expériences sensorielles marquantes. Créés en collaboration avec le Festival Accès Asie et CanAsian Dance, les solos de Winnie Ho et de Charo Foo Tai Wei révèlent, à travers la cuisine cantonaise et un rituel taoïste, comment l’énergie peut irradier, activer et transcender le corps qui danse.
Même si on s’ennuie de se rendre dans les salles de spectacles, la webdiffusion en direct a au moins l’avantage que nous soyons convié·es à une heure précise, en sachant que d’autres regardent la même chose en même temps. Nous étions une cinquantaine, samedi à 17h, à être au rendez-vous devant nos écrans. Le spectacle demeure disponible en rediffusion jusqu’au 31 janvier.
Un mot d’accueil et des entrevues préenregistrées avec les deux chorégraphes- interprètes pendant le changement de décor permettaient de mettre la soirée en contexte et de présenter la réflexion des deux artistes. Un complément intéressant — et nécessaire — puisque les solos de 20 minutes devaient à l’origine faire partie d’un programme deux fois plus long, incluant des chorégraphes ontarien.nes. Les projets choisis devaient marquer une nouvelle direction, un défi, dans la pratique habituelle des artistes. L’exercice exigeait donc une certaine part de risque et une volonté de s’éloigner de ses repères.
Pour Winnie Ho, le fait même de se trouver dans un théâtre, soit une boîte noire pourvue d’un système d’éclairage et d’un environnement sonore contrôlés, était un dépaysement puisqu’elle travaille habituellement à l’extérieur, dans l’espace public. Ce contexte a été propice à l’introspection et à la recherche d’un langage commun avec ses parents, qui parlent le cantonais alors qu’elle maîtrise mieux l’anglais. L’objet autour duquel s’est orchestré toute sa création est le wok, instrument de la cuisine traditionnelle chinoise, et par extension le wok chi, soit l’énergie du wok, activée par une chaleur intense et un mariage particulier d’aromates.
Son solo aWokening débute sur l’image d’une créature formée d’un immense wok, qui en contient de plus petits, et de deux jambes humaines, pliées et nues. L’être hybride s’anime doucement, d’abord prudent, avant de prendre de l’assurance et d’exprimer, dans un fracas de sons métalliques et percussifs, une certaine agitation. Bouclier, carapace, armure, le wok cache et protège le corps nu, hormis une culotte noire. Winnie Ho le tire comme un traîneau, puis le transforme en navire bravant les vagues et en soucoupe tournoyante, où s’étourdir.
La succession d’actions est menée avec sérieux, mais rappelle tout de même les jeux enfantins : l’éparpillement des objets, le mouvement instinctif, les tournoiements éperdus. Habillée de deux grandes feuilles blanches — un tablier ou une tunique guerrière — et coiffée d’une couronne de corde épaisse, Winnie Ho danse, dans un tourbillon de froissements, de tintements et de sons produits au contact des accessoires qu’elle bouge ou qu’elle porte.
La performance comporte plusieurs images fortes, mais pas de trajectoire définie. Le cheminement à tâtons, d’une zone à l’autre de la scène, évoque l’errance, la confusion et l’enfance, mais ne culmine pas vers une résolution. Lorsque le spectacle se termine, sur la scène jonchée d’items éparpillés, tous les éléments qui auraient dû converger et se mélanger dans le wok brûlant semblent dispersés, brisés, ravagés.
Nouveau(x) rituel(s)
Jin Gu Bang (The Golden Stick Ritual) de Charo Foo Tai Wei puise à d’autres sources d’énergie. Formée en danse classique chinoise, la chorégraphe a voulu exploiter le souvenir vivace de sa tante, une chamane taoïste, lorsqu’elle laissait les esprits s’emparer de son corps et le pousser à ses plus extrêmes limites. L’amalgame de ces langages — l’un très cartésien et en contrôle et l’autre, intuitif et ingouvernable — donne une danse tout en contrastes, avec des enchaînements de mouvements très rapides et saccadés et d’autres figés, suspendus.
Même si tout le corps, de la racine des cheveux au bout des orteils, est sollicité, c’est surtout les expressions très marquées du faciès qui retiennent notre attention. Une minute, l’interprète affiche un sourire radieux, presque douloureux, puis elle fait mine de pousser un bâton de part et d’autre de sa mâchoire, et mâche ensuite activement ou tend les joues au maximum. Une pléiade de personnages — humain·es, animaux, déités— est ainsi convoquée.
L’environnement sonore, très présent au début, composés de bruits de la nature puis de la foule, de discussions, de feux d’artifice qui créent une rumeur bruyante, se replie à mi-parcours, réduit à une musique résonnante et minimaliste, ce qui provoque instantanément un sentiment d’apaisement. Notre regard se pose avec davantage d’attention sur les moindres détails de la chorégraphie. Les mots « Miracle journey » sont répétés, puis chuchotés. L’épopée fantasmagorique se termine sur l’image des doigts de Charo Foo Tai Wei qui marchent sur son bras, comme si son corps secoué et traversé de courants depuis 20 minutes devenait un paysage paisible. Le solo laisse une impression forte et attise la curiosité face à ce que la chorégraphe et danseuse créera ensuite.
Chorégraphie et interprétation : Winnie Ho. Dramaturgie : Hanako Hoshimi-Caines. Environnement sonore : Moe Clark. Éclairages : Karine Gauthier.
Chorégraphie et interprétation : Charo Foo Tai Wei. Dramaturgie : Dulcinea Langfelder. Costumes : Julie Pichette. Environnement sonore : David Blouin. Éclairages : Rodolphe St-Arneault.
Deux productions de Tangente, en collaboration avec le Festival Accès Asie, filmées à l’Espace Orange de l’ÉDIFICE WILDER – Espace danse et présentées en webdiffusion jusqu’au 31 janvier 2021.
Tangente amorce l’année 2021 avec l’apposition de deux univers chorégraphiques liés au pays d’origine, à la transmission et aux expériences sensorielles marquantes. Créés en collaboration avec le Festival Accès Asie et CanAsian Dance, les solos de Winnie Ho et de Charo Foo Tai Wei révèlent, à travers la cuisine cantonaise et un rituel taoïste, comment l’énergie peut irradier, activer et transcender le corps qui danse.
Même si on s’ennuie de se rendre dans les salles de spectacles, la webdiffusion en direct a au moins l’avantage que nous soyons convié·es à une heure précise, en sachant que d’autres regardent la même chose en même temps. Nous étions une cinquantaine, samedi à 17h, à être au rendez-vous devant nos écrans. Le spectacle demeure disponible en rediffusion jusqu’au 31 janvier.
Un mot d’accueil et des entrevues préenregistrées avec les deux chorégraphes- interprètes pendant le changement de décor permettaient de mettre la soirée en contexte et de présenter la réflexion des deux artistes. Un complément intéressant — et nécessaire — puisque les solos de 20 minutes devaient à l’origine faire partie d’un programme deux fois plus long, incluant des chorégraphes ontarien.nes. Les projets choisis devaient marquer une nouvelle direction, un défi, dans la pratique habituelle des artistes. L’exercice exigeait donc une certaine part de risque et une volonté de s’éloigner de ses repères.
Pour Winnie Ho, le fait même de se trouver dans un théâtre, soit une boîte noire pourvue d’un système d’éclairage et d’un environnement sonore contrôlés, était un dépaysement puisqu’elle travaille habituellement à l’extérieur, dans l’espace public. Ce contexte a été propice à l’introspection et à la recherche d’un langage commun avec ses parents, qui parlent le cantonais alors qu’elle maîtrise mieux l’anglais. L’objet autour duquel s’est orchestré toute sa création est le wok, instrument de la cuisine traditionnelle chinoise, et par extension le wok chi, soit l’énergie du wok, activée par une chaleur intense et un mariage particulier d’aromates.
Son solo aWokening débute sur l’image d’une créature formée d’un immense wok, qui en contient de plus petits, et de deux jambes humaines, pliées et nues. L’être hybride s’anime doucement, d’abord prudent, avant de prendre de l’assurance et d’exprimer, dans un fracas de sons métalliques et percussifs, une certaine agitation. Bouclier, carapace, armure, le wok cache et protège le corps nu, hormis une culotte noire. Winnie Ho le tire comme un traîneau, puis le transforme en navire bravant les vagues et en soucoupe tournoyante, où s’étourdir.
La succession d’actions est menée avec sérieux, mais rappelle tout de même les jeux enfantins : l’éparpillement des objets, le mouvement instinctif, les tournoiements éperdus. Habillée de deux grandes feuilles blanches — un tablier ou une tunique guerrière — et coiffée d’une couronne de corde épaisse, Winnie Ho danse, dans un tourbillon de froissements, de tintements et de sons produits au contact des accessoires qu’elle bouge ou qu’elle porte.
La performance comporte plusieurs images fortes, mais pas de trajectoire définie. Le cheminement à tâtons, d’une zone à l’autre de la scène, évoque l’errance, la confusion et l’enfance, mais ne culmine pas vers une résolution. Lorsque le spectacle se termine, sur la scène jonchée d’items éparpillés, tous les éléments qui auraient dû converger et se mélanger dans le wok brûlant semblent dispersés, brisés, ravagés.
Nouveau(x) rituel(s)
Jin Gu Bang (The Golden Stick Ritual) de Charo Foo Tai Wei puise à d’autres sources d’énergie. Formée en danse classique chinoise, la chorégraphe a voulu exploiter le souvenir vivace de sa tante, une chamane taoïste, lorsqu’elle laissait les esprits s’emparer de son corps et le pousser à ses plus extrêmes limites. L’amalgame de ces langages — l’un très cartésien et en contrôle et l’autre, intuitif et ingouvernable — donne une danse tout en contrastes, avec des enchaînements de mouvements très rapides et saccadés et d’autres figés, suspendus.
Même si tout le corps, de la racine des cheveux au bout des orteils, est sollicité, c’est surtout les expressions très marquées du faciès qui retiennent notre attention. Une minute, l’interprète affiche un sourire radieux, presque douloureux, puis elle fait mine de pousser un bâton de part et d’autre de sa mâchoire, et mâche ensuite activement ou tend les joues au maximum. Une pléiade de personnages — humain·es, animaux, déités— est ainsi convoquée.
L’environnement sonore, très présent au début, composés de bruits de la nature puis de la foule, de discussions, de feux d’artifice qui créent une rumeur bruyante, se replie à mi-parcours, réduit à une musique résonnante et minimaliste, ce qui provoque instantanément un sentiment d’apaisement. Notre regard se pose avec davantage d’attention sur les moindres détails de la chorégraphie. Les mots « Miracle journey » sont répétés, puis chuchotés. L’épopée fantasmagorique se termine sur l’image des doigts de Charo Foo Tai Wei qui marchent sur son bras, comme si son corps secoué et traversé de courants depuis 20 minutes devenait un paysage paisible. Le solo laisse une impression forte et attise la curiosité face à ce que la chorégraphe et danseuse créera ensuite.
aWokening
Chorégraphie et interprétation : Winnie Ho. Dramaturgie : Hanako Hoshimi-Caines. Environnement sonore : Moe Clark. Éclairages : Karine Gauthier.
Jin Gu Bang (The Golden Stick Ritual)
Chorégraphie et interprétation : Charo Foo Tai Wei. Dramaturgie : Dulcinea Langfelder. Costumes : Julie Pichette. Environnement sonore : David Blouin. Éclairages : Rodolphe St-Arneault.
Deux productions de Tangente, en collaboration avec le Festival Accès Asie, filmées à l’Espace Orange de l’ÉDIFICE WILDER – Espace danse et présentées en webdiffusion jusqu’au 31 janvier 2021.