Critiques

Montréal complètement cirque : Soirées magiques

© Jean-François Savaria

Cabaret Yam ! : Muscles et finesse

Dès son entrée en scène, sous le chapiteau de la Tohu, Yamoussa Bangoura, artiste multidisciplinaire et fondateur de la compagnie Kalabanté, nous charme tant son aura irradie. Ce musicien, chanteur, danseur, acrobate et animateur hors pair nous captive au son de sa kora, instrument à cordes d’Afrique de l’Ouest. Il nous fait voyager de sa Guinée natale jusqu’au Canada, son pays d’adoption, dans un savant métissage culturel. Tout au long du spectacle, musiques et danses traditionnelles se teintent d’accents résolument modernes. Ainsi, d’impressionnants déhanchements et jeux de pieds se muent en d’époustouflants mouvements de breakdance.

Or, l’hybridation ne se limite pas aux rythmes et aux danses. Nous assistons à un feu roulant de prestations circassiennes et musicales. Les numéros de jonglerie, où la dextérité et la précision des artistes féminines nous subjuguent, sont entrecoupés de fougueuses acrobaties masculines à couper le souffle. Les envolées contemporaines de saxophone sont d’abord soutenues puis ensevelies par un déluge d’envoûtantes percussions ancestrales. À noter : l’habileté sidérante de Sarah Louis-Jean qui, à l’instar d’une danseuse de flamenco survoltée, manie magistralement ses boleadoras (boules de bois au bout de longues cordes) tout en donnant la réplique au djembé frénétique de Bangoura. En guise de finale, pour que le charme de cette soirée se perpétue quelques heures de plus, notre sympathique hôte nous fait chanter en soussou, sa langue maternelle, une ritournelle qui fait du bien.

Cabaret Yam !

Mise en scène : Yamoussa Bangoura. Éclairage : Stéphane Ménigot. Interprètes cirque : Yamoussa Bangoura, Karim Bangoura, Bangoura Michael Carter, Bekka Rose, Moustapha Soumah, Sekou Camara et Sarah Louis-Jean. Interprètes musique : Yamoussa Bangoura, Lionel Katshingu, André Désilets et James William. Production : Luc André Doucet et Marc Laliberté. Un spectacle des Productions Kalibanté présenté sous le chapiteau de la Tohu, à l’occasion de Montréal Complètement Cirque jusqu’au 17 juillet 2021.

Branché : Faire corps avec la nature

© Éric Bates

C’est à un parcours inusité que nous convie le Cirque Barcode, Acting for Climate Montréal. Un petit voyage en trois étapes, au cœur du parc Frédéric-Back, qu’aurait sûrement apprécié le réputé illustrateur, tant la proposition est respectueuse de l’environnement. Car c’est le décor ambiant qui est source d’inspiration pour ces huit jeunes artistes, quatre femmes et quatre hommes. Arbres, bosquets, fleurs, gazon, terre : tout ce qui nous entoure est prétexte à la poésie et aux acrobaties.

En premier lieu, dans un îlot boisé jouxtant le bâtiment principal de la Tohu, nous faisons connaissance avec la bande d’équilibristes. Sans paillettes ni artifices, avec comme seul accessoire un dispositif sonore portatif, ils et elles s’arc-boutent aux troncs des feuillus, survolent les buissons. Tel un bouquet qui se déploie, les corps se déplient et entament des figures habiles et impressionnantes qui rappellent tantôt l’aspect d’un rocher, tantôt celui d’un totem autochtone. Puis, tout à coup, sans avertir, les virtuoses des prouesses physiques se dispersent et s’éloignent. Alors s’amorce une petite promenade à laquelle nous sommes invité·es à nous joindre. Chemin faisant, nos guides se révèlent sous la forme de plantes que l’on arrose, de végétaux rieurs; autant de tableaux symboliques propices à une prise de conscience écologique.

Dernière étape : la terrasse du Cirque du Soleil. Dans une ultime prestation spectaculaire, les membres du Cirque Barcode nous offrent des images d’une grande beauté. Alliant pureté du mouvement, agilité, précision et force, les virtuoses prennent l’apparence du vent, des nuages, du feu, de tous les éléments dont nous sommes tributaires et que souvent nous devons combattre. Et le sublime ballet naturel s’évanouit sous nos yeux ébahis lors du salut du groupe, alors que les silhouettes se découpent devant un magnifique coucher de soleil. Symbiose parfaite entre l’être humain et son écosystème.

Branché

Regard artistique : Emilie Emiroglou. Regard acrobatique : Jerome Lebeau. Musique : Olivier Landry-Gagnon. Avec Anne-Marie Godin, Agathe Bisserier, Heidi Blais, Stefanie Fournier, Adrien Malette-Chénier, Eric Bates, Nathan Biggs-Penton, Tristan Nielsen. Une production du Cirque Barcode, Acting for Climate Montréal, présentée au parc Frédéric Back, à l’occasion de Montréal Complètement Cirque, jusqu’au 18 juillet 2021.

Les Étoiles tomberont : Mythes revus et corrigés

© Jean-François Savaria

L’image est saisissante : sur un ciel crépusculaire en guise de toile de fond, deux immenses profils, d’une femme et d’un homme, semblent scruter la voûte céleste en quête d’un sens à la vie. C’est au pied de ces visages humains pétrifiés, sur la terrasse du Cirque du Soleil, que les dieux et les déesses vont se donner en spectacle, nous racontant, de façon fort originale, les légendes des constellations de Cassiopée, de la Grande Ourse et d’Orion. Dès les premières répliques des protagonistes, le ton est donné : nous sommes en plein délire mythologique, niveaux de langue à l’appui; le français soutenu de Cassiopée se fait joyeusement varloper par celui beaucoup plus familier d’un Poséidon complètement déjanté.

Il en sera ainsi tout au long des trois contes, narrés de manière plus farfelue les uns que les autres. Que ce soit Hermès en hypernerveux, Artémis en costaud lubrique ou Andromède, version queer, plus rien ne nous étonne tant le contenu théâtral du spectacle est décalé. Côté chorégraphique, le public est également bien servi par les danses chaotiques des nymphes et des mauvais esprits ainsi que par les furieux combats, dont celui entre Orion et la femme scorpion. Le tout est bien soutenu par une bande musicale efficace. Toutefois, l’aspect circassien demeure l’enfant pauvre de ce happening à grand déploiement. À part deux fort beaux numéros de funambulisme et d’acrobatie aérienne, c’est la parole et l’action dramatique qui prévalent. Dommage, car avec un tel propos, c’était l’occasion rêvée de tenter d’atteindre l’inaccessible étoile…

Les étoiles tomberont

Mise en scène : Alex Trahan. Chorégraphies : Lucie Vigneault. Assistance à la mise en scène : Erika Mathieu. Direction de production : Joëlle LeBlanc. Direction technique : Vladimir Cara. Éclairages : Anne-Sara Gendron. Conception sonore : Ariane Lamarre. Costumes : Dave St-Pierre. Répétiteurs : Audrey Rochette et Philippe Poirier. Coaching acrobatique : Nicolas Germaine. Avec Élise Bergeron, Stacey Désilier, Erin Drumheller, Noémie Dufour-Campeau, Karl Farah, Andréanne Joubert, Didier Lucien, Manon Lussier, Laurence Tremblay-Vu, Alexia Martel, Fanny Migneault-Lecavalier, Marc-André Poliquin, Patrick R. Lacharité, Étienne Thibeault, Yann Villeneuve et Kim Henry. Une production de La Fratrie, présentée sur la terrasse du Cirque du Soleil, à l’occasion de Montréal Complètement Cirque, jusqu’au 17 juillet 2021.