Le Théâtre du Trident propose la pièce Salle de nouvelles – Network, basée sur le film de Paddy Chayefsky, adapté pour la scène par Lee Hall, et traduite par David Laurin, dans une mise en scène de Marie-Josée Bastien. Un spectacle qui séduit par ses différents rythmes, son brin d’humour et sa dénonciation cinglante du manque d’humanité caractérisant l’univers des médias.
Howard Beale, un présentateur de nouvelles qui a connu une baisse de popularité, est congédié pour cette raison. Dévasté, il annonce à la télévision qu’il s’y suicidera en direct. Sa déclaration déclenche une montée des cotes d’écoute, et certain·es y voient un coup de marketing sensationnel, dont profitera entre autres la directrice des programmes, Diana. Elle lui donne carte de blanche, et Howard prendra la parole sans retenue. Il utilisera sa tribune pour encourager des millions de téléspectateurs et téléspectatrices à se rebeller, notamment contre les institutions gouvernementales. Les cotes d’écoute grimperont de façon spectaculaire. Malgré les signes d’une détresse liée à sa santé mentale, tous et toutes veulent tirer profit de celui que l’on surnommera « le prophète des ondes ».
Inspirée du film Network, la narration de la pièce fonctionne bien. Plusieurs scènes rappellent le long métrage, comme celle où Howard annonce son futur suicide en direct sur les ondes, celle où il converse au bar avec son ami Frank, qui a eu la tâche ingrate de le congédier, et celle où la directrice de la programmation et Frank ont un rapport sexuel. On a conservé l’ordre des scènes et l’essence des dialogues; le récit n’a pas été réinventé. Salle de nouvelles nous amène à réfléchir au sujet de notre perception de la santé mentale et des enjeux qui lui sont reliés, car cet aspect du spectacle résonne de façon particulièrement marquante. On remarque, par ailleurs, le film ayant été réalisé en 1976 et son histoire n’ayant pas pris une ride, que notre société n’a sans doute pas évolué autant qu’on le souhaiterait en ce qui concerne notre sensibilisation face à la santé mentale et à la déshumanisation liée à l’essor des technologies, puisque la popularité et les profits sont bien souvent, aujourd’hui encore, plus importants que le bien-être des individus.
État d’urgence
La scénographie nous amène dans les coulisses de la télévision. Les objets, les tables, les chaises, les murs sont tous soutenus par des roulettes afin de favoriser la fluidité des changements de scènes. Au milieu du plateau, il y a une plaque tournante qui permet aux personnages de se déplacer sans trop parcourir l’aire de jeu de long en large. Une belle idée. Les éclairages jouent un rôle important dans le spectacle, qu’il s’agisse de cercles lumineux dansant sur le plancher en attendant l’entrée en studio du nouveau prophète qui s’apprête à prendre le micro de son talk-show ou encore des faisceaux verts qui illustrent les voix qu’entend Beale à l’intérieur de son esprit.
Les comédien·nes et figurant·es sont nombreux et nombreuses, et, de manière générale, bien dirigé·es. Par contre, la Diana de Gabrielle Côté, censée être assoiffée de pouvoir et impitoyable, manque de combativité. Les scènes où elle apparaît sont malheureusement peu convaincantes, comme celle où elle discute avec celui qui autorisera Howard à prendre l’antenne ou celle où elle monologue au sujet de son travail pendant un rapport sexuel avec Frank. Celui-ci, qui a quitté sa femme pour elle, est certainement le personnage qui a su rester le plus humain au cœur de ce milieu où règne l’obsession de la gloire, lui qui a encore des valeurs bien ancrées, mais qui s’accroche à une programmatrice carriériste. Une belle interprétation de la part d’Hugues Frenette.
Les scènes se déroulant dans les coulisses exposent à quel point sont bien rodés les déplacements des membres de la distribution et les mouvements des éléments scénographiques. Tout cela suscite un sentiment d’urgence chez l’audience, qui est sollicitée, vers le milieu du spectacle, par un animateur de foule qui l’invite à participer à l’émission d’Howard Beale. Le public devient donc partie prenante de la pièce, ce qui rend l’ambiance plus dynamique et assez amusante. Deux cameramans sont sur les planches, suivant l’animateur, et les images qu’ils captent sous différents angles sont projetées sur quatre télévisions (deux de chaque côté de la scène), ce qui donne la sensation à l’auditoire d’être réellement sur un plateau de talk-show en direct. Howard Beale rappelle un Mario Dumont ou encore un Jean-Luc Mongrain par ses interactions avec les (télé)spectateurs, les (télé)spectatrices et l’équipe de production, empreintes d’un ton autoritaire et de l’urgence de réveiller le peuple. Car la quête du protagoniste est bien de révéler la vérité au grand public, de lui ouvrir les yeux.
Dans un épilogue absent du film de Chayefsky, ce message est expliqué par le personnage de Denis Bernard, qui incarne avec brio Howard : il nous conjure de nous méfier du pouvoir dévastateur de la télévision, car les médias nous font croire qu’ils ont la vérité absolue, si bien que nous en perdons foi en tout autre chose… même en nous-mêmes.
Texte : Lee Hall, d’après un scénario de Paddy Chayefsky. Traduction : David Laurin. Mise en scène : Marie-Josée Bastien. Assistance à la mise en scène : Christian Garon. Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey. Costumes : Sébastien Dionne. Éclairages : Erwann Bernard. Musique : Stéphane Caron. Conception vidéo : Éliot Laprise. Intégration vidéo : Keven Dubois. Avec Mustapha Aramis, Sylvio Arriola, Charles-Étienne Beaulne, Emmanuel Bédard, Denis Bernard, Florence Blain Mbaye, Gabrielle Côté, Hugues Frenette, Érika Gagnon, Eliot Laprise, Marie Michaud et Réjean Vallée. Une coproduction du Théâtre du Trident, de Duceppe et du Théâtre Niveau Parking, présentée au Théâtre du Trident jusqu’au 20 novembre 2021.
Le Théâtre du Trident propose la pièce Salle de nouvelles – Network, basée sur le film de Paddy Chayefsky, adapté pour la scène par Lee Hall, et traduite par David Laurin, dans une mise en scène de Marie-Josée Bastien. Un spectacle qui séduit par ses différents rythmes, son brin d’humour et sa dénonciation cinglante du manque d’humanité caractérisant l’univers des médias.
Howard Beale, un présentateur de nouvelles qui a connu une baisse de popularité, est congédié pour cette raison. Dévasté, il annonce à la télévision qu’il s’y suicidera en direct. Sa déclaration déclenche une montée des cotes d’écoute, et certain·es y voient un coup de marketing sensationnel, dont profitera entre autres la directrice des programmes, Diana. Elle lui donne carte de blanche, et Howard prendra la parole sans retenue. Il utilisera sa tribune pour encourager des millions de téléspectateurs et téléspectatrices à se rebeller, notamment contre les institutions gouvernementales. Les cotes d’écoute grimperont de façon spectaculaire. Malgré les signes d’une détresse liée à sa santé mentale, tous et toutes veulent tirer profit de celui que l’on surnommera « le prophète des ondes ».
Inspirée du film Network, la narration de la pièce fonctionne bien. Plusieurs scènes rappellent le long métrage, comme celle où Howard annonce son futur suicide en direct sur les ondes, celle où il converse au bar avec son ami Frank, qui a eu la tâche ingrate de le congédier, et celle où la directrice de la programmation et Frank ont un rapport sexuel. On a conservé l’ordre des scènes et l’essence des dialogues; le récit n’a pas été réinventé. Salle de nouvelles nous amène à réfléchir au sujet de notre perception de la santé mentale et des enjeux qui lui sont reliés, car cet aspect du spectacle résonne de façon particulièrement marquante. On remarque, par ailleurs, le film ayant été réalisé en 1976 et son histoire n’ayant pas pris une ride, que notre société n’a sans doute pas évolué autant qu’on le souhaiterait en ce qui concerne notre sensibilisation face à la santé mentale et à la déshumanisation liée à l’essor des technologies, puisque la popularité et les profits sont bien souvent, aujourd’hui encore, plus importants que le bien-être des individus.
État d’urgence
La scénographie nous amène dans les coulisses de la télévision. Les objets, les tables, les chaises, les murs sont tous soutenus par des roulettes afin de favoriser la fluidité des changements de scènes. Au milieu du plateau, il y a une plaque tournante qui permet aux personnages de se déplacer sans trop parcourir l’aire de jeu de long en large. Une belle idée. Les éclairages jouent un rôle important dans le spectacle, qu’il s’agisse de cercles lumineux dansant sur le plancher en attendant l’entrée en studio du nouveau prophète qui s’apprête à prendre le micro de son talk-show ou encore des faisceaux verts qui illustrent les voix qu’entend Beale à l’intérieur de son esprit.
Les comédien·nes et figurant·es sont nombreux et nombreuses, et, de manière générale, bien dirigé·es. Par contre, la Diana de Gabrielle Côté, censée être assoiffée de pouvoir et impitoyable, manque de combativité. Les scènes où elle apparaît sont malheureusement peu convaincantes, comme celle où elle discute avec celui qui autorisera Howard à prendre l’antenne ou celle où elle monologue au sujet de son travail pendant un rapport sexuel avec Frank. Celui-ci, qui a quitté sa femme pour elle, est certainement le personnage qui a su rester le plus humain au cœur de ce milieu où règne l’obsession de la gloire, lui qui a encore des valeurs bien ancrées, mais qui s’accroche à une programmatrice carriériste. Une belle interprétation de la part d’Hugues Frenette.
Les scènes se déroulant dans les coulisses exposent à quel point sont bien rodés les déplacements des membres de la distribution et les mouvements des éléments scénographiques. Tout cela suscite un sentiment d’urgence chez l’audience, qui est sollicitée, vers le milieu du spectacle, par un animateur de foule qui l’invite à participer à l’émission d’Howard Beale. Le public devient donc partie prenante de la pièce, ce qui rend l’ambiance plus dynamique et assez amusante. Deux cameramans sont sur les planches, suivant l’animateur, et les images qu’ils captent sous différents angles sont projetées sur quatre télévisions (deux de chaque côté de la scène), ce qui donne la sensation à l’auditoire d’être réellement sur un plateau de talk-show en direct. Howard Beale rappelle un Mario Dumont ou encore un Jean-Luc Mongrain par ses interactions avec les (télé)spectateurs, les (télé)spectatrices et l’équipe de production, empreintes d’un ton autoritaire et de l’urgence de réveiller le peuple. Car la quête du protagoniste est bien de révéler la vérité au grand public, de lui ouvrir les yeux.
Dans un épilogue absent du film de Chayefsky, ce message est expliqué par le personnage de Denis Bernard, qui incarne avec brio Howard : il nous conjure de nous méfier du pouvoir dévastateur de la télévision, car les médias nous font croire qu’ils ont la vérité absolue, si bien que nous en perdons foi en tout autre chose… même en nous-mêmes.
Salle de nouvelles
Texte : Lee Hall, d’après un scénario de Paddy Chayefsky. Traduction : David Laurin. Mise en scène : Marie-Josée Bastien. Assistance à la mise en scène : Christian Garon. Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey. Costumes : Sébastien Dionne. Éclairages : Erwann Bernard. Musique : Stéphane Caron. Conception vidéo : Éliot Laprise. Intégration vidéo : Keven Dubois. Avec Mustapha Aramis, Sylvio Arriola, Charles-Étienne Beaulne, Emmanuel Bédard, Denis Bernard, Florence Blain Mbaye, Gabrielle Côté, Hugues Frenette, Érika Gagnon, Eliot Laprise, Marie Michaud et Réjean Vallée. Une coproduction du Théâtre du Trident, de Duceppe et du Théâtre Niveau Parking, présentée au Théâtre du Trident jusqu’au 20 novembre 2021.