Rose et la machine est un spectacle de théâtre documentaire de la compagnie Porte Parole, qui nous a entre autres offert J’aime Hydro. La comédienne et désormais autrice Maude Laurendeau y raconte son histoire, celle d’une maman d’une petite fille autiste. C’est avec une remarquable habileté que la narratrice nous explique qu’elle a découvert un système où l’administration est plus importante que les considérations humaines et où les services destinés aux personnes ayant un trouble lié au spectre de l’autisme sont pour le moins insuffisants, sans compter les interminables listes d’attente.
Elle nous fait vivre son parcours en compagnie, sur scène, de celle qui, dans la vie, est sa belle-sœur et la marraine de la petite Rose, Julie Le Breton. La comédienne interprétera admirablement 43 personnages inspirés des spécialistes, intervenant·es, parents, bref de nombre de ceux et celles qui ont croisé le chemin de la créatrice alors qu’elle cherchait de l’aide pour sa fille. L’équilibre entre le contenu informatif et le récit des événements tels que vécus de l’intérieur par la narratrice est tellement adroit qu’on plonge en apnée dans le spectacle pour n’en ressortir qu’à la toute fin, ému·es et conscientisé·es. Les dialogues sont basés sur de réels échanges, sur des notes et des enregistrements cumulés par l’artiste au long de sa quête, au cours de laquelle beaucoup se sont contredit·es.
Habillée d’un jeans et d’un chandail à manches courtes, Maude Laurendeau, dans toute sa simplicité, est juchée sur une structure de métal munie de deux panneaux jaune coupés en formes triangulaires et devant lesquels se trouve un petit banc : elle est dans sa maison, havre de paix qu’elle tente de maintenir à distance du chaos administratif et social. Au sol, la scène rappelle le mécanisme d’une machine avec ses directions linéaires, ses lignes tracées au sol et les blocs figurant des stations d’analyse et de redirection. Les personnages interprétés par Julie Le Breton occupent tout l’espace, de gauche à droite, du devant de la scène jusqu’à l’arrière et même en hauteur, puisque la comédienne grimpe sur les barreaux pour parler de plus près à l’autrice et protagoniste. Les informations viennent de partout, l’assaillent. Cette mise en scène élaborée s’avère très efficace.
Force tranquille et amour
Le sujet est délicat, mais la justesse du texte et la force tranquille de Maude Laurendeau – qui arrive à intégrer un peu d’humour et à éviter toute victimisation – rendent le tout des plus accessibles, et même captivant. Elle expose posément des faits qui permettent de comprendre qu’il est bien difficile d’humaniser les services offerts aux personnes présentant certaines différences. Il est hélas parfois plus aisé de les mettre de côté, comme on le constate dans la scène où l’avocat spécialisé en droit de la santé Jean-Pierre Ménard (à travers la voix de Le Breton) explique que le gouvernement, selon la loi, n’a pas la responsabilité de fournir des services aux enfants autistes. Certaines informations de ce type font certainement sourciller.
Les échanges entre la narratrice et les personnages nous instruisent beaucoup quant à la réalité que peuvent vivre un·e enfant autiste et son parent. Par exemple, la mère demande à un spécialiste de l’éclairer au sujet de l’univers cognitif de sa fille, ce qu’il fait de façon étonnamment limpide. Elle aura ensuite une conversation avec un jeune adulte autiste qui lui racontera son quotidien, comment il vit avec sa condition et comment il s’intègre à la société. Un jeune homme attachant que Julie Le Breton interprète de belle façon. Il faut d’ailleurs souligner que l’actrice offre une performance exceptionnelle en incarnant les multiples personnages qui lui sont confiés.
Rose et la machine est extrêmement touchant. Toute cette création repose sur l’amour inconditionnel d’une mère envers son enfant. On ressent l’affection de Maude Laurendeau pour Rose tout au long de la représentation. La metteure en scène Édith Patenaude a gardé toute l’authenticité du parcours émotif de la jeune mère ainsi que des entrevues. De plus, on a fait le choix judicieux de la sobriété en n’incluant aucune projection à la mise en scène et en ne présentant donc aucune image de la petite fille. Cependant, c’est dans les jeux de lumière qu’on sentira la présence de la jeune autiste, notamment par des flashs qui illustrent ses colères.
Malgré les péripéties auxquelles a été confrontée cette maman au sein des systèmes de santé et scolaire, on trouve le sens de cette épreuve avec elle. On apprend à ses côtés, à travers son épopée, à remettre en question nos idées préconçues sur l’autisme et notre réel rapport avec la différence.
Texte : Maude Laurendeau. Mise en scène : Édith Patenaude. Assistant à la mise en scène : Caroline Boucher-Boudreau. Dramaturgie : Annabel Soutar. Décor : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Estelle Charron. Éclairages : Julie Basse. Musique : Frédéric Auger. Avec Maude Laurendeau et Julie Le Breton. Une production de Porte Parole, présenté au Théâtre Duceppe jusqu’au 5 décembre 2021.
Rose et la machine est un spectacle de théâtre documentaire de la compagnie Porte Parole, qui nous a entre autres offert J’aime Hydro. La comédienne et désormais autrice Maude Laurendeau y raconte son histoire, celle d’une maman d’une petite fille autiste. C’est avec une remarquable habileté que la narratrice nous explique qu’elle a découvert un système où l’administration est plus importante que les considérations humaines et où les services destinés aux personnes ayant un trouble lié au spectre de l’autisme sont pour le moins insuffisants, sans compter les interminables listes d’attente.
Elle nous fait vivre son parcours en compagnie, sur scène, de celle qui, dans la vie, est sa belle-sœur et la marraine de la petite Rose, Julie Le Breton. La comédienne interprétera admirablement 43 personnages inspirés des spécialistes, intervenant·es, parents, bref de nombre de ceux et celles qui ont croisé le chemin de la créatrice alors qu’elle cherchait de l’aide pour sa fille. L’équilibre entre le contenu informatif et le récit des événements tels que vécus de l’intérieur par la narratrice est tellement adroit qu’on plonge en apnée dans le spectacle pour n’en ressortir qu’à la toute fin, ému·es et conscientisé·es. Les dialogues sont basés sur de réels échanges, sur des notes et des enregistrements cumulés par l’artiste au long de sa quête, au cours de laquelle beaucoup se sont contredit·es.
Habillée d’un jeans et d’un chandail à manches courtes, Maude Laurendeau, dans toute sa simplicité, est juchée sur une structure de métal munie de deux panneaux jaune coupés en formes triangulaires et devant lesquels se trouve un petit banc : elle est dans sa maison, havre de paix qu’elle tente de maintenir à distance du chaos administratif et social. Au sol, la scène rappelle le mécanisme d’une machine avec ses directions linéaires, ses lignes tracées au sol et les blocs figurant des stations d’analyse et de redirection. Les personnages interprétés par Julie Le Breton occupent tout l’espace, de gauche à droite, du devant de la scène jusqu’à l’arrière et même en hauteur, puisque la comédienne grimpe sur les barreaux pour parler de plus près à l’autrice et protagoniste. Les informations viennent de partout, l’assaillent. Cette mise en scène élaborée s’avère très efficace.
Force tranquille et amour
Le sujet est délicat, mais la justesse du texte et la force tranquille de Maude Laurendeau – qui arrive à intégrer un peu d’humour et à éviter toute victimisation – rendent le tout des plus accessibles, et même captivant. Elle expose posément des faits qui permettent de comprendre qu’il est bien difficile d’humaniser les services offerts aux personnes présentant certaines différences. Il est hélas parfois plus aisé de les mettre de côté, comme on le constate dans la scène où l’avocat spécialisé en droit de la santé Jean-Pierre Ménard (à travers la voix de Le Breton) explique que le gouvernement, selon la loi, n’a pas la responsabilité de fournir des services aux enfants autistes. Certaines informations de ce type font certainement sourciller.
Les échanges entre la narratrice et les personnages nous instruisent beaucoup quant à la réalité que peuvent vivre un·e enfant autiste et son parent. Par exemple, la mère demande à un spécialiste de l’éclairer au sujet de l’univers cognitif de sa fille, ce qu’il fait de façon étonnamment limpide. Elle aura ensuite une conversation avec un jeune adulte autiste qui lui racontera son quotidien, comment il vit avec sa condition et comment il s’intègre à la société. Un jeune homme attachant que Julie Le Breton interprète de belle façon. Il faut d’ailleurs souligner que l’actrice offre une performance exceptionnelle en incarnant les multiples personnages qui lui sont confiés.
Rose et la machine est extrêmement touchant. Toute cette création repose sur l’amour inconditionnel d’une mère envers son enfant. On ressent l’affection de Maude Laurendeau pour Rose tout au long de la représentation. La metteure en scène Édith Patenaude a gardé toute l’authenticité du parcours émotif de la jeune mère ainsi que des entrevues. De plus, on a fait le choix judicieux de la sobriété en n’incluant aucune projection à la mise en scène et en ne présentant donc aucune image de la petite fille. Cependant, c’est dans les jeux de lumière qu’on sentira la présence de la jeune autiste, notamment par des flashs qui illustrent ses colères.
Malgré les péripéties auxquelles a été confrontée cette maman au sein des systèmes de santé et scolaire, on trouve le sens de cette épreuve avec elle. On apprend à ses côtés, à travers son épopée, à remettre en question nos idées préconçues sur l’autisme et notre réel rapport avec la différence.
Rose et la machine
Texte : Maude Laurendeau. Mise en scène : Édith Patenaude. Assistant à la mise en scène : Caroline Boucher-Boudreau. Dramaturgie : Annabel Soutar. Décor : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Estelle Charron. Éclairages : Julie Basse. Musique : Frédéric Auger. Avec Maude Laurendeau et Julie Le Breton. Une production de Porte Parole, présenté au Théâtre Duceppe jusqu’au 5 décembre 2021.