Enfermée dans la bibliothèque de son père, Alice refuse d’apprendre ses leçons : elle rêve plutôt de vacances. Son attention est attirée par un grand lapin blanc qui grignote les livres de la famille. Elle se lance à sa poursuite pour protéger ce patrimoine important. Le mur livresque se transforme alors en une fantasmagorie hallucinée. Les livres s’animent ouvrant des portes, dévoilant un passage secret aussitôt refermé. À travers eux surgissent des personnages intrigants : Humpty Dumpty, le chat de Chester qui se disloque et occupe le haut et le bas, la gauche et la droite des étagères, le ver à soie, Tweedle Dee et Tweedel Dum, la Reine de cœur… et bien d’autres encore que nous avons tous et toutes en mémoire, et que le jeune public de la représentation à laquelle nous avons assisté, allant de la maternelle à la deuxième année, a accueillis avec une joie manifeste.
La curieuse Alice n’a peur ni des menaces de la Reine (« Qu’on lui tranche la tête ! »), ni de l’incongruité des situations auxquelles elle fait face. Elle argumente, tente de résoudre les énigmes, met en évidence l’absurdité des dialogues sur le temps, sur les questions existentielles, mais ne se décourage jamais. Alice est tombée dans un puits sans fond et elle est bien déterminée à en explorer les moindres recoins.
Prouesse de créativité
La mise en scène d’Hugo Bélanger est un pur délice. Tout gravite autour d’Alice, remarquable Jeanne Plourde transformée en pantin animé, et de ses relations improbables avec ce mur poreux qui laisse filtrer un monde ensorcelé. Que de finesse et de trouvailles dans cet étonnant objet théâtral. Les rayons s’ouvrent sur des passages secrets, une horloge translucide déréglée marque la chute d’Alice, un livre se déploie en porte… de sortie, mais pas pour Alice dont le rêve se déroule plutôt dans une sorte de labyrinthe mental. Les savoureux dialogues et soliloques des personnages rebondissent comme autant de critiques de la raison raisonnable. Il n’y a plus d’emprise sur le langage, plus d’outil pour bien réfléchir, il y a seulement la négation du cartésianisme et l’explosion de l’univers tangible vers le merveilleux, lorsque les choses se dérobent et se métamorphosent sous nos yeux.
Et la magie opère dès la première minute. La scénographie, les objets, les marionnettes, les personnages bédéesques, tout s’inscrit dans un continuum réglé au quart de tour. On retient la précision, la dynamique générale. Parce que l’imaginaire propose ici une libération de l’esprit, une sorte d’extase de la parole par des jeux de mots et calembours que les enfants acceptent avec un plaisir manifeste. Parce que la puissance des sons ébranle la langueur du banal et vient titiller notre cerveau.
On comprend que le succès d’Alice au pays des merveilles dans cette adaptation du théâtre Tout à trac ne se démente pas depuis sa création en 2008. Bélanger a su concentrer en 55 minutes l’essentiel de ce classique intemporel de Lewis Carroll paru en 1865. On y découvre un travail d’équipe impeccable où tout sonne juste. C’est comme une symphonie de l’imaginaire jouée avec précision et désinvolture, rythmée par un leitmotiv en forme de lapin blanc toujours menacé de se faire trancher la tête. Pour emprunter les mots de Brassens, disons que tout y est bon et qu’il n’y a rien à jeter. Faites-vous plaisir, amenez vos enfants déguster ce mets de luxe.
Adaptation et mise en scène : Hugo Bélanger. Assistance à la mise en scène (création) : Claudia Couture. Conception des décors, costumes, masques et marionnettes : Patrice Charbonneau-Brunelle. Éclairages : Jean-Philippe Charbonneau. Composition musicale et conception sonore : Patrice d’Aragon. Chanson du Snark : Hugo Bélanger (paroles), Philippe Robert (musique) et Patrice d’Aragon (arrangement). Régie générale : Josée Fontaine Rubi. Répétitrice : Audrey Talbot. Assistance aux décors, costumes, masques et marionnettes : Marie-Pier Fortier. Couture : Marie-Noëlle Labrie-Klis et Madeleine Leduc. Diffusion : Agence Nadine Asswad. Avec Jeanne Plourde, Céleste Dubé, Joëlle Thouin, Gabriel De Santis-Caron et Claude Tremblay. Une production de Tout à Trac, présentée au Théâtre jeunesse Les Gros Becs jusqu’au 19 décembre 2021.
Enfermée dans la bibliothèque de son père, Alice refuse d’apprendre ses leçons : elle rêve plutôt de vacances. Son attention est attirée par un grand lapin blanc qui grignote les livres de la famille. Elle se lance à sa poursuite pour protéger ce patrimoine important. Le mur livresque se transforme alors en une fantasmagorie hallucinée. Les livres s’animent ouvrant des portes, dévoilant un passage secret aussitôt refermé. À travers eux surgissent des personnages intrigants : Humpty Dumpty, le chat de Chester qui se disloque et occupe le haut et le bas, la gauche et la droite des étagères, le ver à soie, Tweedle Dee et Tweedel Dum, la Reine de cœur… et bien d’autres encore que nous avons tous et toutes en mémoire, et que le jeune public de la représentation à laquelle nous avons assisté, allant de la maternelle à la deuxième année, a accueillis avec une joie manifeste.
La curieuse Alice n’a peur ni des menaces de la Reine (« Qu’on lui tranche la tête ! »), ni de l’incongruité des situations auxquelles elle fait face. Elle argumente, tente de résoudre les énigmes, met en évidence l’absurdité des dialogues sur le temps, sur les questions existentielles, mais ne se décourage jamais. Alice est tombée dans un puits sans fond et elle est bien déterminée à en explorer les moindres recoins.
Prouesse de créativité
La mise en scène d’Hugo Bélanger est un pur délice. Tout gravite autour d’Alice, remarquable Jeanne Plourde transformée en pantin animé, et de ses relations improbables avec ce mur poreux qui laisse filtrer un monde ensorcelé. Que de finesse et de trouvailles dans cet étonnant objet théâtral. Les rayons s’ouvrent sur des passages secrets, une horloge translucide déréglée marque la chute d’Alice, un livre se déploie en porte… de sortie, mais pas pour Alice dont le rêve se déroule plutôt dans une sorte de labyrinthe mental. Les savoureux dialogues et soliloques des personnages rebondissent comme autant de critiques de la raison raisonnable. Il n’y a plus d’emprise sur le langage, plus d’outil pour bien réfléchir, il y a seulement la négation du cartésianisme et l’explosion de l’univers tangible vers le merveilleux, lorsque les choses se dérobent et se métamorphosent sous nos yeux.
Et la magie opère dès la première minute. La scénographie, les objets, les marionnettes, les personnages bédéesques, tout s’inscrit dans un continuum réglé au quart de tour. On retient la précision, la dynamique générale. Parce que l’imaginaire propose ici une libération de l’esprit, une sorte d’extase de la parole par des jeux de mots et calembours que les enfants acceptent avec un plaisir manifeste. Parce que la puissance des sons ébranle la langueur du banal et vient titiller notre cerveau.
On comprend que le succès d’Alice au pays des merveilles dans cette adaptation du théâtre Tout à trac ne se démente pas depuis sa création en 2008. Bélanger a su concentrer en 55 minutes l’essentiel de ce classique intemporel de Lewis Carroll paru en 1865. On y découvre un travail d’équipe impeccable où tout sonne juste. C’est comme une symphonie de l’imaginaire jouée avec précision et désinvolture, rythmée par un leitmotiv en forme de lapin blanc toujours menacé de se faire trancher la tête. Pour emprunter les mots de Brassens, disons que tout y est bon et qu’il n’y a rien à jeter. Faites-vous plaisir, amenez vos enfants déguster ce mets de luxe.
Alice au pays des merveilles
Adaptation et mise en scène : Hugo Bélanger. Assistance à la mise en scène (création) : Claudia Couture. Conception des décors, costumes, masques et marionnettes : Patrice Charbonneau-Brunelle. Éclairages : Jean-Philippe Charbonneau. Composition musicale et conception sonore : Patrice d’Aragon. Chanson du Snark : Hugo Bélanger (paroles), Philippe Robert (musique) et Patrice d’Aragon (arrangement). Régie générale : Josée Fontaine Rubi. Répétitrice : Audrey Talbot. Assistance aux décors, costumes, masques et marionnettes : Marie-Pier Fortier. Couture : Marie-Noëlle Labrie-Klis et Madeleine Leduc. Diffusion : Agence Nadine Asswad. Avec Jeanne Plourde, Céleste Dubé, Joëlle Thouin, Gabriel De Santis-Caron et Claude Tremblay. Une production de Tout à Trac, présentée au Théâtre jeunesse Les Gros Becs jusqu’au 19 décembre 2021.