Je m’appelle Cha, j’utilise le pronom « iel » et je m’identifie comme non-binaire.
Avant, on m’appelait Charlotte, maintenant, on m’appelle Cha. C’est moi qui l’ai décidé et qui l’ai demandé. Choisir ce nom me permet d’être plus confiant·e et authentique, car je sens qu’il reflète davantage qui je suis et ce que je deviens. J’utilise le pronom iel. On s’adresse aussi parfois à moi en disant il, parfois en disant elle. J’aime cette fluidité, cette alternance qui laisse place aux changements et à la liberté. Si j’avais à me définir aujourd’hui, je dirais que je suis trans, non-binaire et gender fluid.
La non-binarité et la transidentité ont autant de définitions que de personnes. Il n’y a pas de recette, de manuel, de codes à respecter. Pour moi, c’est la revendication de tout ce que je suis, le refus d’être mis·e dans une case imaginaire et le besoin d’être vu·e pour ce que je suis et non pour ce que je suis censé·e représenter. C’est une identité à la fois personnelle et politique. Et, à la question : « Est-ce qu’on nait non-binaire ou est-ce qu’on le devient ? », à moi de répondre que peu importe, car une fois qu’on le devient, on l’a toujours été.
Mon intention n’est pas de pointer du doigt ou d’accuser, mais plutôt de sonner l’alarme. Je crois fermement que l’écoute et l’indulgence sont les plus grandes armes pour évoluer dans notre société complexe et divisée. Cependant, il est temps pour moi de mettre en lumière certaines maladresses et de poser des questions que je crois essentielles.
Je viens tout juste d’obtenir mon diplôme de l’École nationale de théâtre du Canada. Même si ma formation fût riche et diverse, le système profondément binaire sur lequel elle repose ne m’a jamais permis d’explorer ma véritable identité. C’est donc seulement à ma sortie, il y a quelques mois, que j’ai enfin pu prendre assez de recul, procéder à une profonde introspection et commencer petit à petit ma transition.
Découvrir sa transidentité tout en essayant d’intégrer le milieu culturel est un double combat. J’ai très peu de modèles, d’ancrages, de points d’appui pour naviguer mon identité professionnellement. J’ai beaucoup de difficulté à faire respecter mes pronoms, beaucoup de justifications à fournir et peu d’allié·es. Les rôles qui me sont proposés s’inscrivent dans le modèle binaire des genres dans lequel je ne me reconnais pas. Les rôles non-binaires ne me sont pas accessibles, et c’est précisément ce qui me pousse à écrire cette lettre.
Je souffre d’être trop non-binaire pour obtenir des rôles réservés aux femmes. Je souffre d’être un peu trop féminine pour obtenir des rôles réservés aux hommes, et je souffre de ne pas être un homme cisgenre portant du maquillage ou des bijoux (c’est-à-dire comment la société se représente la non-binarité) pour avoir accès aux rôles non-binaires. Alors, comment faire lorsque les personnes non-binaires n’ont même pas accès à leur propre rôle ? Comment faire lorsque la parole est refusée aux personnes concernées ? Comment faire pour mettre en lumière des schémas oppressifs ? Comment faire pour atteindre une représentation sincère et authentique ? Comment faire pour stopper l’invisibilisation et la douleur de l’effacement ?
Car, oui, une grande partie de l’identité trans et non-binaire s’ancre dans la douleur. La douleur de ne pas avoir pu nommer ma réalité. La douleur de ne pas avoir de modèles, de ne pas savoir à quoi peut ressembler ma vie en tant que personne non-binaire. La douleur de ne pas avoir su que mon existence était valide. La douleur de se sentir invisible, de se faire mégenrer et de se faire intimider.
Dans un monde idéal, tout le monde pourrait jouer n’importe quel rôle. Malheureusement, nous n’évoluons pas dans un monde idéal. Loin de là. Nous évoluons dans un monde où les personnes ayant une identité de genre ou une orientation sexuelle jugée comme en dehors des normes sont exclues, discriminées et violentées. Considérant ce monde dans lequel nous vivons, il est indispensable de s’assurer que les personnes marginalisées ont accès à leur propre rôle. Sinon, nous ne faisons que reproduire et alimenter l’oppression qu’elles subissent quotidiennement. C’est ce qui se passe au Québec actuellement.
J’écris cette lettre maintenant, car je ne peux plus rester muet·te, je ne peux plus attendre passivement que mon identité soit reconnue. Les combats pour la diversité à l’écran sont déjà entamés, mais c’est loin d’être gagné. Il faut élargir le mot diversité, permettre à tous et à toutes de se reconnaître à l’écran et donner la parole à ceux à qui on l’a dérobée.
Je m’appelle Cha, j’utilise le pronom « iel » et je m’identifie comme non-binaire.
Avant, on m’appelait Charlotte, maintenant, on m’appelle Cha. C’est moi qui l’ai décidé et qui l’ai demandé. Choisir ce nom me permet d’être plus confiant·e et authentique, car je sens qu’il reflète davantage qui je suis et ce que je deviens. J’utilise le pronom iel. On s’adresse aussi parfois à moi en disant il, parfois en disant elle. J’aime cette fluidité, cette alternance qui laisse place aux changements et à la liberté. Si j’avais à me définir aujourd’hui, je dirais que je suis trans, non-binaire et gender fluid.
La non-binarité et la transidentité ont autant de définitions que de personnes. Il n’y a pas de recette, de manuel, de codes à respecter. Pour moi, c’est la revendication de tout ce que je suis, le refus d’être mis·e dans une case imaginaire et le besoin d’être vu·e pour ce que je suis et non pour ce que je suis censé·e représenter. C’est une identité à la fois personnelle et politique. Et, à la question : « Est-ce qu’on nait non-binaire ou est-ce qu’on le devient ? », à moi de répondre que peu importe, car une fois qu’on le devient, on l’a toujours été.
Mon intention n’est pas de pointer du doigt ou d’accuser, mais plutôt de sonner l’alarme. Je crois fermement que l’écoute et l’indulgence sont les plus grandes armes pour évoluer dans notre société complexe et divisée. Cependant, il est temps pour moi de mettre en lumière certaines maladresses et de poser des questions que je crois essentielles.
Je viens tout juste d’obtenir mon diplôme de l’École nationale de théâtre du Canada. Même si ma formation fût riche et diverse, le système profondément binaire sur lequel elle repose ne m’a jamais permis d’explorer ma véritable identité. C’est donc seulement à ma sortie, il y a quelques mois, que j’ai enfin pu prendre assez de recul, procéder à une profonde introspection et commencer petit à petit ma transition.
Découvrir sa transidentité tout en essayant d’intégrer le milieu culturel est un double combat. J’ai très peu de modèles, d’ancrages, de points d’appui pour naviguer mon identité professionnellement. J’ai beaucoup de difficulté à faire respecter mes pronoms, beaucoup de justifications à fournir et peu d’allié·es. Les rôles qui me sont proposés s’inscrivent dans le modèle binaire des genres dans lequel je ne me reconnais pas. Les rôles non-binaires ne me sont pas accessibles, et c’est précisément ce qui me pousse à écrire cette lettre.
Je souffre d’être trop non-binaire pour obtenir des rôles réservés aux femmes. Je souffre d’être un peu trop féminine pour obtenir des rôles réservés aux hommes, et je souffre de ne pas être un homme cisgenre portant du maquillage ou des bijoux (c’est-à-dire comment la société se représente la non-binarité) pour avoir accès aux rôles non-binaires. Alors, comment faire lorsque les personnes non-binaires n’ont même pas accès à leur propre rôle ? Comment faire lorsque la parole est refusée aux personnes concernées ? Comment faire pour mettre en lumière des schémas oppressifs ? Comment faire pour atteindre une représentation sincère et authentique ? Comment faire pour stopper l’invisibilisation et la douleur de l’effacement ?
Car, oui, une grande partie de l’identité trans et non-binaire s’ancre dans la douleur. La douleur de ne pas avoir pu nommer ma réalité. La douleur de ne pas avoir de modèles, de ne pas savoir à quoi peut ressembler ma vie en tant que personne non-binaire. La douleur de ne pas avoir su que mon existence était valide. La douleur de se sentir invisible, de se faire mégenrer et de se faire intimider.
Dans un monde idéal, tout le monde pourrait jouer n’importe quel rôle. Malheureusement, nous n’évoluons pas dans un monde idéal. Loin de là. Nous évoluons dans un monde où les personnes ayant une identité de genre ou une orientation sexuelle jugée comme en dehors des normes sont exclues, discriminées et violentées. Considérant ce monde dans lequel nous vivons, il est indispensable de s’assurer que les personnes marginalisées ont accès à leur propre rôle. Sinon, nous ne faisons que reproduire et alimenter l’oppression qu’elles subissent quotidiennement. C’est ce qui se passe au Québec actuellement.
J’écris cette lettre maintenant, car je ne peux plus rester muet·te, je ne peux plus attendre passivement que mon identité soit reconnue. Les combats pour la diversité à l’écran sont déjà entamés, mais c’est loin d’être gagné. Il faut élargir le mot diversité, permettre à tous et à toutes de se reconnaître à l’écran et donner la parole à ceux à qui on l’a dérobée.