Lorsque débute le spectacle orchestré par le Montréalais d’origine guinéenne Yamoussa Bangoura, il semble inévitable de considérer comme un privilège le fait d’être accueilli·es dans ce campement, manifestement conçu pour un climat différent de celui du Québec, parmi des artistes, vêtus de pantacourts et d’épaulettes ornées de plumes, échangeant dans une langue (le soussou) que très peu de membres de l’assistance sont à même de comprendre. Car c’est dans un univers habité avec chaleur par des circassien·nes venu·es de loin pour partager leur art et leur culture que nous sommes convié·es. Quand, plus tard, le maître d’œuvre lancera au public « Bienvenue en Afrique… à Montréal » et dira que, sur le continent qui l’a vu naître, lorsqu’on assiste à un spectacle, on en fait d’emblée partie, cette impression de départ qu’auront eu spectateurs et spectatrices n’en sera que confirmée.
Le numéro d’introduction d’Afrique en cirque, mariant les détonations sourdes d’énormes djembés à la danse africaine, celle-ci fortement pimentée de sauts périlleux, donne parfaitement le ton de ce que sera cette odyssée. La musique sera prééminente, des percussions aux influences jazz induites par le saxophone, en passant par la kora maniée par Bangoura, qui y juxtapose son propre chant. L’ambiance jouera aussi un rôle cardinal dans la production. Que ce soit jour de pêche au village ou encore une soirée de contes auprès du feu, les atmosphères engendrées par les rythmes créés en direct sur scène, mais également par les étoffes colorées, les accessoires (paniers d’osier, pirogue…), les éclairages et l’activité pétulante déployée partout sur le plateau de la Tohu, font de la sixième création de Cirque Kalabanté Productions – qui nous avait offert Cabaret Yam ! lors de la dernière édition de Montréal Complètement Cirque – un exaltant voyage. On passe de l’envoûtement à la joie, si bien que l’épithète « festif » en est reléguée au statut d’euphémisme.
Et le cirque ?
Si la danse acrobatique en quatuor ou en quintette domine le contenu circassien du spectacle, le main à main y trouve aussi sa place, notamment dans un numéro inventif se déroulant sur un échafaudage pyramidal fait de barils et de planches de bois. En fait, l’esthétique de cette chorégraphie s’inspire à la fois du champ iconographique des métiers de la construction et de la danse érotique masculine. Les danseurs, ne portant que pantalon, gants et casque de sécurité, roulent des hanches avec espièglerie entre leurs téméraires cabrioles. Autre moment fort de la production : la performance de poïs (ou bolas) de Sarah Louis Jean, dans laquelle elle fait tourner ses cordes lestées avec une dextérité déroutante, tout en ponctuant ses prouesses d’accents podorythmiques.
En revanche, il convient d’admettre que l’usage qui est fait de la roue Cyr et du mât chinois suscite un enthousiasme plus modeste. Ajoutons qu’une certaine redondance se manifeste d’un numéro de main à main à l’autre. Peut-être en va-t-il un peu ainsi en ce qui concerne les enchaînements d’acrobaties au sol, mais l’agilité, la légèreté, la puissance et la vélocité de ces défis lancés en rafale au principe de gravité fascinent tant qu’ils pourraient presque être réitérés à perpétuité sans que l’on ne s’en lasse. De la même façon, si d’aucuns avançaient que l’aspect circassien du spectacle pâtit de la présence importante d’autres éléments artistiques, comme la musique, bien sûr, mais aussi la danse, voire la théâtralité, l’on pourrait aisément rétorquer, d’une part, que l’harmonie de l’ensemble et la cohérence de la proposition rendent bien vaines ces considérations et, d’autre part, que Youssama Bangoura, sa bande d’acolytes et sa kora pourraient, tel le joueur de flûte de Hamelin, nous mener où ils et elle le veulent et que nous les suivrions… jusqu’au bout du monde.
Création et direction artistique : Yamoussa Bangoura. Costumes : Jacynthe Perrault. Éclairages : Stéphane Ménigot. Scénographie et accessoires : Louise Bourret. Conception sonore : Olivier Béliveau. Assistance à la mise en scène et direction technique : Marc Laliberté. Musique : Abdelhak Benmedjebari, Yoandy Bastida Sanchez et Auguste Donatien Dogbo. Avec Yamoussa Bangoura, Sarah Louis Jean, Alya Sylla, Yamoussa Soumah, Abdoul Karim Bangoura et Ismaël Bangoura. Une production de Cirque Kalanbaté Productions, présentée à la Tohu jusqu’au 24 avril 2022.
Lorsque débute le spectacle orchestré par le Montréalais d’origine guinéenne Yamoussa Bangoura, il semble inévitable de considérer comme un privilège le fait d’être accueilli·es dans ce campement, manifestement conçu pour un climat différent de celui du Québec, parmi des artistes, vêtus de pantacourts et d’épaulettes ornées de plumes, échangeant dans une langue (le soussou) que très peu de membres de l’assistance sont à même de comprendre. Car c’est dans un univers habité avec chaleur par des circassien·nes venu·es de loin pour partager leur art et leur culture que nous sommes convié·es. Quand, plus tard, le maître d’œuvre lancera au public « Bienvenue en Afrique… à Montréal » et dira que, sur le continent qui l’a vu naître, lorsqu’on assiste à un spectacle, on en fait d’emblée partie, cette impression de départ qu’auront eu spectateurs et spectatrices n’en sera que confirmée.
Le numéro d’introduction d’Afrique en cirque, mariant les détonations sourdes d’énormes djembés à la danse africaine, celle-ci fortement pimentée de sauts périlleux, donne parfaitement le ton de ce que sera cette odyssée. La musique sera prééminente, des percussions aux influences jazz induites par le saxophone, en passant par la kora maniée par Bangoura, qui y juxtapose son propre chant. L’ambiance jouera aussi un rôle cardinal dans la production. Que ce soit jour de pêche au village ou encore une soirée de contes auprès du feu, les atmosphères engendrées par les rythmes créés en direct sur scène, mais également par les étoffes colorées, les accessoires (paniers d’osier, pirogue…), les éclairages et l’activité pétulante déployée partout sur le plateau de la Tohu, font de la sixième création de Cirque Kalabanté Productions – qui nous avait offert Cabaret Yam ! lors de la dernière édition de Montréal Complètement Cirque – un exaltant voyage. On passe de l’envoûtement à la joie, si bien que l’épithète « festif » en est reléguée au statut d’euphémisme.
Et le cirque ?
Si la danse acrobatique en quatuor ou en quintette domine le contenu circassien du spectacle, le main à main y trouve aussi sa place, notamment dans un numéro inventif se déroulant sur un échafaudage pyramidal fait de barils et de planches de bois. En fait, l’esthétique de cette chorégraphie s’inspire à la fois du champ iconographique des métiers de la construction et de la danse érotique masculine. Les danseurs, ne portant que pantalon, gants et casque de sécurité, roulent des hanches avec espièglerie entre leurs téméraires cabrioles. Autre moment fort de la production : la performance de poïs (ou bolas) de Sarah Louis Jean, dans laquelle elle fait tourner ses cordes lestées avec une dextérité déroutante, tout en ponctuant ses prouesses d’accents podorythmiques.
En revanche, il convient d’admettre que l’usage qui est fait de la roue Cyr et du mât chinois suscite un enthousiasme plus modeste. Ajoutons qu’une certaine redondance se manifeste d’un numéro de main à main à l’autre. Peut-être en va-t-il un peu ainsi en ce qui concerne les enchaînements d’acrobaties au sol, mais l’agilité, la légèreté, la puissance et la vélocité de ces défis lancés en rafale au principe de gravité fascinent tant qu’ils pourraient presque être réitérés à perpétuité sans que l’on ne s’en lasse. De la même façon, si d’aucuns avançaient que l’aspect circassien du spectacle pâtit de la présence importante d’autres éléments artistiques, comme la musique, bien sûr, mais aussi la danse, voire la théâtralité, l’on pourrait aisément rétorquer, d’une part, que l’harmonie de l’ensemble et la cohérence de la proposition rendent bien vaines ces considérations et, d’autre part, que Youssama Bangoura, sa bande d’acolytes et sa kora pourraient, tel le joueur de flûte de Hamelin, nous mener où ils et elle le veulent et que nous les suivrions… jusqu’au bout du monde.
Afrique en cirque
Création et direction artistique : Yamoussa Bangoura. Costumes : Jacynthe Perrault. Éclairages : Stéphane Ménigot. Scénographie et accessoires : Louise Bourret. Conception sonore : Olivier Béliveau. Assistance à la mise en scène et direction technique : Marc Laliberté. Musique : Abdelhak Benmedjebari, Yoandy Bastida Sanchez et Auguste Donatien Dogbo. Avec Yamoussa Bangoura, Sarah Louis Jean, Alya Sylla, Yamoussa Soumah, Abdoul Karim Bangoura et Ismaël Bangoura. Une production de Cirque Kalanbaté Productions, présentée à la Tohu jusqu’au 24 avril 2022.