Critiques

Ripopée : Joyeuse courtepointe

© Zoé Verdier

Créé aux Gros Becs en 2018, le spectacle rodé et rafraîchi qui prend l’affiche de la Maison Théâtre ce printemps est bien la preuve que L’Aubergine, qui souffle cette année 47 bougies, est une pimpante doyenne du théâtre jeunes publics québécois.

Sans se presser, quatre complices de scène s’affairent à se costumer, à se maquiller et… à se faire griller du pain, mais surtout à se jouer des tours. Tout à coup, surprise et agitation sur le plateau : le public est déjà dans la salle ! Après des chassés-croisés aussi désordonnés que rigolos, les numéros de leur spectacle commencent à prendre forme. C’est laborieux et plein de ratés, car la rivalité et le sabotage sont de la partie : chacun·e veut voler la vedette et mettre en valeur ses talents, de clown, de musicien·ne, de ballerine, peu importe !

À mi-chemin entre le castelet et la roulotte de forain·es, un décor sur roulettes déploie ou referme prestement ses panneaux, offrant aux interprètes un module de jeu idéal, tantôt pour y dissimuler les changements de costumes ou la manipulation de marionnettes, tantôt pour s’éclipser en coulisse ou en surgir. Le motif de courtepointe qui orne ce décor fait écho à la Ripopée du titre : un mélange hétéroclite de saynètes, joyeusement échevelé et incontestablement sympathique.

© Zoé Verdier

À qui mieux mieux

Danse, marionnette, masque, numéros circassiens, fanfare… Les performances se bousculent dans une trame toute simple. Aurait-on gagné à l’étoffer, à mieux définir les personnages ? On aurait perdu, sans doute, la spontanéité et la liberté que permet au public une proposition axée sur le mouvement et la musique, avec juste un mot ici et là (comme «Musica !», le leitmotiv qui donne le signal aux artistes muni·es de leurs instruments). Puisque le silence n’est pas exigé dans la salle, les jeunes spectateurs et spectatrices (de 5 à 12 ans) ont le loisir de s’exprimer, et ils et elles ne s’en privent pas, apostrophant une comédienne pour l’aider à installer la cymbale ou réclamant naïvement qu’on leur lance la petite lumière rouge que les interprètes se renvoient.

Combinant agilité corporelle et expression faciale, les lestes comédien·nes enchaînent les lazzis classiques, au succès assuré : front heurtant le cadre de porte, taloches, pied écrabouillé et chutes acrobatiques, dans le pur esprit clownesque, un brin irrévérencieux – et c’est tant mieux – à notre époque par trop moraliste. Les enfants, on s’en doute, hurlent de plaisir. On se réjouit de les entendre, après une si longue privation de contacts sociaux et de sorties de groupe. Devant ce spectacle cousu de fantaisie, de légèreté et d’espièglerie, le jeune public a bruyamment manifesté son besoin de rire en cœur. 

Ripopée

Idée originale et mise en scène : Christine Rossignol. Comise en scène et direction de personnage : Michel Dallaire. Scénario : Ariane Cabana, Michel Dallaire, Philibert Hébert-Filion, Vanessa Kneale, Christine Rossignol et Myriam Sutton.  Scénographie : Huguette Lauzé. Musique originale : Fred Lebrasseur. Éclairages : Émilie Vachon. Conception des masques : Myriam Sutton. Suivi artistique : Véronika Makdissi-Warren. Avec Valérie Boutin, Ariane Cabana, Félix Imbault et Vanessa Kneale. Une production de L’Aubergine, présentée à la Maison Théâtre jusqu’au 22 mai 2022.