La toute dernière création que nous propose le Théâtre La Licorne en formule 5 à 7, encore une fois du Théâtre Bistouri (Fondant, Manipuler avec soin, Conversations avec mon pénis), se situe entre le monologue théâtral et le stand up comique. Le comédien Francis-William Rhéaume livre son propre texte, une réflexion sur les félicités et les vicissitudes de la vie, dans laquelle s’inscrit une remise en question des codes de la théâtralité.
Il se rira de ceux-ci dès les premiers mots du spectacle, lancés – en faisant voler en éclat le quatrième mur – des non-coulisses propres à configuration de la salle de répétition où est présentée Chose certaine, le soleil finit toujours par se coucher. Besoin d’attention des comédien·nes qui perfectionnent un art où ils et elles, forcément, seront regardé·es, permission qui leur est socialement accordée de se costumer hors des limites hermétiques de l’Halloween, mise en abyme du personnage qui interprète des personnages et reconnaît par la suite qu’il s’agissait d’une mise en scène, opposition de la temporalité de l’écriture du texte à celle de la représentation… il se gausse de l’art théâtral et de ses conventions de façon narquoise et fort amusante.
Dans cette optique, toutefois, comme le créateur admet explicitement se trouver dans la salle de répétition de la Licorne devant une soixantaine de personnes, on comprend mal la scénographie déployée, reproduisant un lieu semblant à l’abandon, tapissé de toiles de plastique en fâcheux état, rabibochées par du ruban à conduits, et jonché de pneus couverts d’une insolite mousse rose. Espérons pour les artistes québécois·es que les espaces de travail mis à leur disposition n’affichent pas un tel délabrement.
Le décor s’explique-t-il par le propos de la pièce ? Difficilement. Le protagoniste parle de son enfance, lors de laquelle sa joie se manifestait par des battements de mains (hand flapping), aussitôt réprimés pour cause d’appartenance au champ gestuel féminin ou neuroatypique. Il aborde, de là, sa difficulté à exprimer ses émotions, de même que le chemin parcouru pour considérer les déconvenues que réserve l’existence (une séparation, un électroménager qui rend l’âme et ainsi de suite), comme faisant partie de la mosaïque de la vie humaine, qui doit être embrassée dans son ensemble… jusqu’à ce que le soleil, fatalement, finisse par se coucher pour chacun·e d’entre nous.
Liste des bonheurs
Cette thématique n’est pas sans rappeler Toutes les choses parfaites, un autre solo, signé Duncan Macmillan et offert chez Duceppe en 2019, aussi en formule 5 à 7. Le héros y faisait la liste des éléments faisant en sorte que la vie vaut la peine d’être vécue, question de dissuader sa mère de mettre fin à ses jours. Rhéaume y va lui-même de sa propre énumération, mais elle est enclose dans une suite d’anecdotes qui ne présentent pas toutes un intérêt équivalent et qui se jouxtent en un résultat moins abouti, moins probant. Pensons à la méthode de masturbation qu’il a mise au point et qu’il estime à propos de partager avec le public.
En ce sens, la performance de l’auteur et interprète, dirigé par Frédéric Blanchette, relève davantage du stand up, puisque les différents récits ne s’inscrivent que dans une trame narrative ajourée. On peut considérer que dans cette forme de prise de parole, on fait le sacrifice d’une narrativité solide au profit de l’humour. Or, si le début du spectacle s’avère d’une efficacité comique indéniable – en grande partie due à la présence sur scène vibrante et espiègle de Francis-William Rhéaume –, celle-ci tend à s’étioler au fil de la représentation. Ce qui n’empêche pas Chose certaine, le soleil finit toujours par se coucher de constituer une proposition bien sympathique, incitant à suivre les prochaines incursions de l’auteur en territoire dramaturgique.
Texte et interprétation : Francis-William Rhéaume. Mise en scène : Frédéric Blanchette. Décor et costumes : Anne-Sophie Gaudet. Éclairages et vidéo : Renaud Pettigrew. Une production du Théâtre Bistouri, en codiffusion avec La Manufacture, présentée dans la salle de répétition du Théâtre La Licorne jusqu’au 21 octobre 2022.
La toute dernière création que nous propose le Théâtre La Licorne en formule 5 à 7, encore une fois du Théâtre Bistouri (Fondant, Manipuler avec soin, Conversations avec mon pénis), se situe entre le monologue théâtral et le stand up comique. Le comédien Francis-William Rhéaume livre son propre texte, une réflexion sur les félicités et les vicissitudes de la vie, dans laquelle s’inscrit une remise en question des codes de la théâtralité.
Il se rira de ceux-ci dès les premiers mots du spectacle, lancés – en faisant voler en éclat le quatrième mur – des non-coulisses propres à configuration de la salle de répétition où est présentée Chose certaine, le soleil finit toujours par se coucher. Besoin d’attention des comédien·nes qui perfectionnent un art où ils et elles, forcément, seront regardé·es, permission qui leur est socialement accordée de se costumer hors des limites hermétiques de l’Halloween, mise en abyme du personnage qui interprète des personnages et reconnaît par la suite qu’il s’agissait d’une mise en scène, opposition de la temporalité de l’écriture du texte à celle de la représentation… il se gausse de l’art théâtral et de ses conventions de façon narquoise et fort amusante.
Dans cette optique, toutefois, comme le créateur admet explicitement se trouver dans la salle de répétition de la Licorne devant une soixantaine de personnes, on comprend mal la scénographie déployée, reproduisant un lieu semblant à l’abandon, tapissé de toiles de plastique en fâcheux état, rabibochées par du ruban à conduits, et jonché de pneus couverts d’une insolite mousse rose. Espérons pour les artistes québécois·es que les espaces de travail mis à leur disposition n’affichent pas un tel délabrement.
Le décor s’explique-t-il par le propos de la pièce ? Difficilement. Le protagoniste parle de son enfance, lors de laquelle sa joie se manifestait par des battements de mains (hand flapping), aussitôt réprimés pour cause d’appartenance au champ gestuel féminin ou neuroatypique. Il aborde, de là, sa difficulté à exprimer ses émotions, de même que le chemin parcouru pour considérer les déconvenues que réserve l’existence (une séparation, un électroménager qui rend l’âme et ainsi de suite), comme faisant partie de la mosaïque de la vie humaine, qui doit être embrassée dans son ensemble… jusqu’à ce que le soleil, fatalement, finisse par se coucher pour chacun·e d’entre nous.
Liste des bonheurs
Cette thématique n’est pas sans rappeler Toutes les choses parfaites, un autre solo, signé Duncan Macmillan et offert chez Duceppe en 2019, aussi en formule 5 à 7. Le héros y faisait la liste des éléments faisant en sorte que la vie vaut la peine d’être vécue, question de dissuader sa mère de mettre fin à ses jours. Rhéaume y va lui-même de sa propre énumération, mais elle est enclose dans une suite d’anecdotes qui ne présentent pas toutes un intérêt équivalent et qui se jouxtent en un résultat moins abouti, moins probant. Pensons à la méthode de masturbation qu’il a mise au point et qu’il estime à propos de partager avec le public.
En ce sens, la performance de l’auteur et interprète, dirigé par Frédéric Blanchette, relève davantage du stand up, puisque les différents récits ne s’inscrivent que dans une trame narrative ajourée. On peut considérer que dans cette forme de prise de parole, on fait le sacrifice d’une narrativité solide au profit de l’humour. Or, si le début du spectacle s’avère d’une efficacité comique indéniable – en grande partie due à la présence sur scène vibrante et espiègle de Francis-William Rhéaume –, celle-ci tend à s’étioler au fil de la représentation. Ce qui n’empêche pas Chose certaine, le soleil finit toujours par se coucher de constituer une proposition bien sympathique, incitant à suivre les prochaines incursions de l’auteur en territoire dramaturgique.
Chose certaine, le soleil finit toujours par se coucher
Texte et interprétation : Francis-William Rhéaume. Mise en scène : Frédéric Blanchette. Décor et costumes : Anne-Sophie Gaudet. Éclairages et vidéo : Renaud Pettigrew. Une production du Théâtre Bistouri, en codiffusion avec La Manufacture, présentée dans la salle de répétition du Théâtre La Licorne jusqu’au 21 octobre 2022.