Une femme porteuse au cirque ? Voilà qui est plutôt rare, même si elles apparaissent régulièrement dans les créations de la compagnie australienne émérite Circa, qui fait office de précurseure en ce qui concerne son éthique égalitaire. Car les disciplines circassiennes sont généralement fort genrées. Il est donc des plus rafraîchissants de voir se déployer la force physique et l’aplomb d’Evelyne Paquin-Lanthier, qui supporte et soulève ses collègues au sein de Muse, le tout dernier opus de la FLIP Fabrique, qui a l’ambition de ruer dans les brancards des stéréotypes sexuels qui gangrènent toujours nos rapports sociaux.
Deux chorégraphies de trapèzes serviront d’ailleurs fort éloquemment ce propos. Celui, aussi fluide que sculptural de trapèze-danse (un instrument faisant plus souvent partie du répertoire féminin) d’Hugo Duquette, ainsi que celui, tout en ingéniosité et en élégance du duo de femmes formé d’Anne-Marie Godin et Evelyne Paquin-Lanthier. Un autre superbe numéro, formidablement festif, est celui mettant en lumière la peu usitée corde à danser. Si la soliste Kata Banhegyi étonne par des mouvements inventifs, c’est lorsque le groupe se réunit, maniant plusieurs cordes à la fois, que les révélations d’agilité, de synchronicité et de créativité fascinent le plus.
On se prend alors à penser qu’après un Sixº bien sage, la FLIP Fabrique se remet à surprendre son auditoire. Hélas !, l’intérêt s’étiole en cours de représentation tandis que s’enchaînent un numéro d’acrobaties au sol sans grand relief et un autre de cerceau suspendu clownesque, qui peine à faire mouche. Comme dans la plupart des spectacles de cirque, néanmoins, on clôturera le tout par une finale guillerette et sémillante, et l’on aura recours au classique trampo-mur pour y parvenir.
Brasser les cages?
Que des chanteuses partagent les scènes investies par des artistes de cirque semble résolument constituer une tendance en ce moment. Ce concept était au cœur du spectacle d’ouverture du dernier Montréal Complètement Cirque, Après la nuit, ainsi que de la plus récente production de la série Hommage du Cirque du Soleil, Vive nos divas. Pas que cela, néanmoins, n’ait jamais été fait auparavant – pensons notamment à Saloon du Cirque Éloize ainsi qu’à l’inoubliable Il Ritorno de Circa. Ici, malheureusement, la présence de Flávia Nascimento n’apparaît pas intégrée de façon particulièrement significative ou féconde, et l’on ne peut s’empêcher de se demander si la participation d’un·e artiste vocal·e affichant ostensiblement son appartenance à la diversité des identités de genre n’aurait pas généré un effet de « muse » plus probant étant donné les velléités de la compagnie quant au propos de sa dernière création.
À cet égard, d’aucuns estimeront sans doute bien timide, voire proprette, la remise en question des stéréotypes de genres annoncée, hormis les contre-emplois circassiens susmentionnés. Des citations féministes de Nathalie Portman, Eliot Page et autres Rébecca Déraspe donnent l’impression d’être plaquées au spectacle pour le gratifier d’une portée sociale. Ces prises de position explicites mais convenues, la présence d’une drag queen pour une brève envolée de trapèze, un affrontement de main à main entre des femmes arborant crinolines et paillettes et des hommes en tenue de football – qui semble bien binaire et, de ce fait, oserons-nous dire, quelque peu vétuste – n’arrivent ni à créer une ambiance de liberté anticonformiste (et encore moins irrévérencieuse) ni à susciter une réflexion profonde sur les carcans sociaux dont nous avons tant de mal à nous affranchir.
Restent donc, pour nous rassasier, les saisissants éclairages aux couleurs franches et variées (du rose cendré au bleu cyan, en passant par le vermillon, l’écarlate et le vert smaragdin ) qui prennent d’assaut l’immense mur blanc du fond de la scène, des morceaux de musique entraînants signés Millimétrik et, surtout (et heureusement), quelques fabuleux numéros de cirque.
Concept original : FLIP Fabrique. Mise en scène : Maxime Robin et Sophie Thibault. Direction artistique : Bruno Gagnon. Scénographie : Vanessa Cardin. Costumes : Erica Schmitz et Camila Comin. Maquillages : Nathalie Simard. Éclairages : Keven Dubois. Musique : Millimetrik. Paroles : Valérie Clio. Arrangements : Guillaume Tondreau. Consultation en études féministes : Chantal Dupuis. Avec Cédrick Pinault, Hugo Duquette, Anne-Marie Godin, Frédérique Hamel, Evelyne Paquin-Lanthier, Kata Banhegyi, Jérémie Arsenault et la chanteuse Flávia Nascimento. Une production de la FLIP Fabrique, présentée à la TOHU jusqu’au 13 novembre 2022.
Une femme porteuse au cirque ? Voilà qui est plutôt rare, même si elles apparaissent régulièrement dans les créations de la compagnie australienne émérite Circa, qui fait office de précurseure en ce qui concerne son éthique égalitaire. Car les disciplines circassiennes sont généralement fort genrées. Il est donc des plus rafraîchissants de voir se déployer la force physique et l’aplomb d’Evelyne Paquin-Lanthier, qui supporte et soulève ses collègues au sein de Muse, le tout dernier opus de la FLIP Fabrique, qui a l’ambition de ruer dans les brancards des stéréotypes sexuels qui gangrènent toujours nos rapports sociaux.
Deux chorégraphies de trapèzes serviront d’ailleurs fort éloquemment ce propos. Celui, aussi fluide que sculptural de trapèze-danse (un instrument faisant plus souvent partie du répertoire féminin) d’Hugo Duquette, ainsi que celui, tout en ingéniosité et en élégance du duo de femmes formé d’Anne-Marie Godin et Evelyne Paquin-Lanthier. Un autre superbe numéro, formidablement festif, est celui mettant en lumière la peu usitée corde à danser. Si la soliste Kata Banhegyi étonne par des mouvements inventifs, c’est lorsque le groupe se réunit, maniant plusieurs cordes à la fois, que les révélations d’agilité, de synchronicité et de créativité fascinent le plus.
On se prend alors à penser qu’après un Sixº bien sage, la FLIP Fabrique se remet à surprendre son auditoire. Hélas !, l’intérêt s’étiole en cours de représentation tandis que s’enchaînent un numéro d’acrobaties au sol sans grand relief et un autre de cerceau suspendu clownesque, qui peine à faire mouche. Comme dans la plupart des spectacles de cirque, néanmoins, on clôturera le tout par une finale guillerette et sémillante, et l’on aura recours au classique trampo-mur pour y parvenir.
Brasser les cages?
Que des chanteuses partagent les scènes investies par des artistes de cirque semble résolument constituer une tendance en ce moment. Ce concept était au cœur du spectacle d’ouverture du dernier Montréal Complètement Cirque, Après la nuit, ainsi que de la plus récente production de la série Hommage du Cirque du Soleil, Vive nos divas. Pas que cela, néanmoins, n’ait jamais été fait auparavant – pensons notamment à Saloon du Cirque Éloize ainsi qu’à l’inoubliable Il Ritorno de Circa. Ici, malheureusement, la présence de Flávia Nascimento n’apparaît pas intégrée de façon particulièrement significative ou féconde, et l’on ne peut s’empêcher de se demander si la participation d’un·e artiste vocal·e affichant ostensiblement son appartenance à la diversité des identités de genre n’aurait pas généré un effet de « muse » plus probant étant donné les velléités de la compagnie quant au propos de sa dernière création.
À cet égard, d’aucuns estimeront sans doute bien timide, voire proprette, la remise en question des stéréotypes de genres annoncée, hormis les contre-emplois circassiens susmentionnés. Des citations féministes de Nathalie Portman, Eliot Page et autres Rébecca Déraspe donnent l’impression d’être plaquées au spectacle pour le gratifier d’une portée sociale. Ces prises de position explicites mais convenues, la présence d’une drag queen pour une brève envolée de trapèze, un affrontement de main à main entre des femmes arborant crinolines et paillettes et des hommes en tenue de football – qui semble bien binaire et, de ce fait, oserons-nous dire, quelque peu vétuste – n’arrivent ni à créer une ambiance de liberté anticonformiste (et encore moins irrévérencieuse) ni à susciter une réflexion profonde sur les carcans sociaux dont nous avons tant de mal à nous affranchir.
Restent donc, pour nous rassasier, les saisissants éclairages aux couleurs franches et variées (du rose cendré au bleu cyan, en passant par le vermillon, l’écarlate et le vert smaragdin ) qui prennent d’assaut l’immense mur blanc du fond de la scène, des morceaux de musique entraînants signés Millimétrik et, surtout (et heureusement), quelques fabuleux numéros de cirque.
Muse
Concept original : FLIP Fabrique. Mise en scène : Maxime Robin et Sophie Thibault. Direction artistique : Bruno Gagnon. Scénographie : Vanessa Cardin. Costumes : Erica Schmitz et Camila Comin. Maquillages : Nathalie Simard. Éclairages : Keven Dubois. Musique : Millimetrik. Paroles : Valérie Clio. Arrangements : Guillaume Tondreau. Consultation en études féministes : Chantal Dupuis. Avec Cédrick Pinault, Hugo Duquette, Anne-Marie Godin, Frédérique Hamel, Evelyne Paquin-Lanthier, Kata Banhegyi, Jérémie Arsenault et la chanteuse Flávia Nascimento. Une production de la FLIP Fabrique, présentée à la TOHU jusqu’au 13 novembre 2022.