Il y a un an, la compagnie Pleurer dans’ douche proposait, au Théâtre Espace Libre, son spectacle Rock Bière : le documentaire, avec la ferme intention de faire sortir de l’ombre les drag kings, personnages importants, mais sous-représentés de la communauté LGBTQ+. Ces jours-ci, le duo formé de Mélodie Noël Rousseau et Geneviève Labelle récidive avec Ciseaux, une leçon d’histoire lesbienne québécoise émouvante, certes, mais faite dans le plaisir et la bienveillance.
D’entrée de jeu, les deux artistes, vêtues de combinaisons moulantes garnies de strass et juchées sur des escaliers roulants recouverts de coupures de journaux et d’affiches publicitaires, se présentent et font une annonce : la pièce s’adresse, oui, aux lesbiennes, ainsi qu’à leurs allié·es, mais également aux abonné·es du théâtre qui ne savent pas trop à quoi s’attendre, tout en étant « bien willing ». Dès les premières répliques, les blagues fusent, et on use allègrement de l’autodérision. Le ton, irrévérencieux, est donné.
Les créatrices souhaitent, avec leur nouvelle œuvre, se réapproprier les clichés accolés aux femmes queer pour renverser les dynamiques de pouvoir. Se faisant, elles espèrent pallier la quasi-absence de leur communauté des livres d’histoire et des médias grand public, et faire connaître ses luttes pour la reconnaissance et le respect de ses droits.
Pendant un peu plus d’une heure trente, on revisite les moments et lieux marquants du passé lesbien des 70 dernières années à Montréal, à l’aide de projections d’archives photographiques et vidéo, ainsi que d’éclairantes cartes interactives. Les soirées hautes en couleur au bar Chez Madame Arthur dans les années 1970, l’opération policière à la fête clandestine Sex Garage en 1990, considérée comme le Stonewall québécois, la première marche pour la diversité en 1993, la loi autorisant le mariage de conjoint·es de même sexe en 2002. Et l’absence totale, à l’heure actuelle, d’une boîte de nuit dédiée aux femmes queer dans la métropole.
On reçoit également des confidences touchantes et libératrices sur la découverte et l’affirmation de soi, les frissons provoqués par les premières étreintes, le développement d’un sentiment d’appartenance. Des extraits de témoignages de personnalités d’ici viennent appuyer le récit livré par Mélodie Noël Rousseau et Geneviève Labelle, notamment ceux de la députée Manon Massé, de l’autrice-compositrice-interprète Safia Nolin, de la journaliste culturelle Eugénie Lépine-Blondeau, de la rappeuse Calamine, de l’écrivaine Nicole Brossard, de la cinéaste Susanne Serres et de l’artiste multidisciplinaire Kimpo. Des entrevues habilement menées avec des intervenant·es de tous les horizons, origines et âges confondus, puisque le duo de Pleurer dans’ douche se revendique d’un féminisme intersectionnel, qui tend la main aux différents groupes pour mieux accroître sa force.
Célébrer la diversité
Ce cours d’histoire peu orthodoxe est certes touchant, voire bouleversant à de multiples moments, mais il n’est jamais lourd. Y sont greffés une ribambelle de numéros fougueux, souvent hilarants : performances musicales et théâtrales, personnification de politiciens, parodie d’émission pour enfants… Il n’y a aucun temps mort dans Ciseaux. La vingtaine de scènes s’enchaînent à vitesse grand V et les changements de costumes (très réussis) tout autant.
Le plus grand attrait de la pièce reste assurément ses deux autrices, metteuses en scène et interprètes. Rousseau et Labelle ont du charisme à revendre et un sens de l’humour délicieux, auquel il est difficile de résister. Leur nouvelle proposition est un réel tour de force. Les artistes nous convient à une réflexion sur des enjeux sociaux d’une importance vitale, qui prend des airs de véritable célébration de la diversité et de l’amour de soi, une fête où abondent les paillettes et les rythmes house. On en sort avec un ardent désir de participer au devoir de mémoire collectif et surtout de rendre hommage aux femmes courageuses qui ont pavé le chemin sinueux vers une plus grande inclusion dans notre société.
Création, mise en scène et interprétation : Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau . Assistance à la mise en scène : Geneviève Gagné. . Conseils dramaturgiques : Gabriel Cholette. Conception vidéo et mapping : Joy Boissière et Kimura Byol. Lumières : Joëlle LeBlanc. Costumes : Angela Rassenti. Scénographie : Jeanne Dupré. Conception sonore : Marie-Frédérique Gravel. Musique : Calamine avec Kèthe Magané (guitare et basse), Valérie Lachance-Guillemette (saxophone et vibraphone), Arthur Evenard (keys) et Sarah Dion (percussions). Conseils au mouvement : Anmarie-Paul Legault. Régie : Marie-Frédérique Gravel et Joy Boissière. Illustration et création du zine : Geneviève Darling. Direction de production : Geneviève Voyzelle. Direction technique : Sarah Merrette-Fournier. Une production de Pleurer dans’ douche, présentée à Espace Libre jusqu’au 3 décembre 2022.
Il y a un an, la compagnie Pleurer dans’ douche proposait, au Théâtre Espace Libre, son spectacle Rock Bière : le documentaire, avec la ferme intention de faire sortir de l’ombre les drag kings, personnages importants, mais sous-représentés de la communauté LGBTQ+. Ces jours-ci, le duo formé de Mélodie Noël Rousseau et Geneviève Labelle récidive avec Ciseaux, une leçon d’histoire lesbienne québécoise émouvante, certes, mais faite dans le plaisir et la bienveillance.
D’entrée de jeu, les deux artistes, vêtues de combinaisons moulantes garnies de strass et juchées sur des escaliers roulants recouverts de coupures de journaux et d’affiches publicitaires, se présentent et font une annonce : la pièce s’adresse, oui, aux lesbiennes, ainsi qu’à leurs allié·es, mais également aux abonné·es du théâtre qui ne savent pas trop à quoi s’attendre, tout en étant « bien willing ». Dès les premières répliques, les blagues fusent, et on use allègrement de l’autodérision. Le ton, irrévérencieux, est donné.
Les créatrices souhaitent, avec leur nouvelle œuvre, se réapproprier les clichés accolés aux femmes queer pour renverser les dynamiques de pouvoir. Se faisant, elles espèrent pallier la quasi-absence de leur communauté des livres d’histoire et des médias grand public, et faire connaître ses luttes pour la reconnaissance et le respect de ses droits.
Pendant un peu plus d’une heure trente, on revisite les moments et lieux marquants du passé lesbien des 70 dernières années à Montréal, à l’aide de projections d’archives photographiques et vidéo, ainsi que d’éclairantes cartes interactives. Les soirées hautes en couleur au bar Chez Madame Arthur dans les années 1970, l’opération policière à la fête clandestine Sex Garage en 1990, considérée comme le Stonewall québécois, la première marche pour la diversité en 1993, la loi autorisant le mariage de conjoint·es de même sexe en 2002. Et l’absence totale, à l’heure actuelle, d’une boîte de nuit dédiée aux femmes queer dans la métropole.
On reçoit également des confidences touchantes et libératrices sur la découverte et l’affirmation de soi, les frissons provoqués par les premières étreintes, le développement d’un sentiment d’appartenance. Des extraits de témoignages de personnalités d’ici viennent appuyer le récit livré par Mélodie Noël Rousseau et Geneviève Labelle, notamment ceux de la députée Manon Massé, de l’autrice-compositrice-interprète Safia Nolin, de la journaliste culturelle Eugénie Lépine-Blondeau, de la rappeuse Calamine, de l’écrivaine Nicole Brossard, de la cinéaste Susanne Serres et de l’artiste multidisciplinaire Kimpo. Des entrevues habilement menées avec des intervenant·es de tous les horizons, origines et âges confondus, puisque le duo de Pleurer dans’ douche se revendique d’un féminisme intersectionnel, qui tend la main aux différents groupes pour mieux accroître sa force.
Célébrer la diversité
Ce cours d’histoire peu orthodoxe est certes touchant, voire bouleversant à de multiples moments, mais il n’est jamais lourd. Y sont greffés une ribambelle de numéros fougueux, souvent hilarants : performances musicales et théâtrales, personnification de politiciens, parodie d’émission pour enfants… Il n’y a aucun temps mort dans Ciseaux. La vingtaine de scènes s’enchaînent à vitesse grand V et les changements de costumes (très réussis) tout autant.
Le plus grand attrait de la pièce reste assurément ses deux autrices, metteuses en scène et interprètes. Rousseau et Labelle ont du charisme à revendre et un sens de l’humour délicieux, auquel il est difficile de résister. Leur nouvelle proposition est un réel tour de force. Les artistes nous convient à une réflexion sur des enjeux sociaux d’une importance vitale, qui prend des airs de véritable célébration de la diversité et de l’amour de soi, une fête où abondent les paillettes et les rythmes house. On en sort avec un ardent désir de participer au devoir de mémoire collectif et surtout de rendre hommage aux femmes courageuses qui ont pavé le chemin sinueux vers une plus grande inclusion dans notre société.
Ciseaux
Création, mise en scène et interprétation : Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau . Assistance à la mise en scène : Geneviève Gagné. . Conseils dramaturgiques : Gabriel Cholette. Conception vidéo et mapping : Joy Boissière et Kimura Byol. Lumières : Joëlle LeBlanc. Costumes : Angela Rassenti. Scénographie : Jeanne Dupré. Conception sonore : Marie-Frédérique Gravel. Musique : Calamine avec Kèthe Magané (guitare et basse), Valérie Lachance-Guillemette (saxophone et vibraphone), Arthur Evenard (keys) et Sarah Dion (percussions). Conseils au mouvement : Anmarie-Paul Legault. Régie : Marie-Frédérique Gravel et Joy Boissière. Illustration et création du zine : Geneviève Darling. Direction de production : Geneviève Voyzelle. Direction technique : Sarah Merrette-Fournier. Une production de Pleurer dans’ douche, présentée à Espace Libre jusqu’au 3 décembre 2022.