Le spectacle, ou enfin le bal, débute de façon plutôt bancale, un peu comme le siège vers lequel on s’est fait diriger pour attendre le début de l’événement. Un pré-bal, donc, dans un des espaces de la Maison Théâtre convertis pour l’occasion en salles d’attente festonnées de guirlandes et d’autres délicats objets blancs : lanternes, napperons, poissons… Des comédiennes éperonnent le groupe en chuchotant ou en chantant ; en bonnes animatrices, elles mettent l’ambiance, chauffent la salle, mais… un ange passe. Puis deux. Que se passe-t-il ? On entrevoit avec effroi le moment où – le ciel nous en garde – il faudra en venir à distraire nous-même les plus jeunes.
De cette attente quelque peu inquiétante, une fois le public bien assis et pris en charge, on oubliera tout. Car nos sens seront finement assaillis par la poésie de ce bal en blanc fait de conte et de mime et qui tangue sans cesse entre la grosse farce et l’émotion subtile. Le Théâtre des Petites Âmes, dirigé par Isabelle Payant qui réalise aussi la mise en scène du Bal, propose un récit onirique et lumineux pour fêter son 15e anniversaire.
Les codes sont malmenés, ou déplacés, ce qui a pour effet de désorienter les spectateurs et spectatrices aguerri·es, qui se retrouveront ainsi au même niveau que les plus petit·es. De quatrième mur, point. On est pratiquement dans la scène. Il s’agit, après tout, d’un bal (on nous l’a bien répété !), avec ce que cela suppose d’interactions sociales et physiques. Mais la mise en scène repose sur des structures bien établies : les enfants connaissent très bien, par exemple, ce jeu où le plancher, devenu sombre marécage (ou coulée de lave !), doit à tout prix être évité. Ce sont donc ces conventions d’un autre type qui prennent le dessus, pour le plus grand plaisir des jeunes.
Le piano et la lune
L’esthétique, travaillée au corps, fleurit dans les costumes luxuriants – déclinant toutes les teintes du blanc en de multiples textures – et dans certains détails qui ensemencent l’esprit d’images complexes. On y admire ainsi un piano à voile, un coffre magique et tout un bestiaire : diva caractérielle, bête inquiétante à la démarche pataude, géant lunaire ainsi que divers petits personnages mignons ou facétieux… Tous ces éléments naissent d’un assemblage de marionnettes, d’objets et de masques engageants et singuliers, qui créent une mythologie propre au spectacle.
La scénographie prend une saveur cinématographique dans ses références aux contes de fée et au fantastique. Elle a recours à des tableaux dans lesquels la chaleur du dialogue et du jeu sont parfois traversés par une imperceptible allusion glaçante : on discerne clairement l’influence de Tim Burton, on entrevoit des traits de Luc Besson, la luminosité argentée de Night of the Hunter et, parfois, dans un éclair, une miette du Labyrinthe de Pan.
L’éclairage, précis et nuancé, est l’un des véritables héros du spectacle. Il fait feu de tout bois : de la lumière aquatique, qui tient à la fois de la luminescence froide des grandes profondeurs et du reflet mordoré de la lune sur l’eau, des objets éclairés et des petits personnages soulignés par un sillage lumineux, du mouvement des ombres et de celui, plus direct, des écrans qui font face au public. La musique jouée en direct est elle aussi indissociable de l’action sur scène, alors qu’elle crée le plus souvent les ambiances qui se déploieront au gré du jeu des interprètes.
Le Théâtre des Petites Âmes affirme cibler, notamment, la petite enfance et les primo-spectateurs. Mais le public plus averti n’est pas pour autant laissé de côté. Car, d’après le bagage de chacun·e, il est tout à fait possible de distinguer, dans les lueurs mobiles qui taquinent la chanteuse d’opéra jusque sous sa robe, soit de coquins lumignons, soit des âmes damnées travesties en sadiques feux follets. Il est réellement réjouissant de retrouver cette polysémie dans du théâtre jeunesse, et la finale, apothéose d’émotions et de lâcher-prise, n’échappe pas à cette jubilation.
Idéation et mise en scène : Isabelle Payant. Éclairages : Nancy Longchamps. Costumes : Rosemarie Levasseur. Musique : Olivier Monette-Milmore, d’après des mélodies du Théâtre des Petites Âmes et d’Isabelle Payant. Artiste visuelle : Maya Nikolova. Avec Veronica Barron, Noémie Godin-Vigneau, Jinny Jacinto, Milva Ménard, Félix Monette-Dubeau, Parfaite Moussouanga, Maude Paradis et Isabelle Payant. Une production du Théâtre des Petites Âmes, présentée à la Maison Théâtre du 15 au 24 septembre 2023.
Le spectacle, ou enfin le bal, débute de façon plutôt bancale, un peu comme le siège vers lequel on s’est fait diriger pour attendre le début de l’événement. Un pré-bal, donc, dans un des espaces de la Maison Théâtre convertis pour l’occasion en salles d’attente festonnées de guirlandes et d’autres délicats objets blancs : lanternes, napperons, poissons… Des comédiennes éperonnent le groupe en chuchotant ou en chantant ; en bonnes animatrices, elles mettent l’ambiance, chauffent la salle, mais… un ange passe. Puis deux. Que se passe-t-il ? On entrevoit avec effroi le moment où – le ciel nous en garde – il faudra en venir à distraire nous-même les plus jeunes.
De cette attente quelque peu inquiétante, une fois le public bien assis et pris en charge, on oubliera tout. Car nos sens seront finement assaillis par la poésie de ce bal en blanc fait de conte et de mime et qui tangue sans cesse entre la grosse farce et l’émotion subtile. Le Théâtre des Petites Âmes, dirigé par Isabelle Payant qui réalise aussi la mise en scène du Bal, propose un récit onirique et lumineux pour fêter son 15e anniversaire.
Les codes sont malmenés, ou déplacés, ce qui a pour effet de désorienter les spectateurs et spectatrices aguerri·es, qui se retrouveront ainsi au même niveau que les plus petit·es. De quatrième mur, point. On est pratiquement dans la scène. Il s’agit, après tout, d’un bal (on nous l’a bien répété !), avec ce que cela suppose d’interactions sociales et physiques. Mais la mise en scène repose sur des structures bien établies : les enfants connaissent très bien, par exemple, ce jeu où le plancher, devenu sombre marécage (ou coulée de lave !), doit à tout prix être évité. Ce sont donc ces conventions d’un autre type qui prennent le dessus, pour le plus grand plaisir des jeunes.
Le piano et la lune
L’esthétique, travaillée au corps, fleurit dans les costumes luxuriants – déclinant toutes les teintes du blanc en de multiples textures – et dans certains détails qui ensemencent l’esprit d’images complexes. On y admire ainsi un piano à voile, un coffre magique et tout un bestiaire : diva caractérielle, bête inquiétante à la démarche pataude, géant lunaire ainsi que divers petits personnages mignons ou facétieux… Tous ces éléments naissent d’un assemblage de marionnettes, d’objets et de masques engageants et singuliers, qui créent une mythologie propre au spectacle.
La scénographie prend une saveur cinématographique dans ses références aux contes de fée et au fantastique. Elle a recours à des tableaux dans lesquels la chaleur du dialogue et du jeu sont parfois traversés par une imperceptible allusion glaçante : on discerne clairement l’influence de Tim Burton, on entrevoit des traits de Luc Besson, la luminosité argentée de Night of the Hunter et, parfois, dans un éclair, une miette du Labyrinthe de Pan.
L’éclairage, précis et nuancé, est l’un des véritables héros du spectacle. Il fait feu de tout bois : de la lumière aquatique, qui tient à la fois de la luminescence froide des grandes profondeurs et du reflet mordoré de la lune sur l’eau, des objets éclairés et des petits personnages soulignés par un sillage lumineux, du mouvement des ombres et de celui, plus direct, des écrans qui font face au public. La musique jouée en direct est elle aussi indissociable de l’action sur scène, alors qu’elle crée le plus souvent les ambiances qui se déploieront au gré du jeu des interprètes.
Le Théâtre des Petites Âmes affirme cibler, notamment, la petite enfance et les primo-spectateurs. Mais le public plus averti n’est pas pour autant laissé de côté. Car, d’après le bagage de chacun·e, il est tout à fait possible de distinguer, dans les lueurs mobiles qui taquinent la chanteuse d’opéra jusque sous sa robe, soit de coquins lumignons, soit des âmes damnées travesties en sadiques feux follets. Il est réellement réjouissant de retrouver cette polysémie dans du théâtre jeunesse, et la finale, apothéose d’émotions et de lâcher-prise, n’échappe pas à cette jubilation.
Le Bal des Petites Âmes
Idéation et mise en scène : Isabelle Payant. Éclairages : Nancy Longchamps. Costumes : Rosemarie Levasseur. Musique : Olivier Monette-Milmore, d’après des mélodies du Théâtre des Petites Âmes et d’Isabelle Payant. Artiste visuelle : Maya Nikolova. Avec Veronica Barron, Noémie Godin-Vigneau, Jinny Jacinto, Milva Ménard, Félix Monette-Dubeau, Parfaite Moussouanga, Maude Paradis et Isabelle Payant. Une production du Théâtre des Petites Âmes, présentée à la Maison Théâtre du 15 au 24 septembre 2023.