Pour son premier texte de théâtre, Silviu Vincent Legault (gagnant du prix Nicky-Roy à sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec) plonge au cœur de sa vie, marquée par la violence conjugale. L’histoire de Fred est une histoire d’amour qui finit mal. Sur le ton badin des partys où la jeunesse s’éclate dans les nuits alcoolisées, la pièce s’amorce par un prologue chanté à la gloire de la boisson. Brillant numéro de comédie musicale qui annonce le bonheur, sur un humour grinçant. C’est dans le climax de cette soirée magique que Fred rencontre Charles et que leur destin est scellé. Une introduction qui donne le tempo à la pièce entre les amants et le chœur qui commente le monde secret de l’artiste en début de carrière.
L’enchantement sera de courte durée. Le naïf et tendre Fred bientôt dépouillé de sa joie de vivre et de son enthousiasme naturel s’enfonce dans un trou noir où sont tapis les monstres. Ils se nomment jalousie, possessivité, domination et viennent lacérer son corps et son esprit. Du bonheur à la déchéance totale, Legault raconte avec brio la route vers l’anéantissement. Au bord du gouffre, il s’enferme pendant des mois, coupant les ponts avec ses proches. Il plonge au fond de l’abysse, accompagné et harcelé par des fantômes et des bêtes menaçantes qui le grugent en dedans. Mais il triomphera de ces voix intérieures, avec l’aide d’une psychologue.
Cette chute dans le vide arrive au moment où Fred vient de décrocher son premier contrat comme réalisateur de publicité. Où il doit affronter ses client·es sur le sens des valeurs. Il se trouve placé devant un dilemme déchirant : promouvoir le consumérisme avec ses effets délétères ou refermer ce passage obligé qui devait le mener à son rêve de réaliser des longs métrages de son cru. Sa vie professionnelle rebondit dans le miroir de sa vie affective.
« Les murs sont peinturés de nos cris »
Le puissant texte de Legault va au bout de la souffrance pour en extirper le poison. En levant le voile sur la violence chez les queers et ses dommages physiques et psychiques,
Jusqu’à brûler les boiseries transcende la notion même de sexe et de genre pour rejoindre la douleur pure. Il dit crument sans ménager les sensibilités comment cette violence affecte la psyché humaine, peu importe qui la subit.
Mais le jeune auteur fait éclater ce texte sombre par une mise en scène flamboyante. Découpée en courts tableaux, la tragédie se construit par le chevauchement de scènes dramatiques et de jeux de distanciation : le chœur, les soirées au karaoké, les démons dans sa tête, le tout enluminé par la musique Jorie Pedneault (dit Narcisse). La trame du premier frisson amoureux, en passant par l’implosion psychique et l’autodestruction jusqu’à la guérison, allège la lourdeur du propos par des éclats de lumière, d’humour, d’apparitions fantastiques. Le spectacle de cris et chuchotement se déroule avec violence et tendresse dans un rythme qui oscille entre lenteur et frénésie. Soulignons le jeu inspiré de Pierre-Olivier Roussel (Fred) avec une finale poignante et la découverte de Zoé Tremblay Bianco en coryphée et diablesse qui nous fait basculer dans une autre dimension.
Déjà remarqué comme comédien (entre autres en Dalí dans Le miel est plus doux que le sang), Silviu Vincent Legault ajoute avec doigté l’écriture et la mise en scène à sa palette. Voici un spectacle où on sent que l’équipe s’est investie pour cette catharsis vitale pour l’auteur et nécessaire pour le public.
Texte et mise en scène : Silviu Vincent Legault. Assistance à la mise en scène : Jade Gagnon. Conception sonore et musicale : Jorie Pedneault. Conception du décor et des accessoires : Camille Walsh. Conception des costumes : Delphine Gagné. Conception des éclairages : Marie-Pier Faucher-Bégin. Régie : Marianne Tardif. Mentorat et œil extérieur : Olivier Arteau et Christian Lapointe. Avec Lé Aubin, Gaïa Cherrat Naghshi, Janie Lapierre, Pierre-Olivier Roussel, Marc-Antoine Sinibaldi, Zoé Tremblay-Bianco, Valérie Laroche. Une production du Théâtre Paréidolies, présentée à Premier Acte jusqu’au 23 mars 2024.
Pour son premier texte de théâtre, Silviu Vincent Legault (gagnant du prix Nicky-Roy à sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec) plonge au cœur de sa vie, marquée par la violence conjugale. L’histoire de Fred est une histoire d’amour qui finit mal. Sur le ton badin des partys où la jeunesse s’éclate dans les nuits alcoolisées, la pièce s’amorce par un prologue chanté à la gloire de la boisson. Brillant numéro de comédie musicale qui annonce le bonheur, sur un humour grinçant. C’est dans le climax de cette soirée magique que Fred rencontre Charles et que leur destin est scellé. Une introduction qui donne le tempo à la pièce entre les amants et le chœur qui commente le monde secret de l’artiste en début de carrière.
L’enchantement sera de courte durée. Le naïf et tendre Fred bientôt dépouillé de sa joie de vivre et de son enthousiasme naturel s’enfonce dans un trou noir où sont tapis les monstres. Ils se nomment jalousie, possessivité, domination et viennent lacérer son corps et son esprit. Du bonheur à la déchéance totale, Legault raconte avec brio la route vers l’anéantissement. Au bord du gouffre, il s’enferme pendant des mois, coupant les ponts avec ses proches. Il plonge au fond de l’abysse, accompagné et harcelé par des fantômes et des bêtes menaçantes qui le grugent en dedans. Mais il triomphera de ces voix intérieures, avec l’aide d’une psychologue.
Cette chute dans le vide arrive au moment où Fred vient de décrocher son premier contrat comme réalisateur de publicité. Où il doit affronter ses client·es sur le sens des valeurs. Il se trouve placé devant un dilemme déchirant : promouvoir le consumérisme avec ses effets délétères ou refermer ce passage obligé qui devait le mener à son rêve de réaliser des longs métrages de son cru. Sa vie professionnelle rebondit dans le miroir de sa vie affective.
« Les murs sont peinturés de nos cris »
Le puissant texte de Legault va au bout de la souffrance pour en extirper le poison. En levant le voile sur la violence chez les queers et ses dommages physiques et psychiques,
Jusqu’à brûler les boiseries transcende la notion même de sexe et de genre pour rejoindre la douleur pure. Il dit crument sans ménager les sensibilités comment cette violence affecte la psyché humaine, peu importe qui la subit.
Mais le jeune auteur fait éclater ce texte sombre par une mise en scène flamboyante. Découpée en courts tableaux, la tragédie se construit par le chevauchement de scènes dramatiques et de jeux de distanciation : le chœur, les soirées au karaoké, les démons dans sa tête, le tout enluminé par la musique Jorie Pedneault (dit Narcisse). La trame du premier frisson amoureux, en passant par l’implosion psychique et l’autodestruction jusqu’à la guérison, allège la lourdeur du propos par des éclats de lumière, d’humour, d’apparitions fantastiques. Le spectacle de cris et chuchotement se déroule avec violence et tendresse dans un rythme qui oscille entre lenteur et frénésie. Soulignons le jeu inspiré de Pierre-Olivier Roussel (Fred) avec une finale poignante et la découverte de Zoé Tremblay Bianco en coryphée et diablesse qui nous fait basculer dans une autre dimension.
Déjà remarqué comme comédien (entre autres en Dalí dans Le miel est plus doux que le sang), Silviu Vincent Legault ajoute avec doigté l’écriture et la mise en scène à sa palette. Voici un spectacle où on sent que l’équipe s’est investie pour cette catharsis vitale pour l’auteur et nécessaire pour le public.
Jusqu’à brûler les boiseries
Texte et mise en scène : Silviu Vincent Legault. Assistance à la mise en scène : Jade Gagnon. Conception sonore et musicale : Jorie Pedneault. Conception du décor et des accessoires : Camille Walsh. Conception des costumes : Delphine Gagné. Conception des éclairages : Marie-Pier Faucher-Bégin. Régie : Marianne Tardif. Mentorat et œil extérieur : Olivier Arteau et Christian Lapointe. Avec Lé Aubin, Gaïa Cherrat Naghshi, Janie Lapierre, Pierre-Olivier Roussel, Marc-Antoine Sinibaldi, Zoé Tremblay-Bianco, Valérie Laroche. Une production du Théâtre Paréidolies, présentée à Premier Acte jusqu’au 23 mars 2024.