C’est une saison qui ne fait pas de quartiers. Après Les avalanches, La fin de l’homme rouge, Diggers, Chimerica ou Nos Cassandre, la collaboration de François Bernier et de Roxanne Bouchard s’inscrit dans la lignée de ces productions imprégnées d’une trop pertinente actualité et qui frappent dur par leur incontournable réalisme sociopolitique. Instructif sans être documentaire, 5 balles dans la tête tient de l’autofiction, de la prise de parole et du recueil de témoignages tout en touchant au cœur dans les règles de l’art dramatique.
Au commencement, il y a une prof de littérature antimilitariste qui rencontre par hasard un militaire. De fil en aiguille, elle fait la connaissance d’une trentaine de ces fantassins ou artilleurs, blindés, pilotes ou médecins, qui consentent tous et toutes à se raconter, et qui la forcent à engager une réflexion sur ses valeurs les plus profondes. L’intention première du spectacle est de mettre de l’avant l’empathie comme liant entre des personnes ou des groupes qui, au quotidien, n’ont pas grand-chose en commun sauf des préjugés réciproques. Une écrivaine et un militaire. Le public du théâtre et les troupes de Valcartier. Les forces armées canadiennes et les talibans…
Il s’agit bien là, d’une part, d’écouter son prochain, mais aussi, d’autre part, de parler d’une expérience dont le poids et les séquelles étouffent et musellent. Par les mots, les sons et les signes, le spectacle nous amène en Afghanistan et nous dessine les contours d’un incident vu selon plusieurs perspectives différentes. Dans ce récit choral, on s’astreint à dépouiller chaque personnage de sa crânerie, de ses remparts, de sa retenue pour toucher enfin au cœur à vif de l’expérience sur le terrain. Le sable, la chaleur, le poids de l’équipement. Et puis le combat.
Ellipses et confidences
Certains sujets, toutefois, font l’objet d’une résistance commune à tous et toutes. L’écrivaine, insistante, rencontre dans ses questionnements une ellipse, un silence qui va au-delà de la simple pudeur. Les dialogues qui s’ensuivent, traités avec une grande délicatesse, sont portés avec beaucoup d’habileté par les comédiens et les comédiennes. Dans cette abondance de personnages aux histoires extraordinaires, truculentes ou insupportables et toujours émouvantes, on notera le monologue bouleversant d’Amy, campée avec sobriété et justesse par Lou Vincent-Desrosiers.
Depuis le décor dynamique — qui réserve quelques surprises — jusqu’au bruitage éloquent, le public se fait gentiment secouer par une scénographie qui met en valeur la puissance du sujet. On relèvera par ailleurs d’amusants éléments de chorégraphie verbale, ainsi qu’une utilisation de l’espace scénique qui force parfois à considérer les deux côtés de la médaille. Les uniformes et accessoires militaires, qui occupent une bonne partie du champ de vision, confèrent une gravité certaine au propos, notamment par le contraste qu’ils offrent avec les éléments « civils ».
En écoutant se confier les personnages, on en vient à mieux saisir le rôle que jouent les civils, pacifistes ou non, dans la nécessité des forces armées, et à l’origine de ces missions qui, souvent, laissent tant d’hommes et de femmes en déroute. Le personnage de l’écrivaine exhorte les militaires qu’elle rencontre à utiliser les mots — son arme à elle — pour raconter, communiquer, entrer en relation; mais il reste à savoir si elle est réellement prête à recevoir ces paroles et charriée par son empathie, la charge d’émotion qui en découle.
Texte : Roxanne Bouchard. Mise en scène : François Bernier. Assistance à la mise en scène : Maxime Beauregard-Martin. Décor et accessoires : Pierre-Étienne Locas. Costumes : Anne-Sophie Gaudet. Maquillage : Justine Denoncourt. Éclairages : Chantal Labonté. Conception sonore : Antonin Gougeon-Moisan. Conseil dramaturgique : François Bernier et Patrick Senécal. Avec Philippe Cousineau, Sylvie De Morais, Maxim Gaudette, Frédéric Millaire Zouvi, Éric Robidoux, Joakim Robillard, Lou Vincent-Desrosiers, Éric Vega. Une production du Théâtre DuBunker en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 5 avril 2024.
C’est une saison qui ne fait pas de quartiers. Après Les avalanches, La fin de l’homme rouge, Diggers, Chimerica ou Nos Cassandre, la collaboration de François Bernier et de Roxanne Bouchard s’inscrit dans la lignée de ces productions imprégnées d’une trop pertinente actualité et qui frappent dur par leur incontournable réalisme sociopolitique. Instructif sans être documentaire, 5 balles dans la tête tient de l’autofiction, de la prise de parole et du recueil de témoignages tout en touchant au cœur dans les règles de l’art dramatique.
Au commencement, il y a une prof de littérature antimilitariste qui rencontre par hasard un militaire. De fil en aiguille, elle fait la connaissance d’une trentaine de ces fantassins ou artilleurs, blindés, pilotes ou médecins, qui consentent tous et toutes à se raconter, et qui la forcent à engager une réflexion sur ses valeurs les plus profondes. L’intention première du spectacle est de mettre de l’avant l’empathie comme liant entre des personnes ou des groupes qui, au quotidien, n’ont pas grand-chose en commun sauf des préjugés réciproques. Une écrivaine et un militaire. Le public du théâtre et les troupes de Valcartier. Les forces armées canadiennes et les talibans…
Il s’agit bien là, d’une part, d’écouter son prochain, mais aussi, d’autre part, de parler d’une expérience dont le poids et les séquelles étouffent et musellent. Par les mots, les sons et les signes, le spectacle nous amène en Afghanistan et nous dessine les contours d’un incident vu selon plusieurs perspectives différentes. Dans ce récit choral, on s’astreint à dépouiller chaque personnage de sa crânerie, de ses remparts, de sa retenue pour toucher enfin au cœur à vif de l’expérience sur le terrain. Le sable, la chaleur, le poids de l’équipement. Et puis le combat.
Ellipses et confidences
Certains sujets, toutefois, font l’objet d’une résistance commune à tous et toutes. L’écrivaine, insistante, rencontre dans ses questionnements une ellipse, un silence qui va au-delà de la simple pudeur. Les dialogues qui s’ensuivent, traités avec une grande délicatesse, sont portés avec beaucoup d’habileté par les comédiens et les comédiennes. Dans cette abondance de personnages aux histoires extraordinaires, truculentes ou insupportables et toujours émouvantes, on notera le monologue bouleversant d’Amy, campée avec sobriété et justesse par Lou Vincent-Desrosiers.
Depuis le décor dynamique — qui réserve quelques surprises — jusqu’au bruitage éloquent, le public se fait gentiment secouer par une scénographie qui met en valeur la puissance du sujet. On relèvera par ailleurs d’amusants éléments de chorégraphie verbale, ainsi qu’une utilisation de l’espace scénique qui force parfois à considérer les deux côtés de la médaille. Les uniformes et accessoires militaires, qui occupent une bonne partie du champ de vision, confèrent une gravité certaine au propos, notamment par le contraste qu’ils offrent avec les éléments « civils ».
En écoutant se confier les personnages, on en vient à mieux saisir le rôle que jouent les civils, pacifistes ou non, dans la nécessité des forces armées, et à l’origine de ces missions qui, souvent, laissent tant d’hommes et de femmes en déroute. Le personnage de l’écrivaine exhorte les militaires qu’elle rencontre à utiliser les mots — son arme à elle — pour raconter, communiquer, entrer en relation; mais il reste à savoir si elle est réellement prête à recevoir ces paroles et charriée par son empathie, la charge d’émotion qui en découle.
5 balles dans la tête
Texte : Roxanne Bouchard. Mise en scène : François Bernier. Assistance à la mise en scène : Maxime Beauregard-Martin. Décor et accessoires : Pierre-Étienne Locas. Costumes : Anne-Sophie Gaudet. Maquillage : Justine Denoncourt. Éclairages : Chantal Labonté. Conception sonore : Antonin Gougeon-Moisan. Conseil dramaturgique : François Bernier et Patrick Senécal. Avec Philippe Cousineau, Sylvie De Morais, Maxim Gaudette, Frédéric Millaire Zouvi, Éric Robidoux, Joakim Robillard, Lou Vincent-Desrosiers, Éric Vega. Une production du Théâtre DuBunker en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 5 avril 2024.