Les adeptes de Jane Austen et Julia Quinn (La Chronique des Bridgerton) sont légion et le Théâtre du Trident a décidé d’embrasser ce courant d’histoires de mariage à l’anglaise, dans lesquelles émois et méprises sont le moteur de l’action. Adaptée par Marianne Marceau et mise en scène par Marie-Hélène Gendreau, Orgueil et préjugés est portée par une imposante et froufroutante distribution.
Nous sommes dans la lignée des Jeux de l’amour et du hasard ou d’Arlequin valet de deux maîtres, dans une prose toutefois beaucoup plus accessible et limpide aux jeunes oreilles d’aujourd’hui. Les us et coutumes de l’époque, les enjeux liés au mariage, les droits (ou plutôt l’absence de droits) des femmes sont clairement exposés dans une narration mordante et comique assumée par Maude Boutin St-Pierre, qui joue Mary, une des cinq sœurs Bennett.
Ce commentaire, teinté tour à tour d’ironie, de tendresse et de didascalies énoncées à haute voix, est l’un des points fort de l’adaptation de Marianne Marceau (qui avait signé la magnifique adaptation de Dévadé à la Bordée en 2013). Si l’ex-directrice artistique du Jamais Lu Québec peut moins s’amuser avec la poésie et la langue de Jane Austen qu’avec celles de Réjean Ducharme, elle transpose toutefois l’intrigue, les confrontations importantes, le débat et l’illustration des notions d’orgueil et de préjugés avec efficacité. Tout coule sans anicroches et sans s’embourber dans de longs monologues sentimentaux.
Dans un décor vallonné où s’endorment les jeunes filles et à travers lequel leur mère (Arielle De Garie), en fauteuil roulant, pourchasse les hommes à marier, la joute matrimoniale ressemble parfois à une chasse à courre. La mise en scène joue beaucoup sur le mouvement. Des scènes de bal s’intègrent aux dialogues et en accentuent les élans et les aspérités et des moments musicaux joyeusement imparfaits illustrent bien l’esprit qui règne dans la famille Bennett. Bien que brèves, les interventions du père (Christian Michaud) amènent une tendresse (envers sa femme) et une perspective (sur les choix de ses filles) nécessaires, qui contrebalancent un peu la bouffonnerie dans laquelle la pièce menace parfois de s’embourber.
Les personnages plus farfelus — domestiques, parenté éloignée, soupirants éconduits — s’expriment avec des voix et des gestuelles exagérées. Un mécanisme comique qui fonctionne bien pour les caméos ou les scènes de lecture de lettres, mais qui aurait bénéficié de plus de précision et de dosage dans certains segments. Les fanfaronnades presque mécaniques de Mr Bingley (Clément Desbiens) nous empêchent de capter les véritables sentiments qui l’unissent à Jane (Laurence Champagne). La déclaration d’amour en chemise blanche sous la pluie du toujours posé Mr Darcy (David Bouchard) parvient en comparaison à toucher tout en faisant sourire : se jouer des codes des comédies romantiques tout en faisant surgir l’émotion est un art en soi. Jean-Michel Girouard suscite beaucoup de rires en exagérant à outrance la prononciation des noms et lieux anglais, mais gagnera, au fil des représentations, à converser le côté blessé de son personnage de courtisan éconduit et de pasteur en mal de reconnaissance pour contrebalancer le tout.
Les perruques de ces messieurs ainsi que les maquillages bouffons, les rubans et les froufrous de ces dames appuient bien les effusions qui jaillissent à tout moment dans ce chassé-croisé amoureux et ce mélange des classes. Clémence Lavallée joue bien la petite sœur qui choisit de suivre ses pulsions charnelles — mais qui sera tout de même la première à se retrouver la bague au doigt. Ariane Bellavance-Fafard laisse percevoir, derrière ses commentaires dégoulinants de mesquinerie, la peur de ne pas être aimée de son personnage. Lorraine Côté est délicieusement exécrable en aristocrate suffisante et pincée. Jouer la figure centrale d’Élizabeth Bennett est moins flamboyant, mais exige une constance et un éventail d’émotions bien dosé : un mandat dont s’acquitte bien Stéfanelle Auger, qu’on découvre avec ce rôle de jeune première.
On nous propose donc un buffet sucré à souhait, avec quelques notes plus fines, dont on retiendra surtout l’étourdissant parfum de fête.
Texte : Jane Austen. Adaptation pour la scène : Marianne Marceau. Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau, assistée de Maria Alexandrov. Musique : Sarah-Anne Arsenault et Dillon Hatcher. Costumes : Sébastien Dionne. Scénographie : David Mendoza Hélaine. Éclairages : Denis Guerette. Chorégraphie : Fabien Piché. Accessoires : Marianne Lebel. Maquillage : Béatrice Lecompte-Rousseau. Coiffure : Myriam Richer. Conseils littéraires : Mylène Feuiltault. Avec Miryam Amrouche, Stéfanelle Auger, Ariane Bellavance-Fafard, David Bouchard, Maude Boutin St-Pierre, Carol Cassistat, Laurence Champagne, Lorraine Côté, Arielle De Garie, Clément Desbiens, Laurent Fecteau-Nadeau, Jean-Michel Girouard, Clémence Lavallée, Christian Michaud, Angélique Patterson. Une production du Théâtre du Trident présentée à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec jusqu’au 30 mars 2024.
Les adeptes de Jane Austen et Julia Quinn (La Chronique des Bridgerton) sont légion et le Théâtre du Trident a décidé d’embrasser ce courant d’histoires de mariage à l’anglaise, dans lesquelles émois et méprises sont le moteur de l’action. Adaptée par Marianne Marceau et mise en scène par Marie-Hélène Gendreau, Orgueil et préjugés est portée par une imposante et froufroutante distribution.
Nous sommes dans la lignée des Jeux de l’amour et du hasard ou d’Arlequin valet de deux maîtres, dans une prose toutefois beaucoup plus accessible et limpide aux jeunes oreilles d’aujourd’hui. Les us et coutumes de l’époque, les enjeux liés au mariage, les droits (ou plutôt l’absence de droits) des femmes sont clairement exposés dans une narration mordante et comique assumée par Maude Boutin St-Pierre, qui joue Mary, une des cinq sœurs Bennett.
Ce commentaire, teinté tour à tour d’ironie, de tendresse et de didascalies énoncées à haute voix, est l’un des points fort de l’adaptation de Marianne Marceau (qui avait signé la magnifique adaptation de Dévadé à la Bordée en 2013). Si l’ex-directrice artistique du Jamais Lu Québec peut moins s’amuser avec la poésie et la langue de Jane Austen qu’avec celles de Réjean Ducharme, elle transpose toutefois l’intrigue, les confrontations importantes, le débat et l’illustration des notions d’orgueil et de préjugés avec efficacité. Tout coule sans anicroches et sans s’embourber dans de longs monologues sentimentaux.
Dans un décor vallonné où s’endorment les jeunes filles et à travers lequel leur mère (Arielle De Garie), en fauteuil roulant, pourchasse les hommes à marier, la joute matrimoniale ressemble parfois à une chasse à courre. La mise en scène joue beaucoup sur le mouvement. Des scènes de bal s’intègrent aux dialogues et en accentuent les élans et les aspérités et des moments musicaux joyeusement imparfaits illustrent bien l’esprit qui règne dans la famille Bennett. Bien que brèves, les interventions du père (Christian Michaud) amènent une tendresse (envers sa femme) et une perspective (sur les choix de ses filles) nécessaires, qui contrebalancent un peu la bouffonnerie dans laquelle la pièce menace parfois de s’embourber.
Les personnages plus farfelus — domestiques, parenté éloignée, soupirants éconduits — s’expriment avec des voix et des gestuelles exagérées. Un mécanisme comique qui fonctionne bien pour les caméos ou les scènes de lecture de lettres, mais qui aurait bénéficié de plus de précision et de dosage dans certains segments. Les fanfaronnades presque mécaniques de Mr Bingley (Clément Desbiens) nous empêchent de capter les véritables sentiments qui l’unissent à Jane (Laurence Champagne). La déclaration d’amour en chemise blanche sous la pluie du toujours posé Mr Darcy (David Bouchard) parvient en comparaison à toucher tout en faisant sourire : se jouer des codes des comédies romantiques tout en faisant surgir l’émotion est un art en soi. Jean-Michel Girouard suscite beaucoup de rires en exagérant à outrance la prononciation des noms et lieux anglais, mais gagnera, au fil des représentations, à converser le côté blessé de son personnage de courtisan éconduit et de pasteur en mal de reconnaissance pour contrebalancer le tout.
Les perruques de ces messieurs ainsi que les maquillages bouffons, les rubans et les froufrous de ces dames appuient bien les effusions qui jaillissent à tout moment dans ce chassé-croisé amoureux et ce mélange des classes. Clémence Lavallée joue bien la petite sœur qui choisit de suivre ses pulsions charnelles — mais qui sera tout de même la première à se retrouver la bague au doigt. Ariane Bellavance-Fafard laisse percevoir, derrière ses commentaires dégoulinants de mesquinerie, la peur de ne pas être aimée de son personnage. Lorraine Côté est délicieusement exécrable en aristocrate suffisante et pincée. Jouer la figure centrale d’Élizabeth Bennett est moins flamboyant, mais exige une constance et un éventail d’émotions bien dosé : un mandat dont s’acquitte bien Stéfanelle Auger, qu’on découvre avec ce rôle de jeune première.
On nous propose donc un buffet sucré à souhait, avec quelques notes plus fines, dont on retiendra surtout l’étourdissant parfum de fête.
Orgueil et préjugés
Texte : Jane Austen. Adaptation pour la scène : Marianne Marceau. Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau, assistée de Maria Alexandrov. Musique : Sarah-Anne Arsenault et Dillon Hatcher. Costumes : Sébastien Dionne. Scénographie : David Mendoza Hélaine. Éclairages : Denis Guerette. Chorégraphie : Fabien Piché. Accessoires : Marianne Lebel. Maquillage : Béatrice Lecompte-Rousseau. Coiffure : Myriam Richer. Conseils littéraires : Mylène Feuiltault. Avec Miryam Amrouche, Stéfanelle Auger, Ariane Bellavance-Fafard, David Bouchard, Maude Boutin St-Pierre, Carol Cassistat, Laurence Champagne, Lorraine Côté, Arielle De Garie, Clément Desbiens, Laurent Fecteau-Nadeau, Jean-Michel Girouard, Clémence Lavallée, Christian Michaud, Angélique Patterson. Une production du Théâtre du Trident présentée à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec jusqu’au 30 mars 2024.