Après quatre ans d’attente et plusieurs reports, la pièce Lysis, mise en scène par Lorraine Pintal et coécrite par Fanny Britt et Alexia Bürger, a finalement pris vie sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde le 7 mai dernier. Œuvre d’envergure librement inspirée par la grève des femmes dans Lysistrata de Aristophane et la colère d’Électre de Sophocle, Lysis s’ancre indéniablement, et malheureusement, dans la modernité en évoquant masculinisme, lutte et sororité.
« Vous m’avez aimée servante
M’avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez ».
Les paroles de la mythique chanson militante et féministe Une sorcière comme les autres d’Anne Sylvestre s’empreignent et résonnent en nous à la sortie du spectacle Lysis. C’est en effet une création 100 % féministe qui nous y est dévoilée. Dissimulée dans son travail de scientifique pour une compagnie pharmaceutique, Lysis, magnifiquement interprétée par Bénédicte Décary, a un plan de vengeance qu’elle prépare depuis de nombreuses années : révéler au grand jour un document qui mentionne le lien entre un médicament de fertilité pour les femmes et les impacts ravageurs sur leur santé mentale. Entourées d’amies solidaires et plus motivées que jamais, les femmes militantes vont plus loin : elles déclarent la grève de la natalité. Par leur décision, elles décident de reprendre le pouvoir sur le seul qui les distingue des hommes. Une lutte contre le patriarcat se dessine alors sous nos yeux.
Misogynie déguisée en blagues, égocentrisme, « boy’s club », tous les travers du masculiniste sont dépeints dans les personnages masculins qui incarnent évidemment des positions sociales de pouvoir et de richesse. Ils sont cependant loin d’être haïssables, car ils restent relativement courtois. On rit seulement jaune devant leurs réflexions, si collées à la réalité. Mais rien ne dépasse. La pièce ne vrille pas dans les aspects les plus sombres de la masculinité toxique ou le fait tout en légèreté, pour faire rire plutôt que pleurer.
Finalement, on focalise davantage sur les femmes, leur lutte et leurs relations entre elles, car oui, ensemble elles sont fortes, elles sont fières et surtout, elles iront jusqu’au bout, sans peur. Les dialogues sont riches, engageants et prenants : on suit l’histoire et on a hâte de voir la suite. À quelques reprises, la création plonge dans l’émotion, notamment avec des scènes très touchantes et très justement interprétées par Bénédicte Décary, Widemir Normil, Olivia Palacci, Sally Sakho.
Des bémols, mais une nécessité
En plus de quelques longueurs, la pièce s’étale parfois sur des futilités et des histoires secondaires. De plus, quelques personnages n’apportent rien à l’ensemble de l’histoire et nous questionnent quant à l’utilité de leur présence. Cependant, la mise en scène et la musique de Philippe Brault, jouée en arrière-scène par Annick Beauvais, Chloé Lacasse et Salomé Leclerc, enjolivent l’écriture poignante, mais douce de Fanny Britt et Alexia Bürger. Le travail de lumière et de volumes dans l’espace est aussi intéressant, tout en restant proche du réel, sans artifices. Quelques touches de mouvements synchronisés et un moment chanté très poignant ont permis de rythmer la pièce sans paraître hors sujet, sans tomber comme un cheveu sur la soupe. C’était bien dosé, bien imaginé, bien incorporé à tout le reste.
En plus de l’aspect scénographique intéressant et réussit, Lysis soulève de nombreuses questions qui tournent autour des engagements sociaux : user ou non de violence, changer le système de l’intérieur ou de l’extérieur, tenir bon, mais jusqu’à quand ? D’autre part, la question de la maternité, de la place de la femme dans la société et de ces luttes, résultat de domination millénaire, restent des questions prégnantes de nos communautés et doivent, encore et toujours, prendre vie sur scène. Pour poursuivre les réflexions, engager encore des luttes, mais aussi inspirer les générations futures. En effet, malgré son caractère revendicateur et engagé, Lysis ne tombe pas dans la lourdeur et la violence des enjeux. Elle reste malgré tout légère, avec des touches d’amour, et termine sur un brin d’espoir et peut-être le début d’autres étincelles.
Mise en scène : Lorraine Pintal. Coautrices : Fanny Britt et Alexia Bürger. Assistance à la mise en scène et régie : Bethzaïda Thomas. Décor : Dominique Blain. Costumes et coiffures : Marie Chantale Vaillancourt. Éclairages : Martin Sirois. Musique originale : Philippe Brault. Conception vidéo : Lionel Arnould. Chorégraphies : Jocelyne Montpetit. Accessoires : Karine Cusson et Claire Renaud. Maquillages : Jacques Lee Pelletier. Cheffe des chœurs : Chloé Lacasse. Assistance aux costumes : Pascale Bassani. Avec Annick Beauvais, Bénédicte Décary, Steve Gagnon, Nadine Jean, Chloé Lacasse, Jacques L’heureux, Salomé Leclerc, Widemir Normil, Olivia Palacci, Brigitte Paquette, Pier Paquette, Jean-Philippe Perras, Philippe Racine, Dominick Rustam, Sally Sakho, Isabelle Vincent, Cynthia Wu-Maheux. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 1er juin 2024.
Après quatre ans d’attente et plusieurs reports, la pièce Lysis, mise en scène par Lorraine Pintal et coécrite par Fanny Britt et Alexia Bürger, a finalement pris vie sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde le 7 mai dernier. Œuvre d’envergure librement inspirée par la grève des femmes dans Lysistrata de Aristophane et la colère d’Électre de Sophocle, Lysis s’ancre indéniablement, et malheureusement, dans la modernité en évoquant masculinisme, lutte et sororité.
« Vous m’avez aimée servante
M’avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez ».
Les paroles de la mythique chanson militante et féministe Une sorcière comme les autres d’Anne Sylvestre s’empreignent et résonnent en nous à la sortie du spectacle Lysis. C’est en effet une création 100 % féministe qui nous y est dévoilée. Dissimulée dans son travail de scientifique pour une compagnie pharmaceutique, Lysis, magnifiquement interprétée par Bénédicte Décary, a un plan de vengeance qu’elle prépare depuis de nombreuses années : révéler au grand jour un document qui mentionne le lien entre un médicament de fertilité pour les femmes et les impacts ravageurs sur leur santé mentale. Entourées d’amies solidaires et plus motivées que jamais, les femmes militantes vont plus loin : elles déclarent la grève de la natalité. Par leur décision, elles décident de reprendre le pouvoir sur le seul qui les distingue des hommes. Une lutte contre le patriarcat se dessine alors sous nos yeux.
Misogynie déguisée en blagues, égocentrisme, « boy’s club », tous les travers du masculiniste sont dépeints dans les personnages masculins qui incarnent évidemment des positions sociales de pouvoir et de richesse. Ils sont cependant loin d’être haïssables, car ils restent relativement courtois. On rit seulement jaune devant leurs réflexions, si collées à la réalité. Mais rien ne dépasse. La pièce ne vrille pas dans les aspects les plus sombres de la masculinité toxique ou le fait tout en légèreté, pour faire rire plutôt que pleurer.
Finalement, on focalise davantage sur les femmes, leur lutte et leurs relations entre elles, car oui, ensemble elles sont fortes, elles sont fières et surtout, elles iront jusqu’au bout, sans peur. Les dialogues sont riches, engageants et prenants : on suit l’histoire et on a hâte de voir la suite. À quelques reprises, la création plonge dans l’émotion, notamment avec des scènes très touchantes et très justement interprétées par Bénédicte Décary, Widemir Normil, Olivia Palacci, Sally Sakho.
Des bémols, mais une nécessité
En plus de quelques longueurs, la pièce s’étale parfois sur des futilités et des histoires secondaires. De plus, quelques personnages n’apportent rien à l’ensemble de l’histoire et nous questionnent quant à l’utilité de leur présence. Cependant, la mise en scène et la musique de Philippe Brault, jouée en arrière-scène par Annick Beauvais, Chloé Lacasse et Salomé Leclerc, enjolivent l’écriture poignante, mais douce de Fanny Britt et Alexia Bürger. Le travail de lumière et de volumes dans l’espace est aussi intéressant, tout en restant proche du réel, sans artifices. Quelques touches de mouvements synchronisés et un moment chanté très poignant ont permis de rythmer la pièce sans paraître hors sujet, sans tomber comme un cheveu sur la soupe. C’était bien dosé, bien imaginé, bien incorporé à tout le reste.
En plus de l’aspect scénographique intéressant et réussit, Lysis soulève de nombreuses questions qui tournent autour des engagements sociaux : user ou non de violence, changer le système de l’intérieur ou de l’extérieur, tenir bon, mais jusqu’à quand ? D’autre part, la question de la maternité, de la place de la femme dans la société et de ces luttes, résultat de domination millénaire, restent des questions prégnantes de nos communautés et doivent, encore et toujours, prendre vie sur scène. Pour poursuivre les réflexions, engager encore des luttes, mais aussi inspirer les générations futures. En effet, malgré son caractère revendicateur et engagé, Lysis ne tombe pas dans la lourdeur et la violence des enjeux. Elle reste malgré tout légère, avec des touches d’amour, et termine sur un brin d’espoir et peut-être le début d’autres étincelles.
Lysis
Mise en scène : Lorraine Pintal. Coautrices : Fanny Britt et Alexia Bürger. Assistance à la mise en scène et régie : Bethzaïda Thomas. Décor : Dominique Blain. Costumes et coiffures : Marie Chantale Vaillancourt. Éclairages : Martin Sirois. Musique originale : Philippe Brault. Conception vidéo : Lionel Arnould. Chorégraphies : Jocelyne Montpetit. Accessoires : Karine Cusson et Claire Renaud. Maquillages : Jacques Lee Pelletier. Cheffe des chœurs : Chloé Lacasse. Assistance aux costumes : Pascale Bassani. Avec Annick Beauvais, Bénédicte Décary, Steve Gagnon, Nadine Jean, Chloé Lacasse, Jacques L’heureux, Salomé Leclerc, Widemir Normil, Olivia Palacci, Brigitte Paquette, Pier Paquette, Jean-Philippe Perras, Philippe Racine, Dominick Rustam, Sally Sakho, Isabelle Vincent, Cynthia Wu-Maheux. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 1er juin 2024.