Durant des années : Village victime d’aveuglement volontaire
Le crime paie toujours… pour la presse, pour la télé, pour le polar écrit ou audio. Il y a vingt ans, sur la petite île Saint-Floribert-de-Lièges, en Outaouais, Éric Leduc a été battu à mort lors d’une fête nocturne où s’était rassemblée la jeunesse du village. L’assassin a été condamné et la vie a repris son cours. Mais lorsque Marie Breton, journaliste néophyte, revient au pays pour déterrer cette affaire avec l’intention d’en faire un balado du genre true crime, la quiétude locale implose.
La scénographie repose sur une reconstitution du théâtre de l’action à partir de tableaux et de séquences vidéos : le paysage, la rue principale, les maisons, le garage… Les images du village (conçues avec l’IA Midjourney), en rétroprojection à travers des écrans de tulle, sont habitées par les acteurs et actrices de ce meurtre. Ainsi, les protagonistes imbriqués dans ces tableaux créent un univers glauque en mutation continue. Cela nimbe l’atmosphère de flou et d’incertitude où le réel nous glisse entre les doigts. Grâce à ce dispositif cinématographique soutenu par la trame sonore de suspens d’Olivier Fairfield, la mise en scène de Pierre Antoine Lafon Simard brouille les pistes. À la manière de la série britannique Bodkin, ce n’est pas tant la vérité qui importe que le chemin pour y parvenir.
Pour répondre aux exigences du spectaculaire, Mélanie pousse ses anciens amis dans leurs retranchements, elle les manipule, elle ment, elle triche. Leurs secrets deviennent de la matière truculente pour combler le voyeurisme des amateurs de crimes. Durant des années décortique les stratégies douteuses du balado qui reposent sur la révélation de détails croustillants souvent erronés. L’éthique journalistique marche sur la ligne rouge qui sépare le droit à l’information et l’exhibition de la mort.
Dommage que l’écrin de projection où vivent les personnages ait eu de sérieuses ratées, au point de créer un long malaise autant chez le public que sur la scène, déstabilisant les comédien·nes. Malaise doublé par la rétroprojection dont le faisceau lumineux directement axé sur le public agresse en permanence notre œil. Et pourtant la fusion des personnages dans cet environnement de tableaux anciens fonctionne à merveille.
Texte : Louis-Philippe Roy. Mise en scène : Pierre Antoine Lafon Simard. Conception d’éclairage : Florence Letarte et Guillaume Houët. Conception sonore : Olivier Fairfield. Conception vidéo : Pierre Antoine Lafon Simard. Conception de costumes : Mylène Ménard. Sonorisation : Gabriel Martine. Conseillère dramaturgique : Dominique Lafon Régie : Mélanie Thévenaz. Direction de production : Geneviève Caron et Stella Chayer-Demers. Distribution : Danielle Le Saux-Farmer, Alexandre-David Gagnon, Stéphanie Kym Tougas, Gabrielle Brunet-Poirier, Lissa Léger, Sasha Dominique, Marc-André Charette, Jonathan Charlebois, Richard Léger, Carol Beaudry (voix), Isabelle Bélisle (voix), Josianne Lavoie (voix). Une coproduction du Théâtre du Trillium et du Théâtre Catapulte présentée au Diamant dans le cadre du Carrefour de Québec, du 25 au 26 mai 2024.
L.U.C.A. : Tu viens d’où ?
Tu viens d’où ? C’est en quelque sorte la question qui tue. Car elle suppose implicitement que tu ne fais pas partie du clan local. Sur fond de migrations intercontinentales qui marquent notre époque, ces trois mots sont un leitmotiv planétaire qui s’adresse à tous les migrant·es. Cette banalité rhétorique, qui consiste essentiellement à savoir de quel village tu viens, porte en elle désormais, au-delà de la curiosité, un soupçon, peut-être même une xénophobie latente. Le duo italo-belge, au cœur d’une Europe déstabilisée par les flots d’humains, aborde le thème de l’origine à partir de leur expérience intime. Ils sont en quelque sorte le matériau à extraire du substrat social, tout comme leurs grands-parents étaient venus extraire le charbon dans les mines houillères de Belgique. Mais sur la route des origines, ils rencontrent, dans leurs entrevues avec leurs proches, racisme et xénophobie.
Hervé et Gregory nous entraînent alors dans une quête familiale dont la lacunaire généalogie les pousse vers une recherche génétique jusqu’au noyau initial de l’humanité qui a pour nom : L.U.C.A., acronyme de Last Universal Common Ancestor. Mêlant habilement, anecdotes intimes et faits scientifiques, ils soulèvent les questions essentielles en forme de point d’interrogation suspendu flottant dans nos bouleversements intérieurs.
La pièce en forme de conférence-démonstration retrace les soubresauts d’une démarche pourtant factuelle au départ, mais qui devient bientôt un plaidoyer pour une convivialité généralisée. La preuve scientifique est faite que nous sommes tous et toutes de la lignée issue de l’unique L.U.C.A. Avec humour et amour, le séduisant duo nous explique comment nous sommes aparenté·es. Cette brève histoire de l’humanité, ce bijou de simplicité, embrasse à la fois la raison et l’émotion. Et nous quittons la salle le cœur réchauffé avec un sourire en coin et une amorce de solution par la reconnaissance de ces étrangers génétiquement identiques à nous.
Conception, texte et interprétation : Hervé Guerrisi et Gregory Carnoli. Co-mise en scène : Quantin Meert. Regard extérieur : Romain David. Mouvement : Èlia López. Assistanat : Laurence Briand. Costumes : Frédérick Denis. Création lumière et vidéo : Antoine Vilain. Son : Ludovic Van Pachterbeke. Régie lumière et vidéo : Coralie Scauflaire. Régie son : Christophe Deprez. Consultance vidéo : Arié Van Egmond. Une production de L’ANCRE — Théâtre Royal, présentée au Carrefour international de théâtre (Salle Multi) du 29 mai au 1er juin 2024.
Durant des années : Village victime d’aveuglement volontaire
Le crime paie toujours… pour la presse, pour la télé, pour le polar écrit ou audio. Il y a vingt ans, sur la petite île Saint-Floribert-de-Lièges, en Outaouais, Éric Leduc a été battu à mort lors d’une fête nocturne où s’était rassemblée la jeunesse du village. L’assassin a été condamné et la vie a repris son cours. Mais lorsque Marie Breton, journaliste néophyte, revient au pays pour déterrer cette affaire avec l’intention d’en faire un balado du genre true crime, la quiétude locale implose.
La scénographie repose sur une reconstitution du théâtre de l’action à partir de tableaux et de séquences vidéos : le paysage, la rue principale, les maisons, le garage… Les images du village (conçues avec l’IA Midjourney), en rétroprojection à travers des écrans de tulle, sont habitées par les acteurs et actrices de ce meurtre. Ainsi, les protagonistes imbriqués dans ces tableaux créent un univers glauque en mutation continue. Cela nimbe l’atmosphère de flou et d’incertitude où le réel nous glisse entre les doigts. Grâce à ce dispositif cinématographique soutenu par la trame sonore de suspens d’Olivier Fairfield, la mise en scène de Pierre Antoine Lafon Simard brouille les pistes. À la manière de la série britannique Bodkin, ce n’est pas tant la vérité qui importe que le chemin pour y parvenir.
Pour répondre aux exigences du spectaculaire, Mélanie pousse ses anciens amis dans leurs retranchements, elle les manipule, elle ment, elle triche. Leurs secrets deviennent de la matière truculente pour combler le voyeurisme des amateurs de crimes. Durant des années décortique les stratégies douteuses du balado qui reposent sur la révélation de détails croustillants souvent erronés. L’éthique journalistique marche sur la ligne rouge qui sépare le droit à l’information et l’exhibition de la mort.
Dommage que l’écrin de projection où vivent les personnages ait eu de sérieuses ratées, au point de créer un long malaise autant chez le public que sur la scène, déstabilisant les comédien·nes. Malaise doublé par la rétroprojection dont le faisceau lumineux directement axé sur le public agresse en permanence notre œil. Et pourtant la fusion des personnages dans cet environnement de tableaux anciens fonctionne à merveille.
Durant des années
Texte : Louis-Philippe Roy. Mise en scène : Pierre Antoine Lafon Simard. Conception d’éclairage : Florence Letarte et Guillaume Houët. Conception sonore : Olivier Fairfield. Conception vidéo : Pierre Antoine Lafon Simard. Conception de costumes : Mylène Ménard. Sonorisation : Gabriel Martine. Conseillère dramaturgique : Dominique Lafon Régie : Mélanie Thévenaz. Direction de production : Geneviève Caron et Stella Chayer-Demers. Distribution : Danielle Le Saux-Farmer, Alexandre-David Gagnon, Stéphanie Kym Tougas, Gabrielle Brunet-Poirier, Lissa Léger, Sasha Dominique, Marc-André Charette, Jonathan Charlebois, Richard Léger, Carol Beaudry (voix), Isabelle Bélisle (voix), Josianne Lavoie (voix). Une coproduction du Théâtre du Trillium et du Théâtre Catapulte présentée au Diamant dans le cadre du Carrefour de Québec, du 25 au 26 mai 2024.
L.U.C.A. : Tu viens d’où ?
Tu viens d’où ? C’est en quelque sorte la question qui tue. Car elle suppose implicitement que tu ne fais pas partie du clan local. Sur fond de migrations intercontinentales qui marquent notre époque, ces trois mots sont un leitmotiv planétaire qui s’adresse à tous les migrant·es. Cette banalité rhétorique, qui consiste essentiellement à savoir de quel village tu viens, porte en elle désormais, au-delà de la curiosité, un soupçon, peut-être même une xénophobie latente. Le duo italo-belge, au cœur d’une Europe déstabilisée par les flots d’humains, aborde le thème de l’origine à partir de leur expérience intime. Ils sont en quelque sorte le matériau à extraire du substrat social, tout comme leurs grands-parents étaient venus extraire le charbon dans les mines houillères de Belgique. Mais sur la route des origines, ils rencontrent, dans leurs entrevues avec leurs proches, racisme et xénophobie.
Hervé et Gregory nous entraînent alors dans une quête familiale dont la lacunaire généalogie les pousse vers une recherche génétique jusqu’au noyau initial de l’humanité qui a pour nom : L.U.C.A., acronyme de Last Universal Common Ancestor. Mêlant habilement, anecdotes intimes et faits scientifiques, ils soulèvent les questions essentielles en forme de point d’interrogation suspendu flottant dans nos bouleversements intérieurs.
La pièce en forme de conférence-démonstration retrace les soubresauts d’une démarche pourtant factuelle au départ, mais qui devient bientôt un plaidoyer pour une convivialité généralisée. La preuve scientifique est faite que nous sommes tous et toutes de la lignée issue de l’unique L.U.C.A. Avec humour et amour, le séduisant duo nous explique comment nous sommes aparenté·es. Cette brève histoire de l’humanité, ce bijou de simplicité, embrasse à la fois la raison et l’émotion. Et nous quittons la salle le cœur réchauffé avec un sourire en coin et une amorce de solution par la reconnaissance de ces étrangers génétiquement identiques à nous.
L.U.C.A.
Conception, texte et interprétation : Hervé Guerrisi et Gregory Carnoli. Co-mise en scène : Quantin Meert. Regard extérieur : Romain David. Mouvement : Èlia López. Assistanat : Laurence Briand. Costumes : Frédérick Denis. Création lumière et vidéo : Antoine Vilain. Son : Ludovic Van Pachterbeke. Régie lumière et vidéo : Coralie Scauflaire. Régie son : Christophe Deprez. Consultance vidéo : Arié Van Egmond. Une production de L’ANCRE — Théâtre Royal, présentée au Carrefour international de théâtre (Salle Multi) du 29 mai au 1er juin 2024.