JEU des 5 questions

Cinq questions à Carol Prieur, danseuse

© Sylvie-Ann Paré

Interprète de la Compagnie Marie Chouinard depuis 30 ans, Carol Prieur dansera pour la première fois le solo de 50 minutes gloires du matin : ) – ( :, créé et dansé par Marie Chouinard en 2009. Celle-ci agit, cette fois, comme chorégraphe et la représentation se déroule dans le studio de la compagnie.

Beaucoup de premières avec cette production. Il n’arrive pas si souvent qu’on se produise dans les lieux de répétition, qu’est-ce que ça change pour vous ?

Recevoir le public dans les studios, c’est une rencontre avec lui dans l’intimité; on est dans l’accueil, on touche à la douceur quelque part, on ouvre, on laisse rentrer. Pour gloires, cette invitation fait du bien. Elle est cohérente avec la proposition artistique de l’œuvre. Dans des théâtres, c’est un autre type de temple qu’on habite, on y importe nos énergies. Les espaces de répétition sont une extension de nous. C’est l’aquarium dans lequel on habite tous les jours; c’est très vivant, plein d’énergie, de mémoires, d’histoires installées. Être dans une familiarité fait aussi du bien. On a l’habitude de faire des spectacles ici au studio. On fait toutes sortes de représentations, le lieu se transforme et représente différents types d’environnements, dépendamment du spectacle. C’est fantastique de danser gloires au studio, puisqu’on est entouré de fenêtres et de lumière naturelle, on est baigné et immergé dans une luminosité magique.

© Sylvie-Ann Paré

Comment la proximité avec le public joue-t-elle sur la représentation ? S’y prépare-t-on dès les répétitions ?

Depuis le début, on savait que gloires se faisait dans l’intimité. Je me suis dit qu’il me fallait trouver comment je pourrais être une fenêtre, comment inviter le public à venir vers moi, comment être ouverte et faire partie d’un environnement de manière naturelle. Comme lorsqu’on soulève une roche et qu’en dessous, il y a toute cette vie présente, juste là. J’essaie de m’inspirer de cette idée, d’être dans une incarnation qui reste la même que le public soit présent ou non, qu’on partage ce temps pour ce qu’il est, ensemble. Puis, on repose la roche, mais la vie est toujours là. C’est une vie et un partage, la vie de ce moment-là.

Aussi, vous êtes la première à danser ce solo après Marie, l’avez-vous regardé en vidéo ou en présentiel en 2009 ? Même si vous avez l’habitude de travailler ensemble, est-ce un avantage ou un inconvénient dans ce cas précis ?

Quand Marie l’avait présenté, je l’avais vue danser ici, en studio, à Montréal. Pour reprendre la pièce, on avait les vidéos comme référence. J’étais aussi accompagnée dans les répétitions par Isabelle Poirier qui était avec elle il y a 15 ans. Comme elle partageait ce vécu avec Marie, depuis le début de l’œuvre, Isabelle était une ressource possédant une connaissance qu’elle pouvait partager et transmettre. Pour revivre gloires avec moi, tel un lien direct à travers le temps. J’ai partagé presque 30 ans de ma vie d’interprète avec Marie, le temps de nos vies est donc parallèlement tissé. Ces temps s’imprègnent, se touchent, s’entremêlent. Gloires est un solo qui « est » Marie, c’est son incarnation, une extension de sa vitalité, de sa présence et de sa respiration. Après avoir eu tout ce parcours avec elle, je voulais que sa vie et toutes les racines du solo soient présentes.

© Sylvie-Ann Paré

Est-ce que la complicité développée au cours des ans avec elle permet d’aller toujours plus loin dans la création ?

Marie connaît gloires intimement, physiquement, mentalement, émotionnellement, de l’intérieur en tant qu’interprète. C’est la première fois, comme créatrice, comme artiste, qu’elle voit sa propre œuvre de l’extérieur. Aujourd’hui, elle la voit à travers la lentille de chorégraphe/metteur en scène/directrice de mouvement en elle-même. J’ai vraiment l’impression qu’elle travaille la pièce pour justement l’amener plus loin encore : dans les timings, les intentions, les détails, l’articulation et toutes les possibilités pour que, comme chorégraphe, elle garde une lecture cohérente de son œuvre. Que ce soit en travaillant avec moi, qui suis avec elle depuis toutes ces années, ou bien quelqu’un qui commence, Marie va toujours pousser sa création plus loin. C’est sa nature, elle est dans une recherche perpétuelle, une curiosité infinie.

En ces temps difficiles pour les arts de la scène, cela doit être agréable d’exécuter une pièce assez exaltante comme gloires du matin : ) – ( : ?

Que le mouvement soit mon travail, la recherche créative, le partage de l’art, tout cela dans un environnement incroyable, entouré de beauté, me fait dire chaque jour : quelle chance ! Celle d’avoir cette vie, cette opportunité, d’être dans le mouvement, d’être entourée d’êtres imaginatifs, sensibles, talentueux, qui m’inspirent et me font faire face à l’humanité dans toutes ses couleurs, qui m’aident surtout à continuer d’évoluer, j’espère !

gloires du matin : ) – ( : est présentée à 8 h du 4 au 7 juin 2024 à l’Espace Marie Chouinard, au 4499 avenue de l’Esplanade (coin avenue Mont-Royal).