Lorsque l’on évoque la création artistique dans les « régions » du Québec, l’image bucolique, un brin condescendante, qui a longtemps prévalu, ne tient plus. Si proches, et pourtant si éloignées des métropoles économiques et administratives, elles s’assument en véritables centres de gravité, entourés d’une activité effervescente. Contrairement à Montréal ou à Québec, les créateurs et les créatrices dans ces villes et villages sont conscient∙es des dangers de la centralisation et, par conséquent, évite d’agir, à leur tour, en centrifugeuse qui aspirerait toute la créativité régionale.
Victimes, encore parfois, d’un regard condescendant de la part de leurs collègues « centré∙Es », ils et elles, contre vents et marées, peuvent savourer le fait d’être de plus en plus nombreux à vivre le rêve du « j’y suis, j’y reste » créatif. Les artistes excentré∙es sont également conscient∙es d’être souvent considéré∙es tels des « excentriques » par leurs collègues des métropoles puisqu’ils et elles ont décidé de vivre et de travailler dans leur patelin d’origine ou d’adoption. Cette volonté souvent inébranlable a pu être alimentée en partie par la pandémie, mais on retrouve chez ces créateurs et créatrices, surtout, une démarche à contre-courant, plutôt saine, d’occupation du territoire et, surtout, de proximité avec les membres des communautés. Plus que de l’abnégation et du désir de s’exercer à la nécessaire médiation pour servir leurs projets, par exemple, il s’agit pour eux et elles de vivre une véritable aventure de participation culturelle.
Certes, on peut observer dans certains centres de gravité, soit des relations d’interdépendance entre les institutions théâtrales établies et le théâtre semi-professionnel ou communautaire, soit une séparation des objectifs en raison de visions divergentes sur la notion d’ancrage local. Les premières privilégient les œuvres d’ailleurs qui sont la plupart du temps présentées dans une grande salle, les secondes préfèrent des productions « par les gens d’ici, pour les gens d’ici » dans des espaces, souvent, à taille plus humaine. Ces centres de gravité sont à la fois des lieux de partage et de collaboration.
Pour saisir la particularité des arts vivants chez les excentré∙es, il faut tenir compte de trois réalités : l’espace urbain, le périurbain et la ruralité. Détail important, c’est dans cette dernière que l’on observe des phénomènes émergents depuis la pandémie. Plusieurs artistes formé.es dans les grandes villes, vont s’installer dans leur territoire d’origine, dans des villes et des villages, en alliant production artistique, diffusion, médiation, et, parfois même, écotourisme. Sans viser l’autarcie, les centres de gravité deviennent, en ce sens, de plus en plus autonomes.
La problématique identitaire, jadis polarisée par les héritages francophone et anglophone, n’y est plus aussi inflammable en raison de la fluidité des artistes régionaux qui traversent allègrement les frontières géographiques ou linguistiques. Cette circularité inclut désormais les artistes autochtones, qui ne se sentent plus assignés à résidence, mais choisissent d’exprimer leur attachement à une culture forgée par un lieu tout autant que par la transmission d’une mémoire ancestrale. On y observe ainsi un refus d’être porte-parole local, instrumentalisé par les institutions, ainsi qu’une aspiration à être reconnu∙es en vertu de leurs propositions singulières, universelles ou non.
Les disparités sont importantes d’un endroit à l’autre, la petite et la grande histoire de chaque territoire ayant laissé des traces profondes dans les corps comme dans les esprits. Ce qui est clair, cependant, et ce, depuis une vingtaine d’années, c’est que les artistes ont moins tendance à fuir leur région. Ils s’autorisent davantage à y rester ou à retourner s’y établir. La puissance des cercles formels et informels, constitués d’affinités entre les disciplines et d’une relève entreprenante, crée une force motrice obligeant les acteurs politiques et économiques à revoir leurs relations avec les artistes, ainsi que leur soutien à des initiatives très segmentées.
Liberté, créativité, passion et résilience ne suffisent pas, toutefois, à combler le gouffre, financier entre autres, existant entre certains centres de gravité et l’attitude des gouvernements que l’on peut qualifier de « centrale », voire de centralisante ! Le sous-financement des arts vivants et le manque de formation – affectent certain∙es plus que d’autres. Des régions dites ressources continuent de subir les visées vampirisantes des grands centres. Autant économiquement qu’artistiquement. La pandémie aura poussé quelques « centré∙es », les membres du Théâtre PàP notamment, Patrice Dubois en tête, à se questionner sur leurs relations avec les « excentré∙es ». À ce chapitre, les artistes montrent encore une fois le chemin aux politiques. Dont acte.
Mariam « Nakato » Tounkara et Mario Cloutier
Lorsque l’on évoque la création artistique dans les « régions » du Québec, l’image bucolique, un brin condescendante, qui a longtemps prévalu, ne tient plus. Si proches, et pourtant si éloignées des métropoles économiques et administratives, elles s’assument en véritables centres de gravité, entourés d’une activité effervescente. Contrairement à Montréal ou à Québec, les créateurs et les créatrices dans ces villes et villages sont conscient∙es des dangers de la centralisation et, par conséquent, évite d’agir, à leur tour, en centrifugeuse qui aspirerait toute la créativité régionale.
Victimes, encore parfois, d’un regard condescendant de la part de leurs collègues « centré∙Es », ils et elles, contre vents et marées, peuvent savourer le fait d’être de plus en plus nombreux à vivre le rêve du « j’y suis, j’y reste » créatif. Les artistes excentré∙es sont également conscient∙es d’être souvent considéré∙es tels des « excentriques » par leurs collègues des métropoles puisqu’ils et elles ont décidé de vivre et de travailler dans leur patelin d’origine ou d’adoption. Cette volonté souvent inébranlable a pu être alimentée en partie par la pandémie, mais on retrouve chez ces créateurs et créatrices, surtout, une démarche à contre-courant, plutôt saine, d’occupation du territoire et, surtout, de proximité avec les membres des communautés. Plus que de l’abnégation et du désir de s’exercer à la nécessaire médiation pour servir leurs projets, par exemple, il s’agit pour eux et elles de vivre une véritable aventure de participation culturelle.
Certes, on peut observer dans certains centres de gravité, soit des relations d’interdépendance entre les institutions théâtrales établies et le théâtre semi-professionnel ou communautaire, soit une séparation des objectifs en raison de visions divergentes sur la notion d’ancrage local. Les premières privilégient les œuvres d’ailleurs qui sont la plupart du temps présentées dans une grande salle, les secondes préfèrent des productions « par les gens d’ici, pour les gens d’ici » dans des espaces, souvent, à taille plus humaine. Ces centres de gravité sont à la fois des lieux de partage et de collaboration.
Pour saisir la particularité des arts vivants chez les excentré∙es, il faut tenir compte de trois réalités : l’espace urbain, le périurbain et la ruralité. Détail important, c’est dans cette dernière que l’on observe des phénomènes émergents depuis la pandémie. Plusieurs artistes formé.es dans les grandes villes, vont s’installer dans leur territoire d’origine, dans des villes et des villages, en alliant production artistique, diffusion, médiation, et, parfois même, écotourisme. Sans viser l’autarcie, les centres de gravité deviennent, en ce sens, de plus en plus autonomes.
La problématique identitaire, jadis polarisée par les héritages francophone et anglophone, n’y est plus aussi inflammable en raison de la fluidité des artistes régionaux qui traversent allègrement les frontières géographiques ou linguistiques. Cette circularité inclut désormais les artistes autochtones, qui ne se sentent plus assignés à résidence, mais choisissent d’exprimer leur attachement à une culture forgée par un lieu tout autant que par la transmission d’une mémoire ancestrale. On y observe ainsi un refus d’être porte-parole local, instrumentalisé par les institutions, ainsi qu’une aspiration à être reconnu∙es en vertu de leurs propositions singulières, universelles ou non.
Les disparités sont importantes d’un endroit à l’autre, la petite et la grande histoire de chaque territoire ayant laissé des traces profondes dans les corps comme dans les esprits. Ce qui est clair, cependant, et ce, depuis une vingtaine d’années, c’est que les artistes ont moins tendance à fuir leur région. Ils s’autorisent davantage à y rester ou à retourner s’y établir. La puissance des cercles formels et informels, constitués d’affinités entre les disciplines et d’une relève entreprenante, crée une force motrice obligeant les acteurs politiques et économiques à revoir leurs relations avec les artistes, ainsi que leur soutien à des initiatives très segmentées.
Liberté, créativité, passion et résilience ne suffisent pas, toutefois, à combler le gouffre, financier entre autres, existant entre certains centres de gravité et l’attitude des gouvernements que l’on peut qualifier de « centrale », voire de centralisante ! Le sous-financement des arts vivants et le manque de formation – affectent certain∙es plus que d’autres. Des régions dites ressources continuent de subir les visées vampirisantes des grands centres. Autant économiquement qu’artistiquement. La pandémie aura poussé quelques « centré∙es », les membres du Théâtre PàP notamment, Patrice Dubois en tête, à se questionner sur leurs relations avec les « excentré∙es ». À ce chapitre, les artistes montrent encore une fois le chemin aux politiques. Dont acte.
Mariam « Nakato » Tounkara et Mario Cloutier