Critiques

Conte d’hiver : Irrévérencieuse féerie de Noël

© Charlie Poirier-Bouthillette

À l’avant-veille de Noël, trois jeunes cousins et cousines se rassemblent autour d’un sofa-lit et d’un Mononcle misanthrope, provoquant diverses manifestations de la légendaire magie de Noël que ces « petits gueux » et ces « petites gueuses » mettront sérieusement à l’épreuve. Pour mener à bien cette création, Ballet Opéra Pantomime (BOP), un habitué des collaborations aussi éclectiques que fructueuses, s’est adjoint la participation de dizaines d’élèves de l’école primaire Le Plateau à de nombreux aspects de la production. Le spectacle porte incontestablement la trace de cette créativité inimitable, mais ne s’en trouve ni alourdi ni embrouillé, comme cela peut être le cas dans ce type d’association.

La mise en scène de Clara Prévost et le texte de Marianne Dansereau distillent ensemble un humour à la fois féroce et bienveillant, et jouent avec la complexité de l’enfance, entre poésie et grossièreté, innocence et amoralité, le tout enrobé d’une vitalité à faire vibrer – et tomber – les murs. On y rencontre des jeunes espiègles, avides de forteresses médiévales et en grande admiration devant un matou familial qui la leur rend avec tendresse, sous ses dehors bourrus.

Le personnage de Mononcle, animé avec verve par Yves Jacques, traverse et décode l’action dans un monologue où s’enchaînent et se télescopent ironie et douceur, traits d’esprit et calembours, sans oublier quelques révélations sensationnelles savamment dosées pour la progression de l’intrigue. Les enfants acteur et actrices qui lui donnent la réplique se sortent admirablement bien de l’aventure, et génèrent sur scène un tourbillon d’énergie qui entraîne le public dans leur joie communicative.

© Charlie Poirier-Bouthillette

Euphorie musicale

Aucune longueur au cours de cette petite heure d’allégresse, entre les pitreries félines d’Yves Jacques et le jeu vigoureux et impertinent des trois enfants. Mais c’est la musique qui est véritablement le clou du spectacle dans cette drôle de comédie musicale. Hubert Tanguay-Labrosse, directeur artistique et musical de BOP, n’en est plus à son premier chef-d’œuvre de direction musicale – qu’on pense à l’étrange et magnifique Mont Analogue de la saison dernière, ou encore au majestueux La nef, un an plus tôt, échafaudé à partir de l’œuvre d’Olivier Messiaen. Ici, la trame sonore contemporaine de Michael Oesterle accompagne avec aplomb et délicatesse l’épopée domestique des enfants, leurs batailles d’oreillers et leur turpitude vénielle. Soulignons la performance vocale remarquable de la jeune Simone Bernier, qui s’acquitte avec assurance de plusieurs solos dont la complexité n’a rien d’enfantin et qui constituent autant de petits instants de grâce dans le déroulement du spectacle.

Le formidable duo instrumental, formé de la harpiste Kyra Charlton et d’Hubert Tanguay-Labrosse à la clarinette, met la table et donne le ton d’une scène à l’autre, en plus de soutenir la narration quelque peu précipitée. On ne peut s’empêcher d’entendre dans cet agencement des accents du Pierre et le Loup de Prokofiev, notamment pour la complicité installée entre chat et clarinette, et on apprécie la truculence qu’il insuffle à l’intrigue et la distance qu’il prend par rapport aux sonorités habituelles des récits du temps des Fêtes.

On trouvera dans Conte d’hiver toute l’euphorie des fêtes de fin d’année, dépouillée cependant de la mièvrerie qui accompagne trop souvent ce type d’œuvre. Ici, l’enfance ne constitue pas une référence nostalgique pour adultes, et encore moins un faire-valoir pour parents en mal de reconnaissance; elle est une fin en soi et possède un droit de parole de premier plan, qu’elle ne se prive pas d’exploiter pour le plus grand plaisir de tous et toutes!

Conte d’hiver

Codirection artistique : Alexis Raynault et Hubert Tanguay-Labrosse. Texte : Marianne Dansereau. Musique : Michael Oesterle. Mise en scène : Clara Prévost. Direction musicale : Hubert Tanguay-Labrosse. Scénographie : Catherine Bilodeau et Thomas Bourdon. Conception lumière : Chantal Labonté. Conception sonore : Nataq Huault. Conception de costumes : Sarah Balleux. Avec Simone Bernier, Kyra Charlton, Alexis Clermont, Yves Jacques, Ophélie Mondou et Hubert Tanguay-Labrosse. Avec la collaboration des élèves de l’école primaire Le Plateau. Une coproduction de Ballet Opéra Pantomime (BOP) et La Chapelle Scènes Contemporaines, présentée à La Chapelle jusqu’au 21 décembre 2024.