Chaque spectacle de Sylvain Émard est un événement et ces Champs magnétiques ne dérogent pas à la règle, d’autant plus que l’on célèbre ces jours-ci le 35e anniversaire de sa compagnie. Cette pièce explore la communication qui s’installe entre six personnes, sur une bande-son originale créée pour l’occasion par (Ghislain) Poirier, DJ et producteur qui roule sa bosse à Montréal depuis le siècle dernier.
L’œuvre est par ailleurs très bien servie par sa trame sonore complètement hypnotisante, ainsi que par les éclairages qui créent des unités de couleur à travers les différents moments de l’action. Le dispositif scénique, quant à lui, est simple et efficace : un plancher de danse blanc et, en parallèle et dans les hauteurs, un autre écran blanc servant de toit.
L’attention est d’abord mise sur les jambes des interprètes, toutes nues jusqu’aux genoux ou jusqu’à mi-cuisse, comme peintes de rouge par les projecteurs latéraux. Peu à peu, le reste du corps embarque lui aussi dans la danse. En assistant au spectacle, il faut s’attendre à une performance qui, oui, possède ses feux d’artifice, mais qui s’installe et se développe surtout dans la lenteur. Cette lenteur permet aux gestes d’évoluer par incréments quasi imperceptibles, par la répétition et la variation des thèmes.
Aux amateurs et amatrices de sensations fortes, un bref avertissement : il ne s’agit pas d’une œuvre cathartique, mais plutôt d’une œuvre d’atmosphère, où le rythme obsédant finit par contaminer le public et faire dodeliner de la tête ou du haut du corps sur son siège. La pièce n’est pas pour autant ennuyeuse, loin de là. L’évolution constante des motifs produits par le sextuor crée une fascination de tous les instants et l’ensemble est tellement cohérent, tellement complet, qu’on s’y perd corps et âme.
Danse quantique
Le chorégraphe s’inspire ici explicitement de David Bohm, scientifique états-unien reconnu pour ses contributions au développement de la physique théorique, mais aussi à la philosophie et à la neuropsychologie. Il emploie deux principes du théoricien. Le public assiste à une sorte de dialogue Bohm, c’est-à-dire une conversation, ou dans ce cas-ci une danse, de groupe, dans laquelle tous les participant·es tentent d’arriver à un sens commun par le biais de l’individualité de chacun·e.
Le mot d’ordre, ici, est la fluidité. En effet, danseurs et danseuses reprennent, ensemble comme en de plus rares solos, des phrases chorégraphiques qui évoluent et se transforment à travers un rythme constant qui rappelle les allers-retours d’un pendule. Si les gestes synchronisés sont fréquents, chaque interprète garde son propre style, du plus réservé au plus explosif, de l’économie de mouvements au pur abandon. Signalons d’ailleurs l’ardeur impétueuse de Mathieu Hérard, à la présence si brillante qu’elle menace, parfois, d’éclipser ses partenaires. Il a, tout simplement, un talent fou.
L’autre principe employé est la théorie de l’holomouvement, selon laquelle tout (la totalité) se retrouve constamment dans un état de devenir, d’éternelle transition. Bohm appelle cet état le « flux universel », une expression qui sied bien à l’œuvre d’Émard, dans laquelle on assiste à différents bouleversements, qui se répercutent de l’un·e à l’autre des interprètes et s’intègrent au spectacle à la manière d’ondes sur la surface d’un lac.
Une performance superbe et subtile, dans laquelle le groupe et l’individu vivent en symbiose, sans se nuire, en participant à la construction et à la perpétuation de l’un comme de l’autre; une notion de plus en plus irréelle dans notre monde actuel, où les déchirements s’accentuent, les inégalités se creusent et l’isolement s’intensifie.
Chorégraphie : Sylvain Émard. Costumes et scénographie : Marilène Bastien. Direction de production : Andrée-Anne Garneau. Direction technique : François Marceau. Musique originale : Poirier. Lumières : André Rioux. Doublure : Benjamin Harvey. Répétitrice : Lucie Vigneault. Avec Sophie Breton, Charles Cardin-Bourbeau, Marie-Michelle Darveau, Mathieu Hérard, Christopher LaPlante et Erin O’Loughlin. Une production de Danse Danse présentée à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 28 au 31 janvier 2025.
Chaque spectacle de Sylvain Émard est un événement et ces Champs magnétiques ne dérogent pas à la règle, d’autant plus que l’on célèbre ces jours-ci le 35e anniversaire de sa compagnie. Cette pièce explore la communication qui s’installe entre six personnes, sur une bande-son originale créée pour l’occasion par (Ghislain) Poirier, DJ et producteur qui roule sa bosse à Montréal depuis le siècle dernier.
L’œuvre est par ailleurs très bien servie par sa trame sonore complètement hypnotisante, ainsi que par les éclairages qui créent des unités de couleur à travers les différents moments de l’action. Le dispositif scénique, quant à lui, est simple et efficace : un plancher de danse blanc et, en parallèle et dans les hauteurs, un autre écran blanc servant de toit.
L’attention est d’abord mise sur les jambes des interprètes, toutes nues jusqu’aux genoux ou jusqu’à mi-cuisse, comme peintes de rouge par les projecteurs latéraux. Peu à peu, le reste du corps embarque lui aussi dans la danse. En assistant au spectacle, il faut s’attendre à une performance qui, oui, possède ses feux d’artifice, mais qui s’installe et se développe surtout dans la lenteur. Cette lenteur permet aux gestes d’évoluer par incréments quasi imperceptibles, par la répétition et la variation des thèmes.
Aux amateurs et amatrices de sensations fortes, un bref avertissement : il ne s’agit pas d’une œuvre cathartique, mais plutôt d’une œuvre d’atmosphère, où le rythme obsédant finit par contaminer le public et faire dodeliner de la tête ou du haut du corps sur son siège. La pièce n’est pas pour autant ennuyeuse, loin de là. L’évolution constante des motifs produits par le sextuor crée une fascination de tous les instants et l’ensemble est tellement cohérent, tellement complet, qu’on s’y perd corps et âme.
Danse quantique
Le chorégraphe s’inspire ici explicitement de David Bohm, scientifique états-unien reconnu pour ses contributions au développement de la physique théorique, mais aussi à la philosophie et à la neuropsychologie. Il emploie deux principes du théoricien. Le public assiste à une sorte de dialogue Bohm, c’est-à-dire une conversation, ou dans ce cas-ci une danse, de groupe, dans laquelle tous les participant·es tentent d’arriver à un sens commun par le biais de l’individualité de chacun·e.
Le mot d’ordre, ici, est la fluidité. En effet, danseurs et danseuses reprennent, ensemble comme en de plus rares solos, des phrases chorégraphiques qui évoluent et se transforment à travers un rythme constant qui rappelle les allers-retours d’un pendule. Si les gestes synchronisés sont fréquents, chaque interprète garde son propre style, du plus réservé au plus explosif, de l’économie de mouvements au pur abandon. Signalons d’ailleurs l’ardeur impétueuse de Mathieu Hérard, à la présence si brillante qu’elle menace, parfois, d’éclipser ses partenaires. Il a, tout simplement, un talent fou.
L’autre principe employé est la théorie de l’holomouvement, selon laquelle tout (la totalité) se retrouve constamment dans un état de devenir, d’éternelle transition. Bohm appelle cet état le « flux universel », une expression qui sied bien à l’œuvre d’Émard, dans laquelle on assiste à différents bouleversements, qui se répercutent de l’un·e à l’autre des interprètes et s’intègrent au spectacle à la manière d’ondes sur la surface d’un lac.
Une performance superbe et subtile, dans laquelle le groupe et l’individu vivent en symbiose, sans se nuire, en participant à la construction et à la perpétuation de l’un comme de l’autre; une notion de plus en plus irréelle dans notre monde actuel, où les déchirements s’accentuent, les inégalités se creusent et l’isolement s’intensifie.
Les champs magnétiques
Chorégraphie : Sylvain Émard. Costumes et scénographie : Marilène Bastien. Direction de production : Andrée-Anne Garneau. Direction technique : François Marceau. Musique originale : Poirier. Lumières : André Rioux. Doublure : Benjamin Harvey. Répétitrice : Lucie Vigneault. Avec Sophie Breton, Charles Cardin-Bourbeau, Marie-Michelle Darveau, Mathieu Hérard, Christopher LaPlante et Erin O’Loughlin. Une production de Danse Danse présentée à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 28 au 31 janvier 2025.