Et si Monsieur Jourdain n’en était pas à ses premières tentatives d’acquérir les manières des gens de qualité quand nous le rencontrons sous la plume de Molière? Et s’il avait vécu en Nouvelle-France à l’enfance et à l’adolescence, son père drapier ayant confectionné là-bas des tenues pour la haute société? Et si, déjà, ayant négligé ses études parce qu’il préférait jouer avec ses amis hurons, il avait eu besoin de s’entourer de professeurs en tout genre, histoire d’être un tant soit peu dégrossi? Voilà la prémisse de cette adaptation du Bourgeois gentilhomme, écrite et mise en scène par Hubert Fielden, conçue sur mesure pour la Troupe du Panache, formée en grande partie de finissants 2012 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal.
D’abord présentée dans le cadre du Festival du Mois Molière à Versailles, cette relecture à forte odeur du terroir a certes dû ravir nos cousins français. En plus de parsemer la pièce de quelques «décrochages» en pur québécois et d’intégrer une charge légère contre les mots anglais en ing devenus vocables courants en France, Fielden a transformé la turquerie en «mohawkerie», Cléonte revêtant les oripeaux traditionnellement associés aux Premières nations, coiffe immense, multiples colliers, pagne de peau et peintures de guerre compris. Si les Français ont ainsi pu voir s’incarner sur scène l’un de leurs fantasmes folkloriques favoris, il faut tout de même admettre que dans un contexte «Idle no more», la chose peut – devrait – susciter un certain malaise.
Soulignons néanmoins le jeu des excellents jeunes comédiens, maîtrisant parfaitement leur texte, ayant eu la chance de l’approfondir lors d’une tournée française autogérée effectuée en 2011. Un bravo particulier à Jérémie Francoeur-Chalifour, aussi habite en maître d’armes qu’en Covielle, Gabrielle Lessard qui nous offre une Nicole tout simplement délicieuse et Jonathan Morin, obséquieux et vil à souhait en Dorante. Les jeux de masques qui permettent au maître de musique, de danse, d’armes, de philosophie et de linguistique de défiler et à la majorité des participants d’incarner ainsi deux rôles sont fort habilement réalisés. Les masques eux-mêmes laissant une belle latitude à l’expressivité du regard.
Les anachronismes se révèlent, il faut l’admettre, assez savoureux, que l’on pense ici – icitte? – au maître de danse qui nous y va de quelques pas «venant du Massachusetts » (sic), un breakdance amusant, ou aux shorts amples, à la casquette et la veste ornées d’un J que porte le héros. Saluons également la façon dont Hubert Fielden a su conserver l’essence même de la pièce de Molière: la force des personnages, la langue mesurée mais jamais engoncée, certains codes liés au théâtre d’époque, le tout agrémenté de clins d’œil à d’autres auteurs, notamment Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira). On aurait pu néanmoins se passer de la «morale» énoncée par Dorimène qui n’ajoute rien et de l’interminable chant «amérindien» (une enfilade de mots d’origine autochtone sans queue ni tête) servant de postlude. À n’en point douter, celui-ci a dû lui aussi faire un tabac auprès du public français.
Le P’tit Jourdain
Texte: Hubert Fielden, d’après Le Bourgeois Gentilhomme de Molière
Et si Monsieur Jourdain n’en était pas à ses premières tentatives d’acquérir les manières des gens de qualité quand nous le rencontrons sous la plume de Molière? Et s’il avait vécu en Nouvelle-France à l’enfance et à l’adolescence, son père drapier ayant confectionné là-bas des tenues pour la haute société? Et si, déjà, ayant négligé ses études parce qu’il préférait jouer avec ses amis hurons, il avait eu besoin de s’entourer de professeurs en tout genre, histoire d’être un tant soit peu dégrossi? Voilà la prémisse de cette adaptation du Bourgeois gentilhomme, écrite et mise en scène par Hubert Fielden, conçue sur mesure pour la Troupe du Panache, formée en grande partie de finissants 2012 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal.
D’abord présentée dans le cadre du Festival du Mois Molière à Versailles, cette relecture à forte odeur du terroir a certes dû ravir nos cousins français. En plus de parsemer la pièce de quelques «décrochages» en pur québécois et d’intégrer une charge légère contre les mots anglais en ing devenus vocables courants en France, Fielden a transformé la turquerie en «mohawkerie», Cléonte revêtant les oripeaux traditionnellement associés aux Premières nations, coiffe immense, multiples colliers, pagne de peau et peintures de guerre compris. Si les Français ont ainsi pu voir s’incarner sur scène l’un de leurs fantasmes folkloriques favoris, il faut tout de même admettre que dans un contexte «Idle no more», la chose peut – devrait – susciter un certain malaise.
Soulignons néanmoins le jeu des excellents jeunes comédiens, maîtrisant parfaitement leur texte, ayant eu la chance de l’approfondir lors d’une tournée française autogérée effectuée en 2011. Un bravo particulier à Jérémie Francoeur-Chalifour, aussi habite en maître d’armes qu’en Covielle, Gabrielle Lessard qui nous offre une Nicole tout simplement délicieuse et Jonathan Morin, obséquieux et vil à souhait en Dorante. Les jeux de masques qui permettent au maître de musique, de danse, d’armes, de philosophie et de linguistique de défiler et à la majorité des participants d’incarner ainsi deux rôles sont fort habilement réalisés. Les masques eux-mêmes laissant une belle latitude à l’expressivité du regard.
Les anachronismes se révèlent, il faut l’admettre, assez savoureux, que l’on pense ici – icitte? – au maître de danse qui nous y va de quelques pas «venant du Massachusetts » (sic), un breakdance amusant, ou aux shorts amples, à la casquette et la veste ornées d’un J que porte le héros. Saluons également la façon dont Hubert Fielden a su conserver l’essence même de la pièce de Molière: la force des personnages, la langue mesurée mais jamais engoncée, certains codes liés au théâtre d’époque, le tout agrémenté de clins d’œil à d’autres auteurs, notamment Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira). On aurait pu néanmoins se passer de la «morale» énoncée par Dorimène qui n’ajoute rien et de l’interminable chant «amérindien» (une enfilade de mots d’origine autochtone sans queue ni tête) servant de postlude. À n’en point douter, celui-ci a dû lui aussi faire un tabac auprès du public français.
Le P’tit Jourdain
Texte: Hubert Fielden, d’après Le Bourgeois Gentilhomme de Molière
Mise en scène: Hubert Fielden
Une production Troupe du Panache, à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 20 avril 2013