Une épopée mythique, sanglante, aux multiples rebondissements, transmise par la parole de quatre auteurs grecs anciens. Un lieu au passé chargé d’histoire, somptueusement mis en valeur par des éclairages spectaculaires. Une mise en scène brillante. Un habillage musical particulièrement prégnant. Les Atrides, dans l’assemblage proposé par le Théâtre Point d’orgue, mis en scène par Louis-Karl Tremblay, présenté dans divers lieux de l’Église Saint-Jean-Baptiste par 26 comédiens et 7 concepteurs, pourrait bien se révéler l’événement coup de poing et coup de cœur de la saison.
En près de quatre heures (entracte incluse) qui passent à toute vitesse, le spectateur suit l’histoire de cette famille maudite. Régicide, matricide, inceste, vengeance, guerre, folie, rien ne lui sera épargné. Librement adaptée d’Euripide, d’Eschyle, de Sophocle et de Sénèque, la saga possède un souffle d’une rare cohérence. Soulignons ici le travail d’assemblage méticuleux de Louis-Karl Tremblay et son complice Mathieu Leroux, qui donnent à entendre un texte riche, dense, pourtant jamais obtus, dans un français relevé qui évite les écueils de l’enflure, les dérapages, les télescopages et autres libertés que l’on aurait pu être tenté de prendre pour «moderniser» le propos. Les costumes contemporains de Fannie Breton-Yockell, conçus pour attirer le regard et canaliser la lumière, et quelques projections vidéo se révèlent bien suffisants pour ancrer le tout dans le 21e siècle.
Les zones de jeu sont habilement circonscrites et permettent au public de s’approprier un point de vue et une écoute qui diffèrent lors de chaque déplacement. Les acteurs projettent bien leur voix dans ce grand vaisseau et utilisent l’espace adroitement (qu’ils jouent sur les bancs ou dans les allées, dans les galeries ou sur l’autel). On notera peut-être tout au plus un «trou noir» acoustique dans la première pièce, Atrée, toutes les paroles étant prononcés côté jardin semblant se dissiper avant de se rendre aux oreilles. Preuve en est que la voix de Luc Morissette, incarnant le personnage récurrent du vieillard, parfaitement intelligible lors de toutes ses présences, disparaissait ici. Si aucune faiblesse majeure ne vaut d’être relevée dans la distribution, soulignons néanmoins l’incroyable présence scénique de Benoit Drouin-Germain en Oreste (qui avait déjà séduit dans Yellow Moon – La Ballade de Leila et Lee), l’intensité d’Émilie Cormier en Électre, la majesté olympienne de Stéphanie Cardi qui rappelait par moments l’élégance de Maria Callas en Clytemnestre et le duo constitué de Frédéric Blanchette et Simon Boudreault (Agamemnon et Ménélas).
Des rouleaux de papier kraft deviennent tour à tour étendards, tapis, voiles, armes. Froissé, le matériau suggérera l’aride paysage de Tauride, les sépultures de ceux morts à Troie. Pouvait-on trouver meilleure image que cette page blanche qui se transforme sous nos yeux pour démontrer la modernité intrinsèque de cette histoire plus de deux fois millénaire? Tout au long de cette soirée, j’ai eu l’impression de communier à la source même du théâtre, de ressentir le privilège de me réapproprier les codes du genre, de retrouver son côté magique, parfois mystique. On souhaiterait que cette production puisse partir en tournée, que d’autres lieux de culte plus ou moins désaffectés soient réinvestis par la puissance de ce texte, par la pertinence de cette mise en scène. Du théâtre pour tous qui refuse le nivellement vers le bas; le parti pris est devenu trop rare pour qu’on ne le salue pas.
Les Atrides
Texte: Sophocle, Eschyle, Euripide et Sénèque
Adaptation: Mathieu Leroux et Louis-Karl Tremblay
Mise en scène: Louis-Karl Tremblay
Une épopée mythique, sanglante, aux multiples rebondissements, transmise par la parole de quatre auteurs grecs anciens. Un lieu au passé chargé d’histoire, somptueusement mis en valeur par des éclairages spectaculaires. Une mise en scène brillante. Un habillage musical particulièrement prégnant. Les Atrides, dans l’assemblage proposé par le Théâtre Point d’orgue, mis en scène par Louis-Karl Tremblay, présenté dans divers lieux de l’Église Saint-Jean-Baptiste par 26 comédiens et 7 concepteurs, pourrait bien se révéler l’événement coup de poing et coup de cœur de la saison.
En près de quatre heures (entracte incluse) qui passent à toute vitesse, le spectateur suit l’histoire de cette famille maudite. Régicide, matricide, inceste, vengeance, guerre, folie, rien ne lui sera épargné. Librement adaptée d’Euripide, d’Eschyle, de Sophocle et de Sénèque, la saga possède un souffle d’une rare cohérence. Soulignons ici le travail d’assemblage méticuleux de Louis-Karl Tremblay et son complice Mathieu Leroux, qui donnent à entendre un texte riche, dense, pourtant jamais obtus, dans un français relevé qui évite les écueils de l’enflure, les dérapages, les télescopages et autres libertés que l’on aurait pu être tenté de prendre pour «moderniser» le propos. Les costumes contemporains de Fannie Breton-Yockell, conçus pour attirer le regard et canaliser la lumière, et quelques projections vidéo se révèlent bien suffisants pour ancrer le tout dans le 21e siècle.
Les zones de jeu sont habilement circonscrites et permettent au public de s’approprier un point de vue et une écoute qui diffèrent lors de chaque déplacement. Les acteurs projettent bien leur voix dans ce grand vaisseau et utilisent l’espace adroitement (qu’ils jouent sur les bancs ou dans les allées, dans les galeries ou sur l’autel). On notera peut-être tout au plus un «trou noir» acoustique dans la première pièce, Atrée, toutes les paroles étant prononcés côté jardin semblant se dissiper avant de se rendre aux oreilles. Preuve en est que la voix de Luc Morissette, incarnant le personnage récurrent du vieillard, parfaitement intelligible lors de toutes ses présences, disparaissait ici. Si aucune faiblesse majeure ne vaut d’être relevée dans la distribution, soulignons néanmoins l’incroyable présence scénique de Benoit Drouin-Germain en Oreste (qui avait déjà séduit dans Yellow Moon – La Ballade de Leila et Lee), l’intensité d’Émilie Cormier en Électre, la majesté olympienne de Stéphanie Cardi qui rappelait par moments l’élégance de Maria Callas en Clytemnestre et le duo constitué de Frédéric Blanchette et Simon Boudreault (Agamemnon et Ménélas).
Des rouleaux de papier kraft deviennent tour à tour étendards, tapis, voiles, armes. Froissé, le matériau suggérera l’aride paysage de Tauride, les sépultures de ceux morts à Troie. Pouvait-on trouver meilleure image que cette page blanche qui se transforme sous nos yeux pour démontrer la modernité intrinsèque de cette histoire plus de deux fois millénaire? Tout au long de cette soirée, j’ai eu l’impression de communier à la source même du théâtre, de ressentir le privilège de me réapproprier les codes du genre, de retrouver son côté magique, parfois mystique. On souhaiterait que cette production puisse partir en tournée, que d’autres lieux de culte plus ou moins désaffectés soient réinvestis par la puissance de ce texte, par la pertinence de cette mise en scène. Du théâtre pour tous qui refuse le nivellement vers le bas; le parti pris est devenu trop rare pour qu’on ne le salue pas.
Les Atrides
Texte: Sophocle, Eschyle, Euripide et Sénèque
Adaptation: Mathieu Leroux et Louis-Karl Tremblay
Mise en scène: Louis-Karl Tremblay
Une production du Théâtre Point d’orgue, à l’Église Saint-Jean-Baptiste jusqu’au 28 avril 2013