La mort, l’acharnement médical, la thérapie, les palliatifs, les dépendances et les manques composent depuis longtemps le carré de fouilles du Théâtre Niveau Parking. La compagnie de Québec livre avec W;t un nouveau volet de son exploration existentielle et métaphysique, au sujet émouvant mais à la forme un peu désuète.
Vivian Bearing, une éminente professeure de poésie anglaise du 17e siècle, est en phase terminale d’un cancer des ovaires et nous présente, à la manière d’un cours magistral chargé de détails mais surtout d’ironie, ses derniers mois de vie. Elle se fait un devoir de livrer cette ultime analyse de la manière la plus rigoureuse possible, comme pour mettre un épais vernis d’érudition sur l’agonie d’une femme seule, dont l’enthousiasme d’antan a été étouffé par la vie universitaire.
Elle se présente un peu comme un personnage en quête d’auteur, s’adressant directement au public pour confier qu’elle n’aurait pas écrit la pièce sur sa vie comme ceci ou comme cela, révélant d’entrée de jeu l’issue tragique de son histoire et soulignant qu’humour et ironie teinteront le récit. On prend le spectateur par la main pour l’emmener là où il se serait tout à fait rendu par lui-même après quelques répliques et quelques gestes bien agencés.
Maryse Warda semble avoir fait du texte de Margaret Edson, gagnant d’un prix Pulitzer en 1999, une traduction juste, mais il y a pourtant plusieurs passages qui achoppent. À commencer par les clichés qu’alignent les personnages sur les étudiants sans rigueur, les séminaires de maîtrise, les angoissants examens et le monde universitaire en général.
Les personnages eux-mêmes semblent souvent être en deux dimensions, une façade et une face cachée, qu’on nous montre en alternance jusqu’à ce que l’illusion d’une troisième dimension surgisse. L’infirmière tatouée et peu instruite (Marie-Josée Bastien) se révèle être combative et compatissante, alors que le jeune interne insensible et arrogant (Simon Lepage) montrera un instant sa finesse d’esprit en parlant de poésie. La brusquerie de ses interventions et de ses commentaires à la mourante est toutefois si appuyée qu’ils en deviennent peu crédibles.
Un peu d’humanité finit bien par percer dans le cirque de sarraus qui nous est montré. Le jeu de Lorraine Côté, très réaliste dans les dernières scènes, arrive à nous tirer quelques larmes, mais l’émotion a à peine le temps d’émerger qu’elle est mise K.O. par une blague ou un commentaire éditorial de la principale intéressée. On ne sait pas trop s’il faut en imputer la faute au rythme de jeu ou au manque de contraste entre les deux niveaux narratifs.
La scénographie est faite d’un écran en fond de scène, d’un écran incliné au-dessus de l’aire de jeu et de quelques meubles. Des mots du poète métaphysique John Donne, auteur de prédilection de l’enseignante, apparaissent sur les écrans dans une police ronde et joyeuse qui ne cadre pas avec les vers et le rendu désuet de l’image finale, une silhouette blanche s’éloignant dans un ciel de virgules, nous fait presque oublier les autres segments vidéos plus pertinents où les dessins se gangrènent de taches sombres à mesure que progresse le mal.
Plusieurs passages sont heureusement très bien réussis. Les apparitions de Paule Savard, qui interprète la mentor de Vivian, sont lumineuses. Lorsqu’elle nous explique le point virgule du titre, cette marque de ponctuation défectueuse dans un poème où la vie et la mort ne devraient être séparées que par une virgule, et lorsqu’elle savoure avec émerveillement les mots d’un livre pour enfant, on saisit tout le potentiel de rapprochement entre littérature et condition humaine.
Texte de Magaret Edson. Traduction de Maryse Warda. Mise en scène de Michel Nadeau. Une production du Théâtre Niveau Parking et du Théâtre de la Bordée. Au Théâtre de la Bordée jusqu’au 28 mars.
La mort, l’acharnement médical, la thérapie, les palliatifs, les dépendances et les manques composent depuis longtemps le carré de fouilles du Théâtre Niveau Parking. La compagnie de Québec livre avec W;t un nouveau volet de son exploration existentielle et métaphysique, au sujet émouvant mais à la forme un peu désuète.
Vivian Bearing, une éminente professeure de poésie anglaise du 17e siècle, est en phase terminale d’un cancer des ovaires et nous présente, à la manière d’un cours magistral chargé de détails mais surtout d’ironie, ses derniers mois de vie. Elle se fait un devoir de livrer cette ultime analyse de la manière la plus rigoureuse possible, comme pour mettre un épais vernis d’érudition sur l’agonie d’une femme seule, dont l’enthousiasme d’antan a été étouffé par la vie universitaire.
Elle se présente un peu comme un personnage en quête d’auteur, s’adressant directement au public pour confier qu’elle n’aurait pas écrit la pièce sur sa vie comme ceci ou comme cela, révélant d’entrée de jeu l’issue tragique de son histoire et soulignant qu’humour et ironie teinteront le récit. On prend le spectateur par la main pour l’emmener là où il se serait tout à fait rendu par lui-même après quelques répliques et quelques gestes bien agencés.
Maryse Warda semble avoir fait du texte de Margaret Edson, gagnant d’un prix Pulitzer en 1999, une traduction juste, mais il y a pourtant plusieurs passages qui achoppent. À commencer par les clichés qu’alignent les personnages sur les étudiants sans rigueur, les séminaires de maîtrise, les angoissants examens et le monde universitaire en général.
Les personnages eux-mêmes semblent souvent être en deux dimensions, une façade et une face cachée, qu’on nous montre en alternance jusqu’à ce que l’illusion d’une troisième dimension surgisse. L’infirmière tatouée et peu instruite (Marie-Josée Bastien) se révèle être combative et compatissante, alors que le jeune interne insensible et arrogant (Simon Lepage) montrera un instant sa finesse d’esprit en parlant de poésie. La brusquerie de ses interventions et de ses commentaires à la mourante est toutefois si appuyée qu’ils en deviennent peu crédibles.
Un peu d’humanité finit bien par percer dans le cirque de sarraus qui nous est montré. Le jeu de Lorraine Côté, très réaliste dans les dernières scènes, arrive à nous tirer quelques larmes, mais l’émotion a à peine le temps d’émerger qu’elle est mise K.O. par une blague ou un commentaire éditorial de la principale intéressée. On ne sait pas trop s’il faut en imputer la faute au rythme de jeu ou au manque de contraste entre les deux niveaux narratifs.
La scénographie est faite d’un écran en fond de scène, d’un écran incliné au-dessus de l’aire de jeu et de quelques meubles. Des mots du poète métaphysique John Donne, auteur de prédilection de l’enseignante, apparaissent sur les écrans dans une police ronde et joyeuse qui ne cadre pas avec les vers et le rendu désuet de l’image finale, une silhouette blanche s’éloignant dans un ciel de virgules, nous fait presque oublier les autres segments vidéos plus pertinents où les dessins se gangrènent de taches sombres à mesure que progresse le mal.
Plusieurs passages sont heureusement très bien réussis. Les apparitions de Paule Savard, qui interprète la mentor de Vivian, sont lumineuses. Lorsqu’elle nous explique le point virgule du titre, cette marque de ponctuation défectueuse dans un poème où la vie et la mort ne devraient être séparées que par une virgule, et lorsqu’elle savoure avec émerveillement les mots d’un livre pour enfant, on saisit tout le potentiel de rapprochement entre littérature et condition humaine.
W;t
Texte de Magaret Edson. Traduction de Maryse Warda. Mise en scène de Michel Nadeau. Une production du Théâtre Niveau Parking et du Théâtre de la Bordée. Au Théâtre de la Bordée jusqu’au 28 mars.