Steven Michel, collaborateur du chorégraphe belge Jan Martens depuis 2012, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Nous avons pu voir le danseur français dans Sweat Baby Sweat à l’Usine C en 2013 et on pourra le revoir très bientôt dans The Dog Days Are Over, à l’Usine C du 15 au 17 octobre 2015 et au Centre national des Arts à Ottawa du 22 au 24 octobre 2015.
Pourriez-vous me donner une idée de votre parcours professionnel ?
Je suis né en 1986 à Saint-Marcellin, dans les alpes françaises, et j’habite actuellement à Bruxelles. À l’âge de 4 ans, j’intègre une troupe de music-hall : on y pratique le mime, la danse, les claquettes et le cirque. Dès 6 ans, je commence des études de percussion (batterie) au Conservatoire de musique à Romans, puis, le baccalauréat en poche, je pars pour Paris. J’y poursuis mes études en danse et intègre la compagnie de Bruce Taylor. En 2006, j’entre dans l’école de danse P.A.R.T.S., dirigée par Anne Teresa de Keersmaeker, à Bruxelles, et j’en sors diplômé en 2010.
Je rencontre Jan Martens lors d’une audition à Amsterdam pour sa prochaine création, et Sweat Baby Sweat a sa première en 2012. Suivront Victor, en collaboration avec Peter Seynaeve (2013), et The Dog Days Are Over (2014). En parallèle, j’ai aussi travaillé avec d’autres chorégraphes et metteurs en scène, dont David Zambrano, Daniel Linehan, Maud Le Pladec, Anouk Van Dijk et Falk Richter. En 2014, je commence une recherche personnelle sur l’audio-vision, la musique visuelle et la manière dont l’âge digital modifie notre présence et notre perception de soi et du monde. Je travaille en ce moment sur la création de mon solo They Might Be Giants, qui aura sa première belge en février 2016 à CAMPO (Gent).
Comment s’est déroulée la création du duo Sweat Baby Sweat, avec Jan Martens et Kimmy Ligtvoet, votre partenaire ?
Ça a été un beau processus de rencontre artistique et humaine. Le thème de l’amour, qui est à l’origine de la pièce, nous a permis de dialoguer, de créer ensemble et d’apprendre à nous découvrir, en tant qu’artistes et individus. Jan était très précis dans ses indications qui menaient à des improvisations. Il y a eu une étroite collaboration entre nous trois. Nous avons créé beaucoup de matériel en peu de temps (la création a duré environ deux mois), puis, un jour, Jan est arrivé en répétition et nous a demandé de ralentir considérablement chaque mouvement.
Selon moi, la chorégraphie a alors trouvé toute sa profondeur, dans sa lenteur et sa structure répétitive. Une relation à deux suscite du plaisir, de la beauté et de la confiance, et elle exige du travail, de la sueur pour se maintenir. Cette construction s’entretient et prend du temps… jusqu’à la limite d’un possible qui nous glisse entre les doigts. À ce jour, nous en sommes à 75 représentations de Sweat Baby Sweat ! De mon point de vue, elles sont toutes différentes, car cette pièce est étroitement liée à notre situation personnelle et à notre état émotif du moment.
Qu’est-ce qui caractérise The Dog Days Are Over, pièce pour 8 danseurs que vous allez présenter à travers le monde au moins jusqu’en avril 2016 ?
Avec Sweat Baby Sweat, je pense que Jan savait sur quel thème créer, celui de l’amour et du couple, mais qu’il ne savait pas encore sous quelle forme cela allait se manifester. Avec The Dog Days Are Over, il est plutôt parti de la forme, le saut, ce qui explique l’impact de cette performance, qui relève d’une épreuve presque sportive, et soulève un questionnement chez le spectateur quant à sa présence dans l’espace même du théâtre. Les processus de création ont donc été très différents. Avec The Dog Days Are Over, on savait avant de commencer les répétitions qu’on allait sauter pendant environ une heure, alors il y avait dès le départ une certaine adrénaline et un entrain collectif. Comment allons-nous relever le challenge ? Est-ce même possible ?! Comment un individu peut-il se surpasser grâce à son milieu et à un certain esprit d’équipe ?
Jan a pris une direction très mathématique pour ce projet : chacun des performeurs avait une partition qu’il ou elle devait mémoriser afin de former un ensemble géométrique dans l’espace. Pendant toute la durée de la pièce, nous comptons dans notre tête de manière à rester ensemble, partir de notre côté pour mieux réintégrer l’équipe. Sur scène, nous sommes comme des figures qui exécutent, en quête de perfection. Une transe qui mêle discipline et précision, pendant laquelle le masque tombe pour laisser enfin place à chaque individualité.
D’une manière ou d’une autre, Jan réussit à formuler et à faire sentir. Il y a dans son travail une certaine épreuve du mouvement et un épuisement de la forme qui rend sa signature singulière et radicale. Dans Sweat Baby Sweat, le côté acrobatique fait peu à peu place à une émotion très intérieure, et qui finalement ouvre sur une réflexion qui surpasse la chorégraphie. L’aspect monumental de la forme révèle une vulnérabilité humaine et qui touche. Avec The Dog Days Are Over, j’ai plus le sentiment de me préparer pour une grande épreuve sportive et collective, une sorte de marathon-rituel qui pourrait s’apparenter au film de Sydney Pollack They Shoot Horses, Don’t They?
Qu’est-ce que vous pensez de la danse au Québec et au Canada ?
Au Québec et au Canada, il y a bien sûr des artistes que j’apprécie et qui ont acquis une renommée internationale, tels que Marie Chouinard, Dave St-Pierre, Frédérick Gravel, Louise Lecavalier, sans oublier Benoît Lachambre, que j’aime particulièrement et dont j’aimerais connaître davantage le travail. J’ai entendu les noms de Catherine Gaudet, Adam Kinner et Daina Ashbee, que je voudrais bien rencontrer et découvrir. J’aime aussi la scène musicale du Québec et du Canada, tout particulièrement les Dear Criminals. Je trouve le travail de l’artiste visuelle Dominique Pétrin, que j’ai découvert récemment à Mons, en Belgique, fascinant. Ma situation personnelle fait que j’aimerais être plus présent au Québec dans le futur, trouver des résidences pour développer mon propre travail, faire des rencontres avec d’autres artistes, collaborer, échanger, influencer et être influencé, créer, en somme ouvrir des horizons et des espaces de jeux entre chorégraphes, scénographes, artistes visuels et musiciens.
The Dog Days are Over
Concept et chorégraphie : Jan Martens. Avec : Steven Michel, Kimmy Ligtvoet, Nelle Hens, Cherish Menzo, Julien Josse, Naomi Gibson, Piet Defrancq, Laura Vanborm et/ou Morgane Ribbens, Isle Ghekiere, Victor Dumont et Connor Schumacher. Une production de Jans & Ickamsterdam. À l’Usine C du 15 au 17 octobre 2015 et au Centre national des Arts à Ottawa du 22 au 24 octobre 2015. Jan Martens donnera un atelier ouvert aux artistes de toutes disciplines le 19 octobre, de 14h à 17h, au Studio 303. Inscription au 514 393-3771 ou info@studio303.ca.
Steven Michel, collaborateur du chorégraphe belge Jan Martens depuis 2012, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Nous avons pu voir le danseur français dans Sweat Baby Sweat à l’Usine C en 2013 et on pourra le revoir très bientôt dans The Dog Days Are Over, à l’Usine C du 15 au 17 octobre 2015 et au Centre national des Arts à Ottawa du 22 au 24 octobre 2015.
Pourriez-vous me donner une idée de votre parcours professionnel ?
Je suis né en 1986 à Saint-Marcellin, dans les alpes françaises, et j’habite actuellement à Bruxelles. À l’âge de 4 ans, j’intègre une troupe de music-hall : on y pratique le mime, la danse, les claquettes et le cirque. Dès 6 ans, je commence des études de percussion (batterie) au Conservatoire de musique à Romans, puis, le baccalauréat en poche, je pars pour Paris. J’y poursuis mes études en danse et intègre la compagnie de Bruce Taylor. En 2006, j’entre dans l’école de danse P.A.R.T.S., dirigée par Anne Teresa de Keersmaeker, à Bruxelles, et j’en sors diplômé en 2010.
Je rencontre Jan Martens lors d’une audition à Amsterdam pour sa prochaine création, et Sweat Baby Sweat a sa première en 2012. Suivront Victor, en collaboration avec Peter Seynaeve (2013), et The Dog Days Are Over (2014). En parallèle, j’ai aussi travaillé avec d’autres chorégraphes et metteurs en scène, dont David Zambrano, Daniel Linehan, Maud Le Pladec, Anouk Van Dijk et Falk Richter. En 2014, je commence une recherche personnelle sur l’audio-vision, la musique visuelle et la manière dont l’âge digital modifie notre présence et notre perception de soi et du monde. Je travaille en ce moment sur la création de mon solo They Might Be Giants, qui aura sa première belge en février 2016 à CAMPO (Gent).
Comment s’est déroulée la création du duo Sweat Baby Sweat, avec Jan Martens et Kimmy Ligtvoet, votre partenaire ?
Ça a été un beau processus de rencontre artistique et humaine. Le thème de l’amour, qui est à l’origine de la pièce, nous a permis de dialoguer, de créer ensemble et d’apprendre à nous découvrir, en tant qu’artistes et individus. Jan était très précis dans ses indications qui menaient à des improvisations. Il y a eu une étroite collaboration entre nous trois. Nous avons créé beaucoup de matériel en peu de temps (la création a duré environ deux mois), puis, un jour, Jan est arrivé en répétition et nous a demandé de ralentir considérablement chaque mouvement.
Selon moi, la chorégraphie a alors trouvé toute sa profondeur, dans sa lenteur et sa structure répétitive. Une relation à deux suscite du plaisir, de la beauté et de la confiance, et elle exige du travail, de la sueur pour se maintenir. Cette construction s’entretient et prend du temps… jusqu’à la limite d’un possible qui nous glisse entre les doigts. À ce jour, nous en sommes à 75 représentations de Sweat Baby Sweat ! De mon point de vue, elles sont toutes différentes, car cette pièce est étroitement liée à notre situation personnelle et à notre état émotif du moment.
Qu’est-ce qui caractérise The Dog Days Are Over, pièce pour 8 danseurs que vous allez présenter à travers le monde au moins jusqu’en avril 2016 ?
Avec Sweat Baby Sweat, je pense que Jan savait sur quel thème créer, celui de l’amour et du couple, mais qu’il ne savait pas encore sous quelle forme cela allait se manifester. Avec The Dog Days Are Over, il est plutôt parti de la forme, le saut, ce qui explique l’impact de cette performance, qui relève d’une épreuve presque sportive, et soulève un questionnement chez le spectateur quant à sa présence dans l’espace même du théâtre. Les processus de création ont donc été très différents. Avec The Dog Days Are Over, on savait avant de commencer les répétitions qu’on allait sauter pendant environ une heure, alors il y avait dès le départ une certaine adrénaline et un entrain collectif. Comment allons-nous relever le challenge ? Est-ce même possible ?! Comment un individu peut-il se surpasser grâce à son milieu et à un certain esprit d’équipe ?
Jan a pris une direction très mathématique pour ce projet : chacun des performeurs avait une partition qu’il ou elle devait mémoriser afin de former un ensemble géométrique dans l’espace. Pendant toute la durée de la pièce, nous comptons dans notre tête de manière à rester ensemble, partir de notre côté pour mieux réintégrer l’équipe. Sur scène, nous sommes comme des figures qui exécutent, en quête de perfection. Une transe qui mêle discipline et précision, pendant laquelle le masque tombe pour laisser enfin place à chaque individualité.
D’une manière ou d’une autre, Jan réussit à formuler et à faire sentir. Il y a dans son travail une certaine épreuve du mouvement et un épuisement de la forme qui rend sa signature singulière et radicale. Dans Sweat Baby Sweat, le côté acrobatique fait peu à peu place à une émotion très intérieure, et qui finalement ouvre sur une réflexion qui surpasse la chorégraphie. L’aspect monumental de la forme révèle une vulnérabilité humaine et qui touche. Avec The Dog Days Are Over, j’ai plus le sentiment de me préparer pour une grande épreuve sportive et collective, une sorte de marathon-rituel qui pourrait s’apparenter au film de Sydney Pollack They Shoot Horses, Don’t They?
Qu’est-ce que vous pensez de la danse au Québec et au Canada ?
Au Québec et au Canada, il y a bien sûr des artistes que j’apprécie et qui ont acquis une renommée internationale, tels que Marie Chouinard, Dave St-Pierre, Frédérick Gravel, Louise Lecavalier, sans oublier Benoît Lachambre, que j’aime particulièrement et dont j’aimerais connaître davantage le travail. J’ai entendu les noms de Catherine Gaudet, Adam Kinner et Daina Ashbee, que je voudrais bien rencontrer et découvrir. J’aime aussi la scène musicale du Québec et du Canada, tout particulièrement les Dear Criminals. Je trouve le travail de l’artiste visuelle Dominique Pétrin, que j’ai découvert récemment à Mons, en Belgique, fascinant. Ma situation personnelle fait que j’aimerais être plus présent au Québec dans le futur, trouver des résidences pour développer mon propre travail, faire des rencontres avec d’autres artistes, collaborer, échanger, influencer et être influencé, créer, en somme ouvrir des horizons et des espaces de jeux entre chorégraphes, scénographes, artistes visuels et musiciens.
The Dog Days are Over
Concept et chorégraphie : Jan Martens. Avec : Steven Michel, Kimmy Ligtvoet, Nelle Hens, Cherish Menzo, Julien Josse, Naomi Gibson, Piet Defrancq, Laura Vanborm et/ou Morgane Ribbens, Isle Ghekiere, Victor Dumont et Connor Schumacher. Une production de Jans & Ickamsterdam. À l’Usine C du 15 au 17 octobre 2015 et au Centre national des Arts à Ottawa du 22 au 24 octobre 2015. Jan Martens donnera un atelier ouvert aux artistes de toutes disciplines le 19 octobre, de 14h à 17h, au Studio 303. Inscription au 514 393-3771 ou info@studio303.ca.