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L’Arrière Scène : théâtre de jouvence

© Yann Canno

Il y a 40 ans cette année, Serge Marois créait la compagnie de théâtre jeune public L’Arrière Scène. Établie à Belœil, celle-ci œuvre autant à titre de productrice que de diffuseur.

Pourquoi avoir décidé de se consacrer uniquement à cet auditoire? « En 1976, relate Serge Marois, non seulement je venais d’avoir un bébé, mais il y avait aussi un mouvement social voulant que l’enfant soit un être à part entière et ait une place bien à lui dans la société. J’avais envie d’y participer à travers l’art. Qui plus est, le soutien de l’État pour le théâtre jeune public se mettait en place, ce qui n’existait pas auparavant. » Une conjoncture des plus favorables à ce que Marois devienne l’un des pionniers du théâtre jeunesse au Québec.

Celui qui avait d’abord été tenté par la danse et par les arts visuels y a d’ailleurs trouvé son compte, puisqu’il s’y sent à l’aise, en tant qu’auteur et metteur en scène, de créer des œuvres affichant un caractère plutôt abstrait, où la scénographie et le mouvement occupent une place prépondérante. Car ce qui caractérise le jeune spectateur, aux yeux de Serge Marois, c’est son imagination et son absence de préjugés : « En tant que créateur, j’avoue que j’ai toujours été porté vers l’expérimentation. Je privilégie des formes un peu éclatées, des histoires plus impressionnistes que narratives. Les enfants sont ouverts à ça. Si les adolescents sont dans le monde du réel et veulent que tout soit concret, les plus petits, eux, ont une pensée plus fantaisiste. »

L’Arrière Scène a aussi osé aborder des sujets graves. « En 2000, j’ai été le premier, se réclame Marois, à monter un spectacle sur la mort destiné au jeune public : Pacamambo, un texte de Wajdi Mouawad. Ce n’était pas évident à l’époque. Je me souviens avoir dit à mon équipe : “On va le jouer une dizaine de fois ce spectacle-là et ça va être tout, mais c’est trop beau… il faut le faire!” Cette production a tourné pendant 10 ans. »

© Robert Etcheverry

 

Un nouvel allié

Après avoir assumé pendant trois ans les fonctions d’adjoint à la direction artistique de la compagnie, le comédien, auteur et metteur en scène Simon Boulerice y occupera dès l’an prochain le poste de codirecteur artistique. « Être producteur et diffuseur, c’est beaucoup de boulot, confie Serge Marois. On accueille huit à neuf spectacles par saison, en plus de la production et de la diffusion de nos propres spectacles: c’est essoufflant. J’aimerais en prendre moins sur mes épaules. Or les gens de la génération de Simon ne veulent pas se consacrer à une seule chose toute leur vie comme je l’ai fait avec ma compagnie de théâtre jeune public. Ils ont envie de faire plein de choses, et Simon aussi. Il veut écrire des romans, du théâtre pour adultes, etc. Qu’on se partage la tâche, lui et moi, me semble gagnant. J’ai envie de continuer à créer. Écrire et mettre en scène, on peut faire ça longtemps! »

Pourquoi Serge Marois a-t-il jeté son dévolu sur Simon Boulerice? « Tout ce dont Simon parle tourne autour du thème de la différence. La langue qu’il utilise, qui mêle humour et gravité, est extraordinaire. Ce type de contenu touche les jeunes et Simon sait les surprendre par son écriture. Ses personnages ont toujours des personnalités spéciales qui à la fois font rire et émeuvent. » Il y a fort à parier que ce soit le cas d’Edgar Paillettes, héros du spectacle éponyme présenté dès le 19 novembre à l’Arrière Scène. Le protagoniste imaginé par Boulerice aime se déguiser et parler en vers, tandis que son frère commence à se lasser d’évoluer dans l’ombre de son exubérance.

Il s’agira certainement d’une des créations phares de cette quarantième programmation amorcée par le magnifique spectacle d’ombres Le Ciel des ours, venu d’Italie. Quant aux saisons passées, une exposition de photographies extérieure les fera revivre et enjolivera la ville de Belœil de la mi-mars à la mi-juin. L’Arrière-Scène et son fondateur espèrent néanmoins un autre cadeau d’anniversaire: un nouveau lieu de création et de diffusion qui remplacerait les locaux exigus et à peine adéquats qu’ils partagent avec une autre compagnie théâtrale, dans le centre culturel municipal. « La ville est prête à nous accorder un bail emphytéotique de 30 ans sur un bâtiment désuet et voué à être démoli à condition qu’on aille chercher les fonds pour le reconstruire ou le rénover. On a donc déposé une demande de subvention aux Ministères de la Culture et du Patrimoine. On attend l’accord de principe et on se croise les doigts. »  Parions que bien des familles montérégiennes font de même…