Le deuxième texte de Catherine Chabot, Dans le champ amoureux, confirme ce qu’on avait constaté en 2015 dans Table rase : cette fine dialoguiste et observatrice lucide des rapports humains va s’imposer comme l’une des voix majeures du théâtre québécois des années 2010 et comme une virtuose de l’hyperréalisme. Dans cette nouvelle pièce qu’elle interprète avec Francis-William Rhéaume et Fayolle Junior Jean, elle expose crûment un couple au bord du précipice.
Plaisir du verbe. Au-delà de sa capacité à dessiner en quelques répliques des personnages riches et nuancés, aussi émotivement qu’intellectuellement complexes, Catherine Chabot est naturellement habile à restituer les circonvolutions du langage, à inventer une langue riche en sous-textes et à s’amuser avec toutes les couches du dialogue et de l’intimité. Dans un naturalisme criant, dans une scène de chambre à coucher où la haine et l’amour vont continuellement s’alterner, elle déploie une discussion orageuse entre un homme et une femme qui ne savent plus s’aimer. Le plus récent texte contemporain ayant si bien su capter cet inéluctable mouvement d’amour-haine est probablement le brillant Clôture de l’amour, de Pascal Rambert, avec lequel Dans le champ amoureux se compare très avantageusement.
De Barthes à GND
Mais il y a bien davantage. Ce qui fait l’intelligence des dialogues de Catherine Chabot est sa manière d’inscrire le conflit intime dans un vaste écrin philosophique et social. Discutant infidélités et jalousies, le couple, interprété par l’auteure (aussi épatante comédienne) et par le très solide Francis-William Rhéaume, interroge le sentiment amoureux en empruntant tout naturellement des concepts à Roland Barthes. Cherchant dans leur propre histoire les raisons de leur dérive, ils touchent naturellement au social, entrevoyant leur couple à la lumière des mouvements sociaux et des enjeux touchant leur génération. Ils raconteront par exemple le militantisme du Printemps érable et la désillusion qui a suivi. Car au sein de ce couple bien en verve, la conscience sociale semble s’être effritée au même rythme que la passion charnelle.
La pièce arrive à tisser toutes ces toiles, incluant une intrigue secondaire avec un ex-amoureux, de la manière la plus organique et la plus authentique qui soit, d’une main experte, mais absolument sans prétention et sans complaisance. Chabot saupoudre également des touches d’ironie et de vulgarité, pour ajouter à cet hyperréalisme dans lequel le noble côtoie naturellement le trivial.
Recourant aux services de Frédéric Blanchette à la mise en scène, la compagnie Corrida ne se trompe pas. Maniant depuis ses débuts des écritures réalistes explosives, qu’elles soient américaines, britanniques ou québécoises, le metteur en scène a ici particulièrement réussi à diriger ses acteurs sur la fine ligne entre la vitalité intellectuelle et la ferveur physique, sur la mince frontière entre le verbe et la chair. Les dialogues de Catherine Chabot, à la fois intellos et viscéraux, y trouvent leur pleine incarnation.
Texte : Catherine Chabot. Mise en scène : Frédéric Blanchette. Conseiller en dramaturgie : Guillaume Corbeil. Décors et costumes : Estelle Charron. Éclairages : Julie Basse. Avec Catherine Chabot, Francis-William Rhéaume et Fayolle Junior Jean. Une production de Corrida. À Espace Libre jusqu’au 25 novembre 2017, puis du 25 septembre au 6 octobre 2018.
Le deuxième texte de Catherine Chabot, Dans le champ amoureux, confirme ce qu’on avait constaté en 2015 dans Table rase : cette fine dialoguiste et observatrice lucide des rapports humains va s’imposer comme l’une des voix majeures du théâtre québécois des années 2010 et comme une virtuose de l’hyperréalisme. Dans cette nouvelle pièce qu’elle interprète avec Francis-William Rhéaume et Fayolle Junior Jean, elle expose crûment un couple au bord du précipice.
Plaisir du verbe. Au-delà de sa capacité à dessiner en quelques répliques des personnages riches et nuancés, aussi émotivement qu’intellectuellement complexes, Catherine Chabot est naturellement habile à restituer les circonvolutions du langage, à inventer une langue riche en sous-textes et à s’amuser avec toutes les couches du dialogue et de l’intimité. Dans un naturalisme criant, dans une scène de chambre à coucher où la haine et l’amour vont continuellement s’alterner, elle déploie une discussion orageuse entre un homme et une femme qui ne savent plus s’aimer. Le plus récent texte contemporain ayant si bien su capter cet inéluctable mouvement d’amour-haine est probablement le brillant Clôture de l’amour, de Pascal Rambert, avec lequel Dans le champ amoureux se compare très avantageusement.
De Barthes à GND
Mais il y a bien davantage. Ce qui fait l’intelligence des dialogues de Catherine Chabot est sa manière d’inscrire le conflit intime dans un vaste écrin philosophique et social. Discutant infidélités et jalousies, le couple, interprété par l’auteure (aussi épatante comédienne) et par le très solide Francis-William Rhéaume, interroge le sentiment amoureux en empruntant tout naturellement des concepts à Roland Barthes. Cherchant dans leur propre histoire les raisons de leur dérive, ils touchent naturellement au social, entrevoyant leur couple à la lumière des mouvements sociaux et des enjeux touchant leur génération. Ils raconteront par exemple le militantisme du Printemps érable et la désillusion qui a suivi. Car au sein de ce couple bien en verve, la conscience sociale semble s’être effritée au même rythme que la passion charnelle.
La pièce arrive à tisser toutes ces toiles, incluant une intrigue secondaire avec un ex-amoureux, de la manière la plus organique et la plus authentique qui soit, d’une main experte, mais absolument sans prétention et sans complaisance. Chabot saupoudre également des touches d’ironie et de vulgarité, pour ajouter à cet hyperréalisme dans lequel le noble côtoie naturellement le trivial.
Recourant aux services de Frédéric Blanchette à la mise en scène, la compagnie Corrida ne se trompe pas. Maniant depuis ses débuts des écritures réalistes explosives, qu’elles soient américaines, britanniques ou québécoises, le metteur en scène a ici particulièrement réussi à diriger ses acteurs sur la fine ligne entre la vitalité intellectuelle et la ferveur physique, sur la mince frontière entre le verbe et la chair. Les dialogues de Catherine Chabot, à la fois intellos et viscéraux, y trouvent leur pleine incarnation.
Dans le champ amoureux
Texte : Catherine Chabot. Mise en scène : Frédéric Blanchette. Conseiller en dramaturgie : Guillaume Corbeil. Décors et costumes : Estelle Charron. Éclairages : Julie Basse. Avec Catherine Chabot, Francis-William Rhéaume et Fayolle Junior Jean. Une production de Corrida. À Espace Libre jusqu’au 25 novembre 2017, puis du 25 septembre au 6 octobre 2018.