En cette période de pandémie, le Théâtre La Bordée a misé sur la captation vidéo et la retransmission sur le web pour présenter la pièce Le Gars de Québec de Michel Tremblay, mise en scène par Michel Nadeau. Un palliatif semi-satisfaisant, mais pas tant à cause de son caractère numérique qu’à cause des faiblesses du texte qui nous est proposé. Muni·es d’un code d’accès valide pour 24 heures, les (télé)spectateurs et (télé)spectatrices sont invité·es à choisir un moment privilégié pour regarder le spectacle. Ceux et celles qui disposent d’une connexion entre leur appareil mobile et leur téléviseur peuvent même le visionner sur grand écran, dans le plein confort de leur cinéma maison.
Il fallait tout de même du cran pour oser une mise en scène avec 11 comédien·nes, dans le contexte actuel, sans savoir si la pièce pourrait être présentée devant public. Michel Nadeau s’est bien amusé à chorégraphier des déplacements où les interprètes gardent leurs distances ou se passent des objets en faisant toutes sortes de simagrées. Ces contorsions (un pot-de-vin sera, par exemple, désinfecté et placé dans un sac de plastique refermable avant de changer de main) ajoutent un second degré parfois rigolo à une intrigue qui, sinon, comporte peu de surprises.
En 1952, dans la petite ville fictive de Sainte-Rose-de-Lima, dans Charlevoix, un maire despote et corrompu, entouré de notables tout aussi crapuleux, apprend qu’un inspecteur envoyé par Maurice Duplessis doit venir mettre son nez dans ses affaires pas nettes. À grand renfort de hauts cris, les membres de ce boys club, convaincus que la source de leur futur malheur est l’homme qui loge à l’unique hôtel du coin (mais qui n’est en fait qu’un ex-fonctionnaire sans le sou), se mettent à lui offrir argent, logis et fille à marier dans l’espoir de l’amadouer.
On comprend assez rapidement pourquoi la satire politique signée Tremblay, inspirée du Révizor de Nicolas Gogol, n’a pas été sortie plus souvent des boules à mites. Le portrait manque cruellement de finesse, tant dans les dialogues que dans les ressorts dramatiques dignes d’un téléroman de fin d’après-midi — en moins cocasses.
Cela dit, l’habillage musical qui mélange rock’n’roll et accents du terroir, les costumes bigarrés (et poilus) à souhait, le jeu presque clownesque et le rythme endiablé de certaines scènes de groupe sauvent un peu la mise.
Le prologue détaillant les évènements marquants de l’année 1952 au son des pieds qui giguent et les moments de transitions où Madame Bouchard (Ariel Charest) dirige une chorale aux harmonies chevrotantes sont drôlement efficaces. Pierre-Yves Charbonneau campe bien le maire Petit (même si on se lasse des crisettes du personnage) et Olivier Normand donne un caractère acrobatique, voire dansant, à son « gars de Québec », mais on retiendra surtout la drôlerie d’Emmanuel Bédard en inspecteur scolaire illettré, de Nicolas Létourneau en chef de police, de Guillaume Pépin en postier ainsi que d’Israël Gamache et de Maxime Robin en « vieux-garçons » désireux de participer aux intrigues municipales. Il était bien difficile pour Érika Gagnon de paraître crédible en mairesse qui « perle » et en mère qui voit sa fille comme une rivale dans ses fantasmes extra-conjugaux, mais la séquence de quiproquo amoureux (et douteux) en fin de course aurait peut-être gagné en intérêt si elle avait eu plus de rythme.
Au final, la pièce de près de deux heures, si elle comporte de belles trouvailles de mise en scène et des moments de jeu qui valent le détour, n’arrive pas à se libérer du boulet d’un texte qui fait de la politique municipale un grand cirque ordinaire.
Le Gars de Québec
Texte : Michel Tremblay. Mise en scène : Michel Nadeau. Décor : Vanessa Cadrin. Costumes : Virginie Leclerc. Musique originale : Stéphane Caron. Lumières : Jean-François Labbé. Avec Pierre-Yves Charbonneau, Érika Gagnon, Joëlle Bourdon, Olivier Normand, Emmanuel Bédard, Nicolas Létourneau, Paul Frutos de Laclos, Guillaume Pépin, Israël Gamache, Maxime Robin et Ariel Charest. Une production de La Bordée présentée jusqu’au 28 novembre 2020.
En cette période de pandémie, le Théâtre La Bordée a misé sur la captation vidéo et la retransmission sur le web pour présenter la pièce Le Gars de Québec de Michel Tremblay, mise en scène par Michel Nadeau. Un palliatif semi-satisfaisant, mais pas tant à cause de son caractère numérique qu’à cause des faiblesses du texte qui nous est proposé. Muni·es d’un code d’accès valide pour 24 heures, les (télé)spectateurs et (télé)spectatrices sont invité·es à choisir un moment privilégié pour regarder le spectacle. Ceux et celles qui disposent d’une connexion entre leur appareil mobile et leur téléviseur peuvent même le visionner sur grand écran, dans le plein confort de leur cinéma maison.
Il fallait tout de même du cran pour oser une mise en scène avec 11 comédien·nes, dans le contexte actuel, sans savoir si la pièce pourrait être présentée devant public. Michel Nadeau s’est bien amusé à chorégraphier des déplacements où les interprètes gardent leurs distances ou se passent des objets en faisant toutes sortes de simagrées. Ces contorsions (un pot-de-vin sera, par exemple, désinfecté et placé dans un sac de plastique refermable avant de changer de main) ajoutent un second degré parfois rigolo à une intrigue qui, sinon, comporte peu de surprises.
En 1952, dans la petite ville fictive de Sainte-Rose-de-Lima, dans Charlevoix, un maire despote et corrompu, entouré de notables tout aussi crapuleux, apprend qu’un inspecteur envoyé par Maurice Duplessis doit venir mettre son nez dans ses affaires pas nettes. À grand renfort de hauts cris, les membres de ce boys club, convaincus que la source de leur futur malheur est l’homme qui loge à l’unique hôtel du coin (mais qui n’est en fait qu’un ex-fonctionnaire sans le sou), se mettent à lui offrir argent, logis et fille à marier dans l’espoir de l’amadouer.
On comprend assez rapidement pourquoi la satire politique signée Tremblay, inspirée du Révizor de Nicolas Gogol, n’a pas été sortie plus souvent des boules à mites. Le portrait manque cruellement de finesse, tant dans les dialogues que dans les ressorts dramatiques dignes d’un téléroman de fin d’après-midi — en moins cocasses.
Cela dit, l’habillage musical qui mélange rock’n’roll et accents du terroir, les costumes bigarrés (et poilus) à souhait, le jeu presque clownesque et le rythme endiablé de certaines scènes de groupe sauvent un peu la mise.
Le prologue détaillant les évènements marquants de l’année 1952 au son des pieds qui giguent et les moments de transitions où Madame Bouchard (Ariel Charest) dirige une chorale aux harmonies chevrotantes sont drôlement efficaces. Pierre-Yves Charbonneau campe bien le maire Petit (même si on se lasse des crisettes du personnage) et Olivier Normand donne un caractère acrobatique, voire dansant, à son « gars de Québec », mais on retiendra surtout la drôlerie d’Emmanuel Bédard en inspecteur scolaire illettré, de Nicolas Létourneau en chef de police, de Guillaume Pépin en postier ainsi que d’Israël Gamache et de Maxime Robin en « vieux-garçons » désireux de participer aux intrigues municipales. Il était bien difficile pour Érika Gagnon de paraître crédible en mairesse qui « perle » et en mère qui voit sa fille comme une rivale dans ses fantasmes extra-conjugaux, mais la séquence de quiproquo amoureux (et douteux) en fin de course aurait peut-être gagné en intérêt si elle avait eu plus de rythme.
Au final, la pièce de près de deux heures, si elle comporte de belles trouvailles de mise en scène et des moments de jeu qui valent le détour, n’arrive pas à se libérer du boulet d’un texte qui fait de la politique municipale un grand cirque ordinaire.
Le Gars de Québec
Texte : Michel Tremblay. Mise en scène : Michel Nadeau. Décor : Vanessa Cadrin. Costumes : Virginie Leclerc. Musique originale : Stéphane Caron. Lumières : Jean-François Labbé. Avec Pierre-Yves Charbonneau, Érika Gagnon, Joëlle Bourdon, Olivier Normand, Emmanuel Bédard, Nicolas Létourneau, Paul Frutos de Laclos, Guillaume Pépin, Israël Gamache, Maxime Robin et Ariel Charest. Une production de La Bordée présentée jusqu’au 28 novembre 2020.