Le sujet du posthumanisme s’avère aussi large et profond que ce dont il est question au premier chef, soit l’être humain. Celui de demain, qui viendra après, toujours plus loin. Dominique Leclerc avait entrepris d’analyser le sujet brillamment avec sa pièce Posthumains; elle aborde d’autres angles d’étude dans I/O (Input/Output en anglais, E/O ou entrée/sortie en français, c’est-à-dire les opérations de transfert de données à partir d’un ordinateur) avec un regard toujours curieux, tantôt amusé, tantôt préoccupé.
La dramaturge-comédienne-cometteuse en scène – avec Olivier Kemeid – s’exécute en scrutant la mort en face. En privilégiant une approche documentaire et performative éprouvée, elle prépare une archive numérique pour quand elle n’y sera plus. Dans cette capsule, destinée aux humain·es du futur, son personnage scénique expose divers objets obsolètes ou en voie de l’être : une visionneuse view-master, un vieil ordinateur portatif, une poupée qui parle, des disques vinyle, une vidéo d’Astroboy, etc.
Elle raconte la relation qu’elle a entretenue avec chacun de ces artefacts tout en se demandant si la présente génération sera la dernière issue de la génétique du hasard. Comme les technologies le promettent déjà, l’humain·e de demain pourrait en effet être façonné·e et créé·e génétiquement presque sans faille, peut-être immortel·le. Des projections d’entrevues menées auprès de spécialistes s’intercalent dans le récit, qui aborde aussi les derniers mois de vie du père de Dominique Leclerc.
Celle-ci approfondit donc les enjeux philosophiques et éthiques de « l’amélioration » de l’être humain jusqu’à son perfectionnement qui mènerait à une sélection pas naturelle du tout. Cette éventualité fait dire à un journaliste interviewé qu’il n’est pas grave de détruire la planète et les êtres vivants puisqu’on pourra les recréer ad nauseam en laboratoire.
Esprit ludique
Grâce à son esprit ludique, Dominique Leclerc évite toutefois les préjugés et les discours abscons en mettant l’accent davantage sur les émotions. Celles procurées par les retours vers les artefacts du passé et, surtout, celles de sa vie de famille et celles de son père, soudeur de métier, homme peu bavard avec lequel elle a pu reprendre contact quelques mois avant sa mort. La scène où elle lave une chemise du disparu est particulièrement touchante.
L’humour reste présent d’un bout à l’autre de la pièce afin de donner du rythme au propos tout en faisant en sorte que le sérieux de la réflexion ne vienne pas noyer l’aspect profondément humain de la proposition. L’apport silencieux du partenaire de création Patrice Charbonneau-Brunelle et du vidéaste Jérémie Battaglia agit dans le même sens. Une scène dansée hilarante traitant des chirurgies esthétiques de Madonna en est le meilleur exemple.
Autobiographie, documentaire et fiction s’entremêlent ici avec aisance dans une construction fragmentée, mais logique. Dominique Leclerc prouve également qu’on peut créer un spectacle « technologique » en comptant sur des moyens, somme toute, modestes : vidéo en direct ou enregistrée, cierge magique, défroisseur à vapeur…
En quelque sorte, I/O réussit la quadrature du cercle : provoquer, informer, divertir et émouvoir. La pièce démontre que le sujet est totalement maîtrisé par Dominique Leclerc et son équipe, et confirme la nécessité de réfléchir, sans s’angoisser, à ce que la vie sera après la vie, après notre vie. Avec une question fondamentale en tête : que restera-t-il de nous ?
Texte et interprétation : Dominique Leclerc. Mise en scène : Dominique Leclerc et Olivier Kemeid. Partenaire de création, scénographie et interprétation : Patrice Charbonneau-Brunelle. Vidéo et interprétation : Jérémie Battaglia. Assistance à la mise en scène et régie générale : Anne-Sara Gendron. Dramaturgie : Émilie Martz-Kuhn. Costumes : Leïlah Dufour Forget. Éclairages : Marie-Aube St-Amant Duplessis. Conception sonore : Andréa Marsolais-Roy. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt. Traduction des verbatims : David Laurin. Collaboration au mouvement : Marilyn Daoust. Assistance à la scénographie : Ximena Pinilla. Régie vidéo : Zachary Noël-Ferland. Intégration vidéo : Pierre Laniel. Direction de production : Gwenaëlle L’Heureux-Devinat. Direction technique de création : Simon Cloutier. Direction technique en salle : Guillaume Lafontaine-Moisan. Une coproduction du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et de Posthumains, présentée au CTD’A jusqu’au 4 décembre 2021.
Le sujet du posthumanisme s’avère aussi large et profond que ce dont il est question au premier chef, soit l’être humain. Celui de demain, qui viendra après, toujours plus loin. Dominique Leclerc avait entrepris d’analyser le sujet brillamment avec sa pièce Posthumains; elle aborde d’autres angles d’étude dans I/O (Input/Output en anglais, E/O ou entrée/sortie en français, c’est-à-dire les opérations de transfert de données à partir d’un ordinateur) avec un regard toujours curieux, tantôt amusé, tantôt préoccupé.
La dramaturge-comédienne-cometteuse en scène – avec Olivier Kemeid – s’exécute en scrutant la mort en face. En privilégiant une approche documentaire et performative éprouvée, elle prépare une archive numérique pour quand elle n’y sera plus. Dans cette capsule, destinée aux humain·es du futur, son personnage scénique expose divers objets obsolètes ou en voie de l’être : une visionneuse view-master, un vieil ordinateur portatif, une poupée qui parle, des disques vinyle, une vidéo d’Astroboy, etc.
Elle raconte la relation qu’elle a entretenue avec chacun de ces artefacts tout en se demandant si la présente génération sera la dernière issue de la génétique du hasard. Comme les technologies le promettent déjà, l’humain·e de demain pourrait en effet être façonné·e et créé·e génétiquement presque sans faille, peut-être immortel·le. Des projections d’entrevues menées auprès de spécialistes s’intercalent dans le récit, qui aborde aussi les derniers mois de vie du père de Dominique Leclerc.
Celle-ci approfondit donc les enjeux philosophiques et éthiques de « l’amélioration » de l’être humain jusqu’à son perfectionnement qui mènerait à une sélection pas naturelle du tout. Cette éventualité fait dire à un journaliste interviewé qu’il n’est pas grave de détruire la planète et les êtres vivants puisqu’on pourra les recréer ad nauseam en laboratoire.
Esprit ludique
Grâce à son esprit ludique, Dominique Leclerc évite toutefois les préjugés et les discours abscons en mettant l’accent davantage sur les émotions. Celles procurées par les retours vers les artefacts du passé et, surtout, celles de sa vie de famille et celles de son père, soudeur de métier, homme peu bavard avec lequel elle a pu reprendre contact quelques mois avant sa mort. La scène où elle lave une chemise du disparu est particulièrement touchante.
L’humour reste présent d’un bout à l’autre de la pièce afin de donner du rythme au propos tout en faisant en sorte que le sérieux de la réflexion ne vienne pas noyer l’aspect profondément humain de la proposition. L’apport silencieux du partenaire de création Patrice Charbonneau-Brunelle et du vidéaste Jérémie Battaglia agit dans le même sens. Une scène dansée hilarante traitant des chirurgies esthétiques de Madonna en est le meilleur exemple.
Autobiographie, documentaire et fiction s’entremêlent ici avec aisance dans une construction fragmentée, mais logique. Dominique Leclerc prouve également qu’on peut créer un spectacle « technologique » en comptant sur des moyens, somme toute, modestes : vidéo en direct ou enregistrée, cierge magique, défroisseur à vapeur…
En quelque sorte, I/O réussit la quadrature du cercle : provoquer, informer, divertir et émouvoir. La pièce démontre que le sujet est totalement maîtrisé par Dominique Leclerc et son équipe, et confirme la nécessité de réfléchir, sans s’angoisser, à ce que la vie sera après la vie, après notre vie. Avec une question fondamentale en tête : que restera-t-il de nous ?
I/O
Texte et interprétation : Dominique Leclerc. Mise en scène : Dominique Leclerc et Olivier Kemeid. Partenaire de création, scénographie et interprétation : Patrice Charbonneau-Brunelle. Vidéo et interprétation : Jérémie Battaglia. Assistance à la mise en scène et régie générale : Anne-Sara Gendron. Dramaturgie : Émilie Martz-Kuhn. Costumes : Leïlah Dufour Forget. Éclairages : Marie-Aube St-Amant Duplessis. Conception sonore : Andréa Marsolais-Roy. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt. Traduction des verbatims : David Laurin. Collaboration au mouvement : Marilyn Daoust. Assistance à la scénographie : Ximena Pinilla. Régie vidéo : Zachary Noël-Ferland. Intégration vidéo : Pierre Laniel. Direction de production : Gwenaëlle L’Heureux-Devinat. Direction technique de création : Simon Cloutier. Direction technique en salle : Guillaume Lafontaine-Moisan. Une coproduction du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et de Posthumains, présentée au CTD’A jusqu’au 4 décembre 2021.