Après s’être intéressé, en 2018, aux orphelins – et autres esseulés – dans les Choristes (production qui sera d’ailleurs de retour sur scène en décembre prochain), Serge Denoncourt s’est tourné vers les orphelines et signe une version québécoise de la comédie musicale classique Annie. Il en a lui-même traduit le livret ainsi que, avec la collaboration de Manuel Tadros, les paroles des chansons. En résulte un spectacle familial festif – un peu à la manière du Mary Poppins de Serge Postigo –, à la mécanique fort bien rodée et qui respecte fidèlement les codes du genre.
L’histoire raconte les péripéties d’une fillette de 11 ans, qui ne s’est jamais affranchie de l’espoir de retrouver un jour ses parents et qui se voit proposer un séjour de deux semaines chez un milliardaire, Oliver Warbucks, à l’occasion des vacances de Noël. Elle laissera derrière elle l’orphelinat où elle loge et la mégère qui l’administre, Agathe Hannigan. L’homme d’affaires autoritaire et brusque tombera sous le charme de la gamine et désirera l’adopter, ce qui ne saura se faire qu’une fois qu’il sera établi que celui et celle qui lui ont donné la vie ne sont plus. Warbucks offrira une récompense pour les débusquer, ce qui attirera toute la racaille new-yorkaise, y compris le frère de Miss Hannigan, Rooster, qui, jouissant d’informations privilégiées, passe bien près de réussir son coup.
Ce qui frappe le plus dans la traduction de Denoncourt est l’usage décomplexé d’une langue vernaculaire, qui, entre autres, dans certaines circonstances, prête à des mots à terminaison en « i » et en « ou » une sonorité en « itte » et en « outte ». Si cette approche, essentiellement comédique, sert à merveille, par exemple, la figure de l’âpre Miss Hannigan, ce niveau de langue tranche parfois avec celui, plus soutenu, des chansons. Ce phénomène est particulièrement manifeste en ce qui concerne l’héroïne qui, hors ses jolies mélodies, doit négocier avec un discours ponctué d’une surenchère de « Oh boy ! » qui, souvent, sonnent faux.
Musique, danse et allégresse
La version québécoise d’Annie épouse à merveille, sur plusieurs plans, les codes broadwayens de la comédie musicale. Le décor ingénieux élaboré par Guillaume Lord et Jeanne Ménard-Leblanc permet à l’orphelinat de se métamorphoser en un clin d’œil en opulent manoir (un escalier qui se sépare et se referme, des rideaux qui tombent du plafond…), et à la scène du Théâtre Saint-Denis, de se transmuer en 5e avenue avec ses devantures de boutiques, ou encore en campement de fortune de personnes sans abri. Car l’action se déroule en 1933, soit après le crash boursier et tout juste avant le New Deal de Franklin Delano Roosevelt, dont on peut voir la genèse – fictive – dans le spectacle. L’écart entre les surnanti·es et ceux et celles qui ne possèdent absolument rien imprègne d’ailleurs, en filigrane, toute la trame narrative, sans toutefois que le thème soit approfondi, ni même abordé de façon probante, il faut bien le dire.
Quoi qu’il en soit, autre aspect réussi de la production, les chorégraphies, si elles apparaissent assez simples en début de représentation, semblent prendre de la substance au fil de celle-ci et en viennent à rappeler l’âge d’or hollywoodien. Elles offrent donc un fort agréable complément aux chansons bien connues qui parsèment le spectacle, de « It’s the Hard-Knock Life » à « Tomorrow » en passant par « I Don’t Need Anything But You » et qui sont interprétées de manière très convaincante, tant par les adultes que par les enfants.
Or, les habiletés vocales de la distribution sont largement égalées par les qualités de jeu démontrées. La hargne, la rudesse et la vulgarité de la Miss Hannigan de Geneviève Alarie font presque oublier la prestation de la légendaire Carol Burnett dans la version cinématographique d’Annie proposée en 1982 par John Huston. Et que dire de l’adorable ribambelle de bambines qui entourent l’héroïne, elle-même campée avec aplomb (malgré quelques bafouillages lors de la représentation à laquelle nous avons assisté) par Kayla Tucker, en alternance avec Ange-Élie Ménard. David Savard offre une performance savoureuse, tout aussi pleine de vérité que de drôlerie, en homme d’affaires tendre mais bourru, mal outillé pour exprimer les émotions qu’il éprouve, tandis que Kevin Houle en Rooster et Éloi Archambaudoin en majordome ajoutent encore quelques sourires supplémentaires sur le visage des spectateurs et spectatrices qui ne pourront qu’être charmé·es par la bonhomie et l’optimisme qui suintent de cette comédie musicale guillerette et bien menée.
Livret : Thomas Meehan, à partir de la bande dessinée Little Orphan Annie. Paroles : Martin Charmin. Traduction du livret et mise en scène : Serge Denoncourt. Traduction des paroles : Serge Denoncourt et Manuel Tadros. Assistance à la mise en scène : Marie-Christine Martel. Musique : Charles Strouse. Direction musicale et arrangements : Lorenzo Somma. Chorégraphies : Wynn Holmes. Assistance aux chorégraphies : Nico Archambault. Scénographie : Guillaume Lord et Jeanne Ménard-Leblanc. Costumes : Pierre-Guy Lapointe. Accessoires; Julie Measroch. Éclairages : Julie Basse. Conception vidéo : Silent Partner Studio. Conception sonore : Jean-Philippe Bonichon. Coaching vocal : Katee Julien. Coaching de diction : Luc Bourgeois. Maquillages et coiffures : Amélie Bruneau-Longpré. Assistance aux maquillages et coiffures : Camille Sabbagh Bourret.
Après s’être intéressé, en 2018, aux orphelins – et autres esseulés – dans les Choristes (production qui sera d’ailleurs de retour sur scène en décembre prochain), Serge Denoncourt s’est tourné vers les orphelines et signe une version québécoise de la comédie musicale classique Annie. Il en a lui-même traduit le livret ainsi que, avec la collaboration de Manuel Tadros, les paroles des chansons. En résulte un spectacle familial festif – un peu à la manière du Mary Poppins de Serge Postigo –, à la mécanique fort bien rodée et qui respecte fidèlement les codes du genre.
L’histoire raconte les péripéties d’une fillette de 11 ans, qui ne s’est jamais affranchie de l’espoir de retrouver un jour ses parents et qui se voit proposer un séjour de deux semaines chez un milliardaire, Oliver Warbucks, à l’occasion des vacances de Noël. Elle laissera derrière elle l’orphelinat où elle loge et la mégère qui l’administre, Agathe Hannigan. L’homme d’affaires autoritaire et brusque tombera sous le charme de la gamine et désirera l’adopter, ce qui ne saura se faire qu’une fois qu’il sera établi que celui et celle qui lui ont donné la vie ne sont plus. Warbucks offrira une récompense pour les débusquer, ce qui attirera toute la racaille new-yorkaise, y compris le frère de Miss Hannigan, Rooster, qui, jouissant d’informations privilégiées, passe bien près de réussir son coup.
Ce qui frappe le plus dans la traduction de Denoncourt est l’usage décomplexé d’une langue vernaculaire, qui, entre autres, dans certaines circonstances, prête à des mots à terminaison en « i » et en « ou » une sonorité en « itte » et en « outte ». Si cette approche, essentiellement comédique, sert à merveille, par exemple, la figure de l’âpre Miss Hannigan, ce niveau de langue tranche parfois avec celui, plus soutenu, des chansons. Ce phénomène est particulièrement manifeste en ce qui concerne l’héroïne qui, hors ses jolies mélodies, doit négocier avec un discours ponctué d’une surenchère de « Oh boy ! » qui, souvent, sonnent faux.
Musique, danse et allégresse
La version québécoise d’Annie épouse à merveille, sur plusieurs plans, les codes broadwayens de la comédie musicale. Le décor ingénieux élaboré par Guillaume Lord et Jeanne Ménard-Leblanc permet à l’orphelinat de se métamorphoser en un clin d’œil en opulent manoir (un escalier qui se sépare et se referme, des rideaux qui tombent du plafond…), et à la scène du Théâtre Saint-Denis, de se transmuer en 5e avenue avec ses devantures de boutiques, ou encore en campement de fortune de personnes sans abri. Car l’action se déroule en 1933, soit après le crash boursier et tout juste avant le New Deal de Franklin Delano Roosevelt, dont on peut voir la genèse – fictive – dans le spectacle. L’écart entre les surnanti·es et ceux et celles qui ne possèdent absolument rien imprègne d’ailleurs, en filigrane, toute la trame narrative, sans toutefois que le thème soit approfondi, ni même abordé de façon probante, il faut bien le dire.
Quoi qu’il en soit, autre aspect réussi de la production, les chorégraphies, si elles apparaissent assez simples en début de représentation, semblent prendre de la substance au fil de celle-ci et en viennent à rappeler l’âge d’or hollywoodien. Elles offrent donc un fort agréable complément aux chansons bien connues qui parsèment le spectacle, de « It’s the Hard-Knock Life » à « Tomorrow » en passant par « I Don’t Need Anything But You » et qui sont interprétées de manière très convaincante, tant par les adultes que par les enfants.
Or, les habiletés vocales de la distribution sont largement égalées par les qualités de jeu démontrées. La hargne, la rudesse et la vulgarité de la Miss Hannigan de Geneviève Alarie font presque oublier la prestation de la légendaire Carol Burnett dans la version cinématographique d’Annie proposée en 1982 par John Huston. Et que dire de l’adorable ribambelle de bambines qui entourent l’héroïne, elle-même campée avec aplomb (malgré quelques bafouillages lors de la représentation à laquelle nous avons assisté) par Kayla Tucker, en alternance avec Ange-Élie Ménard. David Savard offre une performance savoureuse, tout aussi pleine de vérité que de drôlerie, en homme d’affaires tendre mais bourru, mal outillé pour exprimer les émotions qu’il éprouve, tandis que Kevin Houle en Rooster et Éloi Archambaudoin en majordome ajoutent encore quelques sourires supplémentaires sur le visage des spectateurs et spectatrices qui ne pourront qu’être charmé·es par la bonhomie et l’optimisme qui suintent de cette comédie musicale guillerette et bien menée.
Annie
Livret : Thomas Meehan, à partir de la bande dessinée Little Orphan Annie. Paroles : Martin Charmin. Traduction du livret et mise en scène : Serge Denoncourt. Traduction des paroles : Serge Denoncourt et Manuel Tadros. Assistance à la mise en scène : Marie-Christine Martel. Musique : Charles Strouse. Direction musicale et arrangements : Lorenzo Somma. Chorégraphies : Wynn Holmes. Assistance aux chorégraphies : Nico Archambault. Scénographie : Guillaume Lord et Jeanne Ménard-Leblanc. Costumes : Pierre-Guy Lapointe. Accessoires; Julie Measroch. Éclairages : Julie Basse. Conception vidéo : Silent Partner Studio. Conception sonore : Jean-Philippe Bonichon. Coaching vocal : Katee Julien. Coaching de diction : Luc Bourgeois. Maquillages et coiffures : Amélie Bruneau-Longpré. Assistance aux maquillages et coiffures : Camille Sabbagh Bourret.