Le Théâtre Bistouri produit une pièce, création ou traduction, par année depuis 2011. Son fondateur, Marc-André Thibault est comédien, auteur, traducteur, metteur en scène et producteur. Il traduit et met en scène Pas maintenant du dramaturge irlandais David Ireland (Ulster American, déjà présenté à Licorne) lors des populaires 5 à 7 du théâtre de la rue Papineau.
Les formules courtes ou de 5 à 7 se multiplient et vont continuer de le faire semble-t-il, qu’est-ce que ça vous permet comme compagnie ?
On réalise avec cette formule que certaines bonnes histoires nécessitent seulement 50 minutes pour être racontées. Ce format, avec l’ambiance, le type de pièces et l’heure des représentations, rejoint un autre public pour qui un spectacle de soir de 2 h 30 avec entracte n’est pas nécessairement idéal. On élargit donc l’offre théâtrale avec du théâtre accessible et qui fait autant appel à l’humour qu’à l’intelligence émotive des spectateurs. Je trouve aussi primordial que ces propositions voyagent sur le territoire et ne se limitent pas uniquement aux grandes villes, c’est pourquoi nous tournons plusieurs de nos spectacles en 5 à 7 partout au Québec depuis deux ans.
Ulster American, du même auteur, parle aussi de théâtre, est-ce qu’on retrouve ici son sens de la répartie et son humour parfois grinçant ?
David Ireland est fascinant. Il nous renvoie toute notre humanité en pleine face, toutes nos contradictions, notre orgueil. Dans ces deux textes, il est effectivement question de théâtre, mais surtout d’identité, d’appartenance familiale et historique et de choc de positions. Sous pression, les personnages se révèlent, on s’attache à chacun d’eux, tout en n’étant pas 100 % d’accord avec eux tout le temps. Les dialogues sont savoureux et me rappellent l’habileté de mon auteur fétiche Martin McDonagh (L’Ouest Solitaire, Les Ossements du Connemara, Le pillowman) qui a d’ailleurs été ma porte d’entrée pour le théâtre anglo-saxon.
Quant au travail de mise en scène dans ce cas précis et cette pièce en particulier, qu’exige-t-il de différent que dans le cas d’une création d’une durée plus longue ?
C’est principalement un travail de direction d’acteur, et ça, ça m’emballe particulièrement ! C’est une pièce en un acte, sans artifice technique, on se raccroche donc à l’excellent texte et aux performances d’acteur. C’est un art fascinant de recréer la vie, de rendre crédible le faux. J’ai un grand amour pour le théâtre réaliste, et j’aime oublier que j’ai des comédiens sous les yeux qui disent des répliques pour la centième fois. J’accorde beaucoup d’importance au travail de la présence scénique, de l’écoute, des silences, des subtilités d’interprétation et des sous-textes qui en disent souvent plus long que le texte lui-même. Il est important de trouver le bon équilibre entre la finesse du détail et la liberté aux interprètes, si précieuse pour que notre art reste vivant.
Une autre particularité du Théâtre Bistouri est de savoir découper le territoire québécois en se promenant un peu partout. Est-ce plus difficile que ce l’était avant en raison, entre autres, du financement ?
Le financement est toujours un enjeu, on ne se le cachera pas, mais je dirais que le risque financier réside toujours plus dans la création que dans la reprise/tournée. Une fois qu’on a répété, joué quatre semaines à La Licorne, qu’on a le décor, les costumes, etc. il ne reste qu’à budgéter le coût de plateau pour la tournée et vendre le spectacle conséquemment. On a la chance d’avoir marqué les esprits avec nos précédents spectacles en tournée (Conversations avec mon Pénis, Fondant, Voie de contournement), alors on sent un intérêt marqué des diffuseurs et du public en région pour nos nouvelles propositions.
Étant donné l’état des lieux actuel et la grande manif des arts vivants le 18 avril, difficile de ne pas te demander ce que tu penses du financement québécois des arts vivants ?
Ouf. Il y en a long à dire… Je pense malheureusement qu’il y a du mépris pour le travail des artistes de la part des décideurs. C’est un enjeu dont ils ne parlent presque jamais, parce que l’économie, parce que la santé, parce que l’éducation, mais on oublie trop souvent que sans culture, la vie serait pas mal moche. Je pense qu’on prend pour acquis qu’il y aura toujours des artistes prêts à travailler bénévolement, parce que c’est un travail de passion. En début de carrière, j’ai moi aussi monté plusieurs spectacles en partage de recettes en nous payant 3 cennes et quart, pour être actif, pour travailler, pour me faire un nom, pour créer. Mais c’est un couteau à double tranchant. J’ai vu beaucoup de collègues s’épuiser, s’éteindre, se déconstruire. Ce n’est pas parce que d’autres sont passés par un chemin difficile qu’il faut continuer dans cette direction. On devrait toujours rendre le chemin plus praticable pour ceux qui viennent. La réalité, c’est que nous avons des artistes d’exception au Québec, et que notre système les sous-finance. Nous sommes actuellement dans un moment charnière où de nombreuses compagnies établies et intermédiaires attendent de connaître le sort de leur financement des quatre prochaines années, en plus des jeunes compagnies qui sont dans l’incertitude du financement projet par projet. Avec les annonces récentes, je ne vois que deux issues, malheureusement insatisfaisantes: Des pointes de tarte suffisantes à peu de joueurs, ou encore de trop petites pointes de tarte à tous les joueurs. Et c’est ça l’affaire, il faudrait une couple de tartes de plus…
Pas maintenant est présentée à La Licorne en formule 5 à 7 du 23 avril au 17 mai 2024.
Le Théâtre Bistouri produit une pièce, création ou traduction, par année depuis 2011. Son fondateur, Marc-André Thibault est comédien, auteur, traducteur, metteur en scène et producteur. Il traduit et met en scène Pas maintenant du dramaturge irlandais David Ireland (Ulster American, déjà présenté à Licorne) lors des populaires 5 à 7 du théâtre de la rue Papineau.
Les formules courtes ou de 5 à 7 se multiplient et vont continuer de le faire semble-t-il, qu’est-ce que ça vous permet comme compagnie ?
On réalise avec cette formule que certaines bonnes histoires nécessitent seulement 50 minutes pour être racontées. Ce format, avec l’ambiance, le type de pièces et l’heure des représentations, rejoint un autre public pour qui un spectacle de soir de 2 h 30 avec entracte n’est pas nécessairement idéal. On élargit donc l’offre théâtrale avec du théâtre accessible et qui fait autant appel à l’humour qu’à l’intelligence émotive des spectateurs. Je trouve aussi primordial que ces propositions voyagent sur le territoire et ne se limitent pas uniquement aux grandes villes, c’est pourquoi nous tournons plusieurs de nos spectacles en 5 à 7 partout au Québec depuis deux ans.
Ulster American, du même auteur, parle aussi de théâtre, est-ce qu’on retrouve ici son sens de la répartie et son humour parfois grinçant ?
David Ireland est fascinant. Il nous renvoie toute notre humanité en pleine face, toutes nos contradictions, notre orgueil. Dans ces deux textes, il est effectivement question de théâtre, mais surtout d’identité, d’appartenance familiale et historique et de choc de positions. Sous pression, les personnages se révèlent, on s’attache à chacun d’eux, tout en n’étant pas 100 % d’accord avec eux tout le temps. Les dialogues sont savoureux et me rappellent l’habileté de mon auteur fétiche Martin McDonagh (L’Ouest Solitaire, Les Ossements du Connemara, Le pillowman) qui a d’ailleurs été ma porte d’entrée pour le théâtre anglo-saxon.
Quant au travail de mise en scène dans ce cas précis et cette pièce en particulier, qu’exige-t-il de différent que dans le cas d’une création d’une durée plus longue ?
C’est principalement un travail de direction d’acteur, et ça, ça m’emballe particulièrement ! C’est une pièce en un acte, sans artifice technique, on se raccroche donc à l’excellent texte et aux performances d’acteur. C’est un art fascinant de recréer la vie, de rendre crédible le faux. J’ai un grand amour pour le théâtre réaliste, et j’aime oublier que j’ai des comédiens sous les yeux qui disent des répliques pour la centième fois. J’accorde beaucoup d’importance au travail de la présence scénique, de l’écoute, des silences, des subtilités d’interprétation et des sous-textes qui en disent souvent plus long que le texte lui-même. Il est important de trouver le bon équilibre entre la finesse du détail et la liberté aux interprètes, si précieuse pour que notre art reste vivant.
Une autre particularité du Théâtre Bistouri est de savoir découper le territoire québécois en se promenant un peu partout. Est-ce plus difficile que ce l’était avant en raison, entre autres, du financement ?
Le financement est toujours un enjeu, on ne se le cachera pas, mais je dirais que le risque financier réside toujours plus dans la création que dans la reprise/tournée. Une fois qu’on a répété, joué quatre semaines à La Licorne, qu’on a le décor, les costumes, etc. il ne reste qu’à budgéter le coût de plateau pour la tournée et vendre le spectacle conséquemment. On a la chance d’avoir marqué les esprits avec nos précédents spectacles en tournée (Conversations avec mon Pénis, Fondant, Voie de contournement), alors on sent un intérêt marqué des diffuseurs et du public en région pour nos nouvelles propositions.
Étant donné l’état des lieux actuel et la grande manif des arts vivants le 18 avril, difficile de ne pas te demander ce que tu penses du financement québécois des arts vivants ?
Ouf. Il y en a long à dire… Je pense malheureusement qu’il y a du mépris pour le travail des artistes de la part des décideurs. C’est un enjeu dont ils ne parlent presque jamais, parce que l’économie, parce que la santé, parce que l’éducation, mais on oublie trop souvent que sans culture, la vie serait pas mal moche. Je pense qu’on prend pour acquis qu’il y aura toujours des artistes prêts à travailler bénévolement, parce que c’est un travail de passion. En début de carrière, j’ai moi aussi monté plusieurs spectacles en partage de recettes en nous payant 3 cennes et quart, pour être actif, pour travailler, pour me faire un nom, pour créer. Mais c’est un couteau à double tranchant. J’ai vu beaucoup de collègues s’épuiser, s’éteindre, se déconstruire. Ce n’est pas parce que d’autres sont passés par un chemin difficile qu’il faut continuer dans cette direction. On devrait toujours rendre le chemin plus praticable pour ceux qui viennent. La réalité, c’est que nous avons des artistes d’exception au Québec, et que notre système les sous-finance. Nous sommes actuellement dans un moment charnière où de nombreuses compagnies établies et intermédiaires attendent de connaître le sort de leur financement des quatre prochaines années, en plus des jeunes compagnies qui sont dans l’incertitude du financement projet par projet. Avec les annonces récentes, je ne vois que deux issues, malheureusement insatisfaisantes: Des pointes de tarte suffisantes à peu de joueurs, ou encore de trop petites pointes de tarte à tous les joueurs. Et c’est ça l’affaire, il faudrait une couple de tartes de plus…
Pas maintenant est présentée à La Licorne en formule 5 à 7 du 23 avril au 17 mai 2024.