Un enfant pétillant, des parents dépassés, des passants ricaneurs, et un grand souffle de lumière et d’énergie… Après le Théâtre des Gros Becs à Québec, puis dans plusieurs autres villes de la province, Norman c’est comme normal, à une lettre près vient survolter la salle de la Maison Théâtre pour achever sa tournée québécoise.
Dans une version antérieure du spectacle créé pour un public adulte, Pink boys and old ladies mettait déjà en scène, en 2018, un garçon en robe avec son papa sur le chemin de l’école. Cette fois, dans cette production de la compagnie belge Kosmocompany, c’est au fil d’une narration détachée que s’enchaînent les événements à partir du moment où Norman reçoit enfin la permission de porter une robe à l’extérieur de la maison. Les parents de Norman vivent l’un comme l’autre des réactions extrêmes et contradictoires à cette situation. La mère a bien de la difficulté à embrasser ce goût pour le rose (« la couleur des âmes perdues ») et les paillettes, cette fascination pour tout ce qui évoque les princesses (« décervelées »). Quant au père, après de longues hésitations, il finit par réagir d’une façon inattendue qui renversera complètement les choses.
À cette trame s’ajoutent rapidement d’autres membres de la famille élargie, tous campés avec grande originalité, ainsi que le cadre social et le quartier dans lesquels évolue l’enfant. Sur le chemin qui le mène du cocon de la maison à l’enfer — littéral — de l’école, il passe par des réflexions de toutes sortes provoquées par les regards de passants méprisants et de passantes médisantes. Au centre de ce tourbillon effréné, c’est bien souvent Norman qui considère avec curiosité, voire avec effarement, les comportements étranges des adultes qui peuplent son univers.
Danse-thérapie
La mise en scène de Clément Thirion se marie particulièrement bien avec l’écriture poétique et sobre de Marie Henry. Tout en retenue, le spectacle très tendre de ce duo de choc nous fait traverser une gamme d’émotions — de la tristesse au rire, de la terreur à l’éblouissement — sous-tendue d’humour. Calembours et jeux de mots, répétitions et séquences cycliques, le texte brillant s’adresse autant au jeune public qu’aux adultes. La présence particulièrement tonique des interprètes enflamme ce spectacle quelque peu hybride où triomphe la danse. En plus des performances inspirées de Quentin Chaveriat et d’Antoine Cogniaux, on notera le jeu polyvalent et nuancé de Deborah Marchal, tantôt maman rongée par le doute et la honte, tantôt monstre inquiétant, tantôt parente bourrue aux opinions catégoriques et à l’âme romantique.
L’excellente conception sonore se déploie à plusieurs niveaux. Elle souligne les effets comiques, accompagne délicatement les moments d’enchantement et fait monter le suspense des scènes effrayantes. La musique, tirée surtout du répertoire classique, ponctue avec bonheur les ballets et les chorégraphies dont Clément Thirion fait grand usage et qui ajoutent à l’aspect décalé du récit, facilitant notamment l’évocation de certains aspects plus graves de l’histoire.
Les vétérans et les doyennes du public peuvent entrevoir en filigrane Ma vie en rose (1997), film du réalisateur belge Alain Berliner qui montrait Ludovic, 7 ans, vivre en famille et à l’école de grandes questions sur son identité de genre. En 25 ans, l’attitude du public envers le thème de la transidentité s’est-elle réellement modifiée ? L’histoire de Norman raconte un quotidien rendu douloureux par le regard du monde sur sa singularité. Mais dans la salle, si les jeunes spectateurs et spectatrices de huit à 12 ans réagissent très fort au spectacle, ce sont les scènes d’épouvante, les moments de magie visuelle et l’humour parfois racoleur qui les émeut, pas particulièrement la seule vue d’un garçon qui porte une robe.
Comment concilier les réalités parfois paradoxales qui nous constituent ? C’est là la question principale de ce spectacle tout en nuances. À l’abri des clichés, Norman dépeint l’ordinaire d’un jeune humain et l’extraordinaire de sa situation. Entre ses besoins impérieux, son imagination débordante et son courage quotidien, cet enfant bien normal en effet diffuse autour de lui, par touches lumineuses, la liberté jubilatoire que l’on peut ressentir en s’assumant complètement dans un gracieux chassé.
Direction et chorégraphie : Clément Thirion. Écriture et dramaturgie : Marie Henry. Scénographie et costumes : Katrijn Baeten et Saskia Louwaard. Création lumière et direction technique : Gaspar Schelck. Création sonore : Thomas Turine. Danse classique : Maria Clara Villa Lobos. Régie : Rodolphe Maquet, Gleb Panteleef, Gaspar Schelck, Christophe Van Hove. Avec Quentin Chaveriat, Antoine Cogniaux, Deborah Marchal. Une production de kosmocompany présentée à la Maison Théâtre jusqu’au 12 mai 2024.
Un enfant pétillant, des parents dépassés, des passants ricaneurs, et un grand souffle de lumière et d’énergie… Après le Théâtre des Gros Becs à Québec, puis dans plusieurs autres villes de la province, Norman c’est comme normal, à une lettre près vient survolter la salle de la Maison Théâtre pour achever sa tournée québécoise.
Dans une version antérieure du spectacle créé pour un public adulte, Pink boys and old ladies mettait déjà en scène, en 2018, un garçon en robe avec son papa sur le chemin de l’école. Cette fois, dans cette production de la compagnie belge Kosmocompany, c’est au fil d’une narration détachée que s’enchaînent les événements à partir du moment où Norman reçoit enfin la permission de porter une robe à l’extérieur de la maison. Les parents de Norman vivent l’un comme l’autre des réactions extrêmes et contradictoires à cette situation. La mère a bien de la difficulté à embrasser ce goût pour le rose (« la couleur des âmes perdues ») et les paillettes, cette fascination pour tout ce qui évoque les princesses (« décervelées »). Quant au père, après de longues hésitations, il finit par réagir d’une façon inattendue qui renversera complètement les choses.
À cette trame s’ajoutent rapidement d’autres membres de la famille élargie, tous campés avec grande originalité, ainsi que le cadre social et le quartier dans lesquels évolue l’enfant. Sur le chemin qui le mène du cocon de la maison à l’enfer — littéral — de l’école, il passe par des réflexions de toutes sortes provoquées par les regards de passants méprisants et de passantes médisantes. Au centre de ce tourbillon effréné, c’est bien souvent Norman qui considère avec curiosité, voire avec effarement, les comportements étranges des adultes qui peuplent son univers.
Danse-thérapie
La mise en scène de Clément Thirion se marie particulièrement bien avec l’écriture poétique et sobre de Marie Henry. Tout en retenue, le spectacle très tendre de ce duo de choc nous fait traverser une gamme d’émotions — de la tristesse au rire, de la terreur à l’éblouissement — sous-tendue d’humour. Calembours et jeux de mots, répétitions et séquences cycliques, le texte brillant s’adresse autant au jeune public qu’aux adultes. La présence particulièrement tonique des interprètes enflamme ce spectacle quelque peu hybride où triomphe la danse. En plus des performances inspirées de Quentin Chaveriat et d’Antoine Cogniaux, on notera le jeu polyvalent et nuancé de Deborah Marchal, tantôt maman rongée par le doute et la honte, tantôt monstre inquiétant, tantôt parente bourrue aux opinions catégoriques et à l’âme romantique.
L’excellente conception sonore se déploie à plusieurs niveaux. Elle souligne les effets comiques, accompagne délicatement les moments d’enchantement et fait monter le suspense des scènes effrayantes. La musique, tirée surtout du répertoire classique, ponctue avec bonheur les ballets et les chorégraphies dont Clément Thirion fait grand usage et qui ajoutent à l’aspect décalé du récit, facilitant notamment l’évocation de certains aspects plus graves de l’histoire.
Les vétérans et les doyennes du public peuvent entrevoir en filigrane Ma vie en rose (1997), film du réalisateur belge Alain Berliner qui montrait Ludovic, 7 ans, vivre en famille et à l’école de grandes questions sur son identité de genre. En 25 ans, l’attitude du public envers le thème de la transidentité s’est-elle réellement modifiée ? L’histoire de Norman raconte un quotidien rendu douloureux par le regard du monde sur sa singularité. Mais dans la salle, si les jeunes spectateurs et spectatrices de huit à 12 ans réagissent très fort au spectacle, ce sont les scènes d’épouvante, les moments de magie visuelle et l’humour parfois racoleur qui les émeut, pas particulièrement la seule vue d’un garçon qui porte une robe.
Comment concilier les réalités parfois paradoxales qui nous constituent ? C’est là la question principale de ce spectacle tout en nuances. À l’abri des clichés, Norman dépeint l’ordinaire d’un jeune humain et l’extraordinaire de sa situation. Entre ses besoins impérieux, son imagination débordante et son courage quotidien, cet enfant bien normal en effet diffuse autour de lui, par touches lumineuses, la liberté jubilatoire que l’on peut ressentir en s’assumant complètement dans un gracieux chassé.
Norman c’est comme normal, à une lettre près
Direction et chorégraphie : Clément Thirion. Écriture et dramaturgie : Marie Henry. Scénographie et costumes : Katrijn Baeten et Saskia Louwaard. Création lumière et direction technique : Gaspar Schelck. Création sonore : Thomas Turine. Danse classique : Maria Clara Villa Lobos. Régie : Rodolphe Maquet, Gleb Panteleef, Gaspar Schelck, Christophe Van Hove. Avec Quentin Chaveriat, Antoine Cogniaux, Deborah Marchal. Une production de kosmocompany présentée à la Maison Théâtre jusqu’au 12 mai 2024.